Prescriptions diététiques et médicamenteuses: Approche médicamenteuse
Si de multiples essais médicamenteux ont été entrepris, en particulier avec des psychotropes, aucun consensus d’efficacité n’a jamais pu être dégagé. Toutefois, quelques médicaments peuvent s’avérer utiles ou constituer un appoint appréciable dans certaines situations particulières. D’autres ont plus une valeur symptomatique ou substitutive, même si leur usage relève souvent plus d’une attitude de principe que d’une efficacité réellement prouvée.
Psychotropes :
Dans la prise en charge des adolescents anorexiques, un traitement par psychotropes ne devrait jamais être utilisé seul, mais toujours associé à une démarche psychothérapeutique, sachant toutefois que les psychotropes peuvent, dans certains cas particuliers, faciliter la mise en place d’une psychothérapie. En règle générale, la prescription de psychotropes doit être réduite au strict nécessaire.
Il faut garder à l’esprit qu’aucune des études sur les traitements par psychotropes dans le cadre des anorexies mentales n’a été jusqu’à ce jour réellement convaincante, en particulier pour ce qui concerne la reprise de poids ou la prévention des rechutes. La seule exception pourrait concerner la fluoxétine (Prozac), dans le cadre de la boulimie. Par ailleurs, la quasi- totalité de ces études a porté sur des adultes, et leurs résultats ne sont pas nécessairement transposables sur les adolescents ni a fortiori les enfants.
En tout état de cause, il importe surtout de bien retenir que tout traitement médicamenteux, dans ces contextes, ne peut être qu’un temps et qu’une étape dans une perspective de traitement beaucoup plus globale et durable.
Les antidépresseurs :
Les associations anorexie mentale et dépression, et plus encore boulimie et dépression sont fréquentes. En présence d’un syndrome dépressif manifestement majeur, un traitement par antidépresseurs peut être indiqué, d’autant que l’amélioration de l’humeur entraîne souvent à elle seule une amélioration du comportement alimentaire. Certaines équipes y ont recours assez systématiquement, arguant de l’action anxiolytique de la plupart des antidépresseurs. Dans le cadre de l’anorexie, il faut toutefois se souvenir que le meilleur traitement d’une dépression n’est souvent autre que l’aide à la reprise alimentaire. Par ailleurs, aucune étude comparative entre tel ou tel antidépresseur n’est encore disponible dans ces indications. Quoi qu’il en soit, lorsque devant un syndrome dépressif important un traitement semble indiqué, on choisira de préférence un antidépresseur agissant sur l’activité sérotoninergique. Dans cette classe, le plus étudié reste sans conteste la fluoxétine (Prozac). Il faut enfin savoir que dans la boulimie, l’efficacité à court terme des antidépresseurs sur le symptôme boulimique apparaît indépendante de la sévérité, voire de la présence même d’une dépression sous-jacente.
La fluoxétine (Prozac), outre son effet anxiolytique, est efficace dans les troubles obsessionnels compulsifs, tels qu’on les retrouve souvent dans les troubles du comportement alimentaire avec conduites boulimiques. Cette molécule est d’ailleurs la plus utilisée dans la boulimie. Chez les anorexiques ayant récupéré un poids satisfaisant, elle pourrait également aider à prévenir la rechute. La fluoxétine n’a pas d’effet cholinergique et semble dénuée de toxicité cardiaque. Sa demi- vie d’élimination est de 2 à 7 jours, l’état d’équilibre étant atteint au bout de 2 à 4 semaines. Ce médicament n’existe pas sous forme intraveineuse. Le traitement est initié avec une dose orale de 20 mg/j en une prise matinale, augmentée progressivement et si nécessaire jusqu’à 60 mg/j (alors en 2 prises). Chez les adultes boulimiques, il a été prouvé que cette dose de 60 mg donne de meilleurs résultats que celle de 20 mg.
Parmi les autres médicaments du groupe des antidépresseurs étudiés et susceptibles d’être utilisés, on peut citer :
– la désipramine (Pertofran) : elle possède une composante sédative, et peut être indiquée dans le traitement des troubles obsessionnels. La dose initiale utilisée est de 50 mg/j (voie orale), suivie d’une augmentation progressive de 50 mg tous les trois à 5 jours, jusqu’à un maximum de 5 mg/kg ;
– la clomipramine (Anafranil) : c’est un psychotonique triclyclique modéré. Les doses habituelles sont de 50 à 150 mg/j (voie orale), une forme d’administration intraveineuse étant également disponible. L’adjonction d’un anxiolytique peut être indiquée.
Pour ces deux antidépresseurs, un ECG doit être effectué avant le début du traitement afin d’exclure toute anomalie électrocardiographique. Cette précaution est d’autant plus importante à respecter que les anomalies de la conduction ou certains troubles du rythme font partie des complications de l’anorexie mentale.
Lors de la prescription, il importe de bien connaître les risques et manifestations de surdosage, en particulier au niveau cardiovasculaire et neurologique. Il faut aussi tenir compte de l’état somatique préexistant de ces patients, qui peut majorer les effets secondaires (hypotension orthostatique en particulier) ou toxiques.
Durée du traitement : à partir du moment où un traitement antidépresseur est institué, il devrait normalement être poursuivi au moins 3 ou 4 mois. Il est rare qu’il faille le poursuivre au-delà de 6 mois. Il faut savoir qu’un effet d’échappement au traitement n’est pas exceptionnel, et qu’il réclame alors un arrêt du médicament.
Les neuroleptiques :
L’indication des neuroleptiques n’est justifiée que pour une minorité de patients, qui présenteraient une anxiété quasi panique face aux aliments, un état d’agitation prolongé, des phobies très importantes ou des comportements obsessionnels majeurs. Parmi les neuroleptiques, la chlorpromazine est le plus prescrit par les équipes qui préconisent l’usage des médicaments de ce groupe.
– la chlorpromazine (Largactil) est utilisée à des doses de 25 à 150 mg/j ;
– la pimozide (Orap) est parfois également utilisée, à des doses allant jusqu’à 16 mg/j en une prise journalière.
Là encore, compte tenu des effets secondaires et toxiques (hypotension, troubles du rythme) de la plupart des neuroleptiques, ceux-ci doivent être utilisés avec extrême précaution chez les adolescents anorexiques.
Le lithium a fait l’objet d’essais dans le traitement des crises boulimiques. Mais il est particulièrement déconseillé dans les conduites boulimiques avec vomissements ou usage de diurétiques (difficultés de monitorage du traitement).
D’autres médicaments à effet psychotrope ont également été étudiés, sans que leur efficacité dans le traitement des anorexies mentales soit toutefois démontrée. Il s’agit par exemple de l’amytryptilline (Laroxyl), la L-dopa (Modopar) et la métoclopramide (Primpéran).
Les tranquillisants :
Les anxiolytiques comme les somnifères peuvent à l’occasion constituer des traitements d’appoint. L’utilisation de tranquillisants mineurs avant les repas est susceptible d’aider certains patients à surmonter leurs angoisses. Ces traitements doivent toujours faire l’objet d’une surveillance médicale sur une courte période de temps afin de ne pas induire de dépendance. Parmi les benzodiazépines, les plus utilisés sont le lorazépam (Temesta, 0,5-1 mg/j) et l’oxazepam (Seresta, 15-30 mg/j).
Traitements à visée digestive :
Les patientes anorexiques se plaignent souvent de symptômes digestifs variés. C’est en particulier le cas pour les sensations (surtout après le repas) de ballonnement abdominal, de régurgitations, de nausées ou renvois, et pour les constipations opiniâtres. Des épisodes de diarrhée sont également possibles au début d’une réalimentation par sonde. Certes, la plupart de ces symptômes s’améliorent du simple fait de la réalimentation. Mais celle-ci peut prendre du temps, et certains symptômes peuvent néanmoins persister, nécessitant un traitement médical symptomatique. Certaines études ont ainsi montré que les patientes anorexiques même guéries au plan physique peuvent présenter jusqu’à 6 fois plus de plaintes gastro-intestinales que des témoins.
Laxatifs :
La constipation est sans doute la plainte le plus fréquemment rencontrée chez les anorexiques. On peut en grande partie l’interpréter comme témoignant d’une atonie intestinale. La carence potassique corollaire de la dénutrition (majorée le cas échéant par des vomissements), tout comme un éventuel traitement antidépresseur, peuvent venir majorer la symptomatologie.
Le résultat est que beaucoup d’anorexiques utilisent des laxatifs, souvent en automédication et parfois en grande quantité.
Un apport liquidien suffisant est la première des choses à vérifier dans la prise en charge de ces constipations. Si une prescription doit malgré tout être envisagée, il faut surtout éviter les laxatifs osmotiques, dont l’usage peut favoriser ou aggraver les troubles électrolytiques. Beaucoup plus indiqués sont les traitements à action mécanique telles les fibres ou les huiles de paraffine. Dans tous les cas, la prescription et la surveillance du traitement doivent rester strictement médicales.
Antiémétiques et accélérateurs de la vidange gastrique :
Il est à présent bien démontré que les troubles de la vidange gastrique sont fréquents au cours de l’anorexie mentale, ces troubles apparaissant d’ailleurs indépendamment du degré de la perte de poids. Ils sont responsables de certains symptômes per ou post-prandiaux dont se plaignent ces patientes, qui peuvent bénéficier de l’action des accélérateurs du transit :
– le cisapride (Prepulsid) : il s’agit d’un accélérateur de la motilité œsogastro-intestinale par stimulation de la libération d’acétylcholine. Une nette amélioration des troubles digestifs subjectifs a pu être démontrée avec le Prepulsid à raison de 10 mg/j ;
– le dompéridon (Motilium) : comme tous les traitements antiémétiques, il peut avoir des effets secondaires. Mais son action a été démontrée dans plusieurs études, et il s’avère par¬ticulièrement utile en présence de régurgitations importantes. Les doses utilisées sont de 10 à 20 mg trois fois par jour ;
– d’autres antiémétiques, tel le métoclopramide (Primpéran), sont également utilisables mais avec précaution, compte tenu de leur propriété neuroleptique.
Pansements gastriques et autres traitements symptomatiques:
Des pansements gastriques tels que le Maalox ou le Phosphaluge diminuent l’activité de la sécrétion gastrique grâce à leur pouvoir tampon et neutralisant. Ils peuvent soulager les
symptômes de brûlures gastriques lorsqu’ils existent, en particulier chez les patientes les plus anxieuses. Cela dit, ils peuvent majorer la constipation.
Le Gel de Polysilane, qui tapisse la muqueuse digestive sous forme d’une couche protectrice, est également utilisable comme traitement symptomatique des colopathies fonctionnelles.
Pour les plaintes de ballonnement abdominal, un simple fractionnement des repas peut déjà suffire à améliorer les symptômes. Les traitements symptomatiques comme le charbon (Carbolevure, Carbosylane), qui absorbent les gaz et liquides par action physique, peuvent être indiqués en cas de météorisme. Mais ils sont constipants.
Stimulants de l’appétit :
Dans l’anorexie mentale, les orexigènes ne sont pas indiqués. Les traitements par cyproheptadine (Periactine), bromocriptine (Parlodel®), ou antagonistes opiacés (Narcan) sont totalement sans effet.
Traitements substitutifs :
Au cours de l’anorexie mentale, les carences potassique et phosphatée sont quasi constantes, même si les taux plasmatiques de ces ions essentiellement intracellulaires restent le plus souvent dans les limites de la normale.
Le potassium :
La supplémentation potassique est l’une des prescriptions les plus fréquentes chez les anorexiques vomisseuses. L’hypokaliémie est due aux pertes mais surtout à l’alcalose métabolique induite par les vomissements. L’usage de laxatifs peut rajouter une fuite potassique intestinale. A ces phénomènes s ajoutent parfois l’effet d’un hyperaldostéronisme secondaire à l’hypovolémie). La carence en potassium peut conduire à des taux sanguins inférieurs à 2 mmol/1. En cas d’hypokaliémie sévère, a fortiori accompagnée de manifestations cliniques (cardiaques notamment), une substitution par voie veineuse est indiquée. En général cependant, ces hypokaliémies sont assez bien supportées pour que l’initiation de la supplémentation soit suffisante. Dans tous les cas, une surveillance sanguine et urinaire régulière est nécessaire.
– Pour une supplémentation intraveineuse, il est indiqué de commencer par 1 à 2 mmol/kg/j, avec un rythme de perfusion hautement surveillé.
– Pour une substitution orale, il est préférable d’employer des substances à libération prolongée, tel le Diffu-K (8 mmol K/gélule) à raison de 10 à 50 mmol/j en prophylaxie. Si la patiente insiste pour une forme en sirop, on peut aussi utiliser le Potassion par exemple, à raison d’une cuillère à soupe 3 fois/j.
Cette substitution est nécessaire tant que durent les vomissements, et doit être prolongée sur plusieurs mois en général, avec vérification de la kaliémie. Il convient enfin d’adapter 1 horaire des prises en fonction des habitudes purgatives, afin de minimiser le risque d’expulsion d’une partie du médicament.
Le phosphore :
Une carence phosphatée avec hypophosphorémie peut avoir des conséquences graves sur certains métabolismes cellulaires (cœur, système nerveux, muscles).
Mais une phosphorémie normale n’exclut pas pour autant une déplétion phosphatée intracellulaire. La phosphorémie peut en effet brutalement chuter au cours de la reprise anabolique cellulaire secondaire à la renutrition. C’est pourquoi celle-ci doit être systématiquement surveillée pendant cette période (a fortiori en situation de renutrition assistée), et une supplémentation est systématique dans ces circonstances. Il est également conseillé de ne pas négliger la surveillance des taux sanguins du magnésium, calcium, potassium et l’équilibre acido-basique, car des troubles à ces niveaux peuvent potentialiser les effets d’une hypophosphorémie.
Les apports journaliers en phosphore sont de 800 à 1000 mg (soit 20 à 30 mg/kg). La supplémentation par voie orale est le plus souvent suffisante : par exemple Phosphore- Sandoz (2 à 3 cm effervescents à 750 mg par jour, soit 1,5 à 2,5 g/j) pendant la phase de réalimentation intensive. Si la supplémentation orale n’est pas possible, ou dans les cas rares où une alimentation parentérale est nécessaire, l’apport de phosphore peut se faire par voie veineuse.
Le calcium :
Les besoins journaliers en calcium chez les adolescents sont de 1 200 à 1 500 mg. Compte tenu de ce que l’on sait maintenant du risque d’ostéopénie chez les anorexiques, un apport de calcium supplémentaire est certainement utile, en association avec la vitamine D, en période de renutrition et de relance des anabolismes. De multiples formes existent sur le marché.
Le magnésium :
Des déficits en magnésium sont parfois retrouvés, qui peuvent en partie expliquer certains symptômes telles une faiblesse musculaire, des paresthésies ou des crampes. Une supplémentation orale peut parfois améliorer ces désagréments, sachant que les apports normaux sont de 20 mg/kg par jour.
Le zinc :
De nombreuses études ont étudié les liens éventuels entre la carence en zinc et l’anorexie mentale, et son rôle possible dans certains des symptômes comme la sécheresse de la peau ou l’hypogueusie (diminution des sensations gustatives).
Du fait d’un manque d’apport, le taux du zinc plasmatique est en effet souvent abaissé. Toutefois, une supplémentation systématique n’a pas d’indication, dans la mesure où la simple réalimentation suffit à restaurer le déficit. Certains ont pu néanmoins proposer, en présence d’une baisse importante des taux sanguins, une supplémentation à raison de 3 fois 10 mg/j pendant 2 à 3 semaines. En situation de renutrition parentérale ou entérale prolongée, un apport de zinc devient obligatoire.
Le fer :
La carence martiale est une éventualité peu fréquente au cours de l’anorexie mentale. De plus, l’aménorrhée supprime chez les filles une cause possible de déficit. Néammoins, au cours de la phase de renutrition, une carence peut se démasquer à l’occasion de la reconstitution de la masse musculaire et du volume sanguin, et réclamer une cure martiale.
Les vitamines :
Un manque effectif en vitamines est rarement retrouvé dans l’anorexie mentale à l’adolescence. Les cures de polyvitamines, dans ce contexte, sont administrées plus par conviction que par raison. Cela dit, certains travaux mentionnent des taux abaissés de vitamine A et E, répondant à un manque d’apport et non de synthèse. Mais là encore, une substitution systématique ne semble pas nécessaire dans la mesure où ces carences se corrigent du simple fait d’une réalimentation adéquate.
Quant à la vitamine D, son apport à raison de 100 à 200 000 UI (maximum 400 000 Ul/an) se justifie comme pour tous les adolescents en période de croissance, et surtout en fin d’hiver.
Les analeptiques circulatoires :
Les analeptiques sympathomimétiques (tel Hept-A-Myl) sont parfois proposés face à une hypotension orthostatique. Toutefois, leur indication dans le cas des patientes anorexiques est très discutée. Il s’agit d’un traitement purement symptomatique, qui risque surtout de masquer les signes cliniques témoins de la gravité de l’état physique (bradycardie, hypotension). En revanche, ces médicaments doivent être prescrits systématiquement comme adjuvants lors de l’utilisation d’un antidépresseur.
Traitements hormonaux Les œstroprogestatifs :
Il est relativement fréquent qu’une association œstroprogestative soit prescrite pour une adolescente anorexique en aménorrhée secondaire. Toute la question est de savoir dans quel but, sachant que l’objectif qui ne viserait qu’à rétablir les cycles ou faire revenir les règles ne saurait être considéré comme véritablement crédible ni réellement utile. Un tel traitement est même contre-indiqué quand persistent chez cette adolescente des angoisses importantes en rapport avec l’acceptation de sa féminité. Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer la crainte, chez beaucoup de jeunes filles et a fortiori celles-là, d’une prise de poids sous pilule.
Le besoin de contraception : les œstroprogestatifs sont d’abord et avant tout indiqués chez l’adolescente qui, nonobstant son anorexie mentale, reste ou est devenue sexuellement active. Cela étant, quand une adolescente anorexique devient sexuellement active, c’est que le plus souvent elle va déjà beaucoup mieux. Une aménorrhée persistante ne saurait constituer une garantie contraceptive, et les ovulations post-coïtales, bien que rares, sont possibles. Par ailleurs, la composante œstrogénique de la pilule permet une amélioration de la trophicité vulvo-vaginale et accroît les sécrétions muqueuses, ce qui évite la sécheresse vaginale fréquente dans les situations d’hypoœstrogénie, et peut permettre un vécu plus satisfaisant des rapports sexuels. Une hypercholestérolémie est fréquemment retrouvée chez les anorexiques. Mais dans ce cas particulier, elle n’est pas une contre-indication aux œstroprogestatifs de synthèse.
Des mastodynies peuvent survenir au début de la prise de la pilule. Le développement mammaire rapide, lié à la prise d’œstrogènes, et souvent parallèlement à la reprise pondérale, explique en partie cette symptomatologie douloureuse. Le recours à une pilule à climat progestatif, voire à des progestatifs seuls si les douleurs persistent, permet d’améliorer cette symptomatologie, elle-même source de mauvaise compliance contraceptive.
L’hypothèse d’une prévention de la perte de masse osseuse : la prescription substitutive d’hormones sexuelles aurait surtout comme raison la prévention de l’ostéopénie. Au cours de l’anorexie en effet, des ostéopénies parfois rapides et marquées sont fréquemment observées, dont le mécanisme polyfactoriel tient entre autres à la carence hormonale mais aussi à la dénutrition et aux diverses carences associées. Il faut savoir qu’à l’adolescence, les mécanismes de l’ostéopénie au cours de l’anorexie ne sont pas superposables à ceux décrits chez la femme ménopausée, et que l’action préventive des œstroprogestatifs apparaît beaucoup moins évidente en situation de dénutrition persistante.
Quoi qu’il en soit, un traitement œstroprogestatif semble justifié dans cette indication (indépendamment d’un besoin de contraception orale) en cas d’aménorrhée persistante depuis plus de 2 à 3 ans. Pour ce faire, on peut utiliser soit un œstro¬progestatif de synthèse, soit une pilule classique. Si les dernières générations de pilule, dosées à 20 y d’Éthynil-œstradiol, n’ont pas montré d’effet délétère osseux sur une population de femmes normales, pour le traitement d’une ostéopénie ou pour assurer la contraception d’une fille anorexique, le problème se pose différemment. Il paraît ici plus judicieux d’utiliser des pilules un peu plus dosées en Ethynil-œstradiol, d’autant que les pilules de dernière génération n’ont pas démontré une meilleure tolérance vasculaire.
En l’absence d’un besoin contraceptif par ailleurs, on peut aussi utiliser un traitement hormonal substitutif, associant des œstrogènes de préférence naturels (par voie percutanée, transdermique ou orale) pendant 25 jours et un progestatif per os pendant 13 jours.
Les hormones thyroïdiennes :
Malgré la diminution fréquente des hormones thyroïdiennes au cours de l’anorexie mentale, l’opothérapie thyroïdienne n’est pas nécessaire. En fait, la diminution périphérique de la T3 relève d’un mécanisme d’adaptation à une situation de carence énergétique et de besoin de maintenir à un niveau plus bas le métabolisme basai. A ce titre, cette diminution mérite d’être respectée. L’opothérapie thyroïdienne au cours de l’anorexie mentale est donc non seulement contre-indiquée mais potentiellement dangereuse, notamment au plan cardiaque. La simple réalimentation se charge de rétablir un profil hormonal normal.
Autres traitements:
traitements dermatologiques :
D’une façon générale, Il est important d’être le moins interventionniste possible à ce niveau, et ceci pour tous les traitements locaux. Cela étant, les troubles trophiques sont extrêmement fréquents chez les anorexiques.
— La sécheresse habituelle de la peau (notamment au niveau des mains) peut bénéficier de l’usage d’une crème grasse et d’une recommandation de lavages moins fréquents.
— Les lésions excoriées des extrémités, qui de surcroît cicatrisent mal, seront traitées par désinfectants simples tels que l’Hexomédine aqueuse, avec adjonction d’une crème grasse au bout de quelques jours, ou si nécessaire d’une crème à propriété cicatrisante (Jonctum).
— Une mauvaise trophicité capillaire ou une perte de cheveux secondaire sont également fréquentes, en particulier durant les mois suivant un amaigrissement particulièrement rapide ou en situation d’anorexie chronique. Certains shampooings revitalisants, comme ceux à base de bépanthène, peuvent être une aide, ne serait-ce que « morale ».
— Quant aux problèmes d’acné, ils sont rares, mais ils peuvent se poser chez certaines patientes à l’occasion de la reprise de poids. Ils sont alors limités à certaines parties du visage (front) et réclament surtout une explication rassurante, rarement un traitement local.
— Dans les grandes dénutritions, des engelures, des nécroses cutanées ou des escarres doivent être recherchées et traitées spécifiquement.
— Les ongles incarnés, chez les anorexiques, posent souvent plus de problèmes du fait de la mauvaise trophicité des orteils. La prévention de la surinfection est nécessaire, et le traitement est par ailleurs le même que pour tout autre patient.
Soins dentaires :
Chez les vomisseuses, une surveillance régulière de l’émail dentaire s’impose, avec recherche de lésions de périmylolyse. Les adolescentes anorexiques ont souvent une tendance spontanée à se brosser souvent les dents, notamment après les repas. Mais chez les vomisseuses, et en particulier celles qui ne se limitent pas aux vomissements post-prandiaux, un brossage des dents après chaque épisode est vivement conseillé. Dans certaines situations, une prévention par application de vernis fluoré ou usage de gouttières fluorées confectionnées sur mesure peut même être indiquée.
Vaccinations :
L’anorexie mentale ne représente pas en soi une contre-indi- cation pour les vaccins, les rappels nécessaires pouvant et devant être faits en temps et en heure. Des états d’anergie (notamment tuberculinique) ont pu être décrits mais ils sont rares, corollaires de dénutritions en général très sévères et chroniques.