Remèdes et poisons
Il est certain que l’automédication a ses limites, tant en termes d’efficacité que de risques. Le diagnostic de l’affection en cause doit être précis, le choix du remède phytothérapique doit reposer sur des connaissances botaniques et pharmacologiques suffisantes et la préparation du remède doit répondre à des protocoles rigoureux. Par ailleurs, la nature n’est pas toujours bonne : l’histoire des poisons est parallèle à celle des plantes médicinales. Des plantes salutaires peuvent ressembler de fort près à des plantes dangereuses : persil et ciguë par exemple sont faciles à confondre. Et l’activité de nombreuses plantes est tantôt bénéfique, tantôt dangereuse selon la dose et l’utilisation.
Ainsi les bons livres recommandent-ils de manier avec précaution certaines plantes, telle la valériane, pourtant sédative et somnifère, mais susceptible de provoquer migraines, voire convulsions si elle est mal utilisée. A plus forte raison le profane évitera-t-il de toucher à des plantes fort actives telle la digitale ou la jusquiame, aux propriétés remarquables mais potentiellement dangereuses. C’est dire l’intérêt de voir intervenir l’homme de l’art, médecin, herboriste ou psychothérapeute de formation convenable, pour tirer des simples le meilleur parti possible pour la santé. Le prescripteur en effet doit connaître parfaitement, non seulement les propriétés générales de la plante, mais d’éventuelles différences d’action en fonction du terrain, de l’altitude, du climat. Rappelons qu’en ce monde pollué, il importe de connaître les conditions dans lesquelles sont cultivées les plantes médicinales : il s’agit d’améliorer sa santé et non de risquer de charger son organisme en résidus de pesticides ou en métaux lourds.
Non moins fondamental est le moment de la cueillette : le degré de mûrissement influe sensiblement sur les propriétés d’une plante. Ainsi, les fleurs se cueillent en règle générale avant complet épanouissement, les fruits se cueillent très mûrs. C’est par temps sec, non orageux, après le lever du jour et l’évaporation de la rosée que se cueillent de préférence les plantes. Il faudra encore que l’herboriste les fasse sécher dans de bonnes conditions, pendant un laps de temps convenable, variable selon que la partie active de la plante est la racine, l’écorce, la fleur, la feuille, la semence. Les plantes médicinales perdent leur activité avec le temps ; ainsi, les parties actives florales ne devraient pas être utilisées plus d’un an ; les feuilles plus de deux ans et les racines plus de trois ou quatre ans.
Une vaste pharmacopée
Le mode d’utilisation conditionne lui aussi l’efficacité. L’art de la galénique, celui de transformer la plante ou sa partie active en remède, a abouti à des formes très variées. L’exemple le plus courant et le plus ancien est la tisane, qui peut résulter d’une infusion, d’une décoction ou d’une macération, selon le temps que passe la plante dans l’eau bouillante ou non. Mais la plante peut aussi se présenter sous forme de poudre, ayant été broyée, pulvérisée ou tamisée ; elle peut alors être absorbée directement dans des gélules. On peut aussi en tirer ce qu’on appelle des extraits secs,obtenus par évaporation dune solution dans laquelle la poudre de plante a été dissoute, et intégrée dans des gélules. Enfin, la conservation par le froid a permis l’apparition des suspensions intégrales de plantes fraîches qui devraient préserver au mieux leurs principes actifs.
D’autres formes moins usitées, teintures mères obtenues par macération dans l’alcool, intrants, hydrolisats, sirops, pommades, cataplasmes… restent encore possibles. On mettra un peu à part l’aromathérapie, qui utilise les essences de plantes, ou huiles essentielles aux propriétés en particulier antiseptiques, bactéricides, parfois proprement antibiotiques. Ces essences sont intéressantes surtout en inhalation, en frictions, par balnéothérapie, mais ne devraient pas être utilisées en automédication par voie interne, car elles sont susceptibles de déclencher des réactions gastriques, voire neurologiques L fâcheuses, exceptionnellement mortelles.