Sentiments et mémoire: Une circulation fluide
Quand vous vous déplacez sur une autoroute et que les panneaux électroniques indiquent « circulation fluide », vous savez que la voie est libre et que vous avez toutes les chances d’atteindre votre destination dans le temps prévu. Au contraire, les panneaux annonçant « congestion » ou « circulation ralentie » vous disent qu’un obstacle nuit au trafic et qu’il se peut que vous soyez en retard ou obligé d’emprunter une voie secondaire pour vous rendre là où vous souhaitez aller.
Par comparaison, on pourrait dire que l’organisme est traversé par un vaste réseau d’autoroutes et de routes secondaires reliant le corps au cerveau. Ce réseau est composé des nerfs qui transportent les influx nerveux dans les deux sens, et de la circulation sanguine qui véhicule les hormones et les cellules responsables des défenses immunitaires. Des informations en provenance de diverses sources y circulent sans arrêt : perceptions, sensations, émotions, sentiments, images, souvenirs et pensées. Pour se représenter une émotion par un sentiment et pour effectuer son travail de comparaison et de liaison, le psychisme doit avoir libre accès à toutes les informations dont il a besoin. Pour cela, la circulation des informations entre les diverses parties du cerveau et entre le cerveau et le corps ne doit rencontrer aucun obstacle. La fluidité est donc indispensable au pouvoir créateur du cerveau. Pendant que l’imaginaire jongle avec toutes les informations disponibles à la conscience,le regard que l’on porte sur le monde s’élargit, les sentiments modifient. Nous ne sommes conscients que de la mouvance d images mentales et des liens conscients qui s’établissent, mais c n’est que la pointe de l’iceberg d’une réorganisation beaucoup plus profonde. Si les sentiments évoluent, c’est que l’état du corps s’est modifié profondément.
Toutes les modalités de travail mental, que ce soit la réflexion, l’introspection, le travail du deuil ou l’imagination créatrice, requièrent la participation de la conscience et utilisent les données de la mémoire et de l’émotion. Parce qu’elles font circuler les diverses informations entre les aires cérébrales et entre le cerveau et le reste du corps, elles contribuent toutes à offrir une issue psychique à la tension physique due à une émotion. Leur efficacité dépend de l’importance de la volonté sur la direction des pensées au cours du travail psychique. Plus la volonté sera sollicitée, plus le cerveau gauche sera aux commandes et filtrera les informations parvenant à la conscience, ce qui aura pour effet de restreindre le travail mental à une problématique particulière. Moins la volonté d’orienter les pensées sera présente, plus le cerveau sera réceptif à des informations de toutes provenances. Cliniquement, on observe que plus la personne parvient à mettre en veilleuse le contrôle rationnel de ses pensées, à accentuer les mouvements de l’imaginaire et à être présente à ses sensations corporelles, plus l’élaboration mentale peut atteindre les couches profondes du fonctionnement physiologique. La fluidité de la pensée s’apparente ici à l’enchaînement des images oniriques. On peut donc en déduire que plus on s’approche d’une forme de pensée semblable à celle du rêve, plus on maximise sa fonction soignante. Au chapitre suivant, nous irons visiter une usine de transformation des émotions pour les intégrer à notre mémoire à long terme: le sommeil et le rêve.