Pourquoi les yeux ne peuvent-ils geler ?
Il est rare que les explorateurs des pôles et des sommets du globe perdent la vue parce que leurs yeux ont gelé. Pourtant, en cas de coup dur, ils perdent dans la bataille
quelques doigts et orteils, et peuvent éventuellement y laisser le bout du nez ou le lobe de leurs oreilles.
C’est que les yeux sont bien mieux protégés que les doigts et les pieds. Ces derniers présentent une grande surface d’exposition à l’air, par rapport à leur volume. Or, plus le rapport entre surface et volume est important, plus vite les calories sont perdues. Par ailleurs, doigts et orteils sont faiblement vascularisés : quand on se coupe, ils ne saignent pas abondamment, et la plaie est vite refermée. Tant mieux, puisque le sang est le véhicule de la chaleur dans l’organisme. Enfin, on ne peut pas dire que doigts et orteils soient des organes très musclés, alors que la résistance au froid repose essentiellement, chez l’être humain, sur le frissonnement, c’est-à-dire le frottement des fibres musculaires les unes contre les autres afin de fabriquer de la chaleur .
Quand le frissonnement ne suffit pas pour lutter contre le froid, le corps détourne progressivement le sang des organes périphériques vers ceux qui sont le plus nécessaires à sa survie : le sang reflue des membres pour concentrer sa chaleur autour du cœur, du foie, des reins ou du cerveau, par exemple. Quand le corps se trouve en situation de survie par froid intense, il est donc difficile de ne pas geler des pieds et des mains!
À l’inverse, la tête est toujours bien irriguée, car le cerveau l’exige . Les yeux sont aussi réchauffés par une membrane, la choroïde, qui diffuse le sang vers les cellules pigmentaires de la rétine, ainsi que vers l’iris. Hors sa partie visible, le globe oculaire est formé de trois membranes. De l’extérieur à l’intérieur, se trouvent la sclérotique, la choroïde et la rétine. La choroïde alimente la rétine et l’iris en oxygène et en chaleur. Elle sert aussi d’isolant pour la rétine, tant vis-à-vis de la lumière que de la température extérieures.
C’est la choroïde qui nous fait ces yeux rouges sur les photos. Lorsque la pupille n’a pas eu le temps de se rétracter avant le flash, l’éclair porte directement sur le fond de l’œil, c’est-à-dire la membrane choroïde. Si elle paraît rouge, c’est quelle est gorgée de sang: la choroïde est pour
l’essentiel constitué des capillaires sanguins et des artères ciliaires.
En revanche, la cornée est « avasculaire »: elle n’est pas irriguée. Si le froid est intense, s’il souffle un vent fort, elle se refroidit très vite sans espoir d’être aidée par le sang pour résister à l’agression thermique. Elle peut donc geler. Les skieurs sont parfaitement avertis de ce risque et savent en identifier les prémices: vision floue, irritation, lumière devenue insupportable.
Ce n’est là rien de grave, les cellules de la cornée se renouvelant en permanence. Un retour à une température normale suffit généralement pour recouvrer complètement la vision. Il est de toute façon très facile de se prémunir contre ce risque: il faut se couper du vent et isoler une masse d’air devant le visage au moyen d’une capuche largement débordante. Les lunettes de ski ne sont pas une solution, car la buée s’y accumule. Des lunettes de glacier sont plus efficaces, d’autant qu’elles font barrière aux ultraviolets, bien plus inquiétants pour nos yeux que la gelure. Sensation de gravier dans les yeux, larmoiement permanent, paupières gonflées, maux de tête: quelques heures après l’exposition aux UV, les lésions apparaissent et, traitées trop tard, elles sont irréversibles.
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