Peut-on rendre la vue aux aveugles ?
La cécité est un phénomène unique, mais ses causes sont multiples: glaucome, dégénérescence maculaire ou rétinienne, trachome, décollement de la rétine, rétinoblastome, sans oublier les lésions traumatiques du globe oculaire, du nerf optique ou de la zone du cerveau dévolue à la vision (le cortex visuel). Innée ou tardive, elle est aussi définitive.
De récentes publications de travaux de laboratoire invitent toutefois à un certain optimisme. Les expériences les plus médiatisées concernent des appareillages, faussement dénommés « prothèses », qui se substituent aux yeux inefficients. L’un d’eux n’est autre qu’une caméra microscopique portée sur une paire de lunettes, reliée à un tout petit ordinateur chargé de traiter le signal, qu’il envoie ensuite directement au cerveau via des électrodes implantées sur le cortex visueL
Un patient dénommé Jeriy est devenu mondialement célèbre en testant le premier appareil de ce genre, inventé en 1978. À l’époque, l’ordinateur pesait 100 kg et était 500 fois moins rapide qu’aujourd’hui ! Jerry a de nouveau servi de cobaye en janvier 2000. Pour la première fois en vingt-sept ans, Jerry a pu déchiffrer les lettres et les chiffres d’une plaque d’immatriculation située à 1,5 m de distance. «Déchiffrer» est le terme exact: passé au travers de l’appareil, le monde se résume à des formes scintillantes sur fond noir, qui accentuent les contrastes. L’ordinateur
interprète les images transmises par la caméra, et la zone du cortex, à laquelle il envoie ses informations, traite spécifiquement les contrastes.
Une variante consiste à relier l’ordinateur, non pas au cerveau, mais à la rétine, si celle-ci est encore fonctionnelle, ou au nerf optique. D’après les essais menés sur des volontaires, les images obtenues seraient floues, mais en couleurs, à même de restituer quelques formes.
Un autre appareillage en cours d’évaluation, pour l’instant sans succès, est la rétine artificielle. Un capteur semblable à celui des appareils photo numériques est branché sur le nerf optique, sur la rétine ou directement sur le cortex visuel. Les informations sont recueillies par une petite caméra qui les lui envoie par ondes radio. Le problème fondamental de tous ces appareils est leur alimentation électrique : nul ne sait encore si la puissance et les fréquences des courants ne sont pas susceptibles de léser la rétine, le nerf optique ou le cerveau.
Un moyen alternatif de restaurer la vue des aveugles consiste à réparer la partie lésée ou déficiente du globe oculaire. Début 2007, une équipe britannique a tenté, pour la première fois, une thérapie génique des yeux mise au point un an auparavant par une équipe française. Cette technique complexe consiste à injecter dans l’humeur vitrée un gène, le RPE65, dont la mutation est considérée comme responsable d’une forme de l’amaurose congénitale de Leber. Dans cette maladie, qui conduit à la cécité, les cônes et les bâtonnets (les cellules responsables de la vision sur la rétine) communiquent mal ou plus du tout avec le tissu sous-jacent de la rétine. Le signal chimique fabriqué par les cellules pigmentaires est traduit dans ce tissu en signal électrique compréhensible par le cerveau. Après l’injection, le gène se pose sur la rétine où, en principe, il doit s’exprimer.
Les premiers tests menés sur de jeunes chiens (âgés de 8 à 11 mois) ont a priori été concluants: aveuglés artificiellement, ils purent recouvrer tout ou partie de leur vue. D’autres maladies de la rétine à évolution lente, telles que l’achromatopsie congénitale et la maladie de Best, seraient concernées par une thérapie génique de ce type.
Un autre essai de thérapie génique cible le gène BCL-2, qui régule l’« apoptose », ou mort cellulaire programmée. C’est là un processus naturel qui empêche les cellules de trop se diviser. Or, le gène est naturellement non fonctionnel au niveau de la papille optique, une zone très fragile constituant la jonction entre rétine et nerf optique. A cet endroit, les cellules ne peuvent donc jamais se renouveler: sitôt divisées, sitôt « suicidées ». Mais, en introduisant à l’intérieur une version fonctionnelle du gène, on peut supposer que celui-ci saura autoriser quelques divisions.
Les premiers tests réalisés sur le rat semblent concluants : les fibres nerveuses lésées se sont reconstituées, mais rien n’a pu démontrer quelles étaient capables d’assurer leur fonction. Rien ne dit non plus que les cellules libérées de la sorte ne vont pas se multiplier sans contrôle, formant alors une tumeur.
Une équipe américaine a également testé une technique utilisant les cellules souches. Plus exactement, ce procédé porte sur les cellules progénitrices, qui sont des cellules souches à un stade de développement supérieur: elles ont déjà reçu leur « feuille de route » pour devenir des cellules de rétine, mais n’ont pas encore entamé leur transformation. En injectant à des souris aveugles les cellules progénitrices qui, chez l’embryon, se différencient en cônes ou en bâtonnets, les chercheurs sont parvenus à faire renaître un signal électrique au niveau de leur rétine. Ce n’est pas encore la vue, certes, mais c’est un premier élément indispensable pour la recouvrer.
Vidéo : Peut-on rendre la vue aux aveugles ?
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Peut-on rendre la vue aux aveugles ?
https://www.youtube.com/embed/llo0xpEBeSg