Obésités
La définition de l’obèse est toute théorique : c’est un sujet ayant une masse grasse supérieure à 20 p. 100 chez l’homme et 25 p. 100 chez la femme. La mesure de la masse grasse est indirecte et assez complexe; les principales mesures, imprécises pour la plupart, sont :
- dissection isotopique;
- mesure de la densité du corps;
- mesure du pli cutané (méthode la plus aisée, permettant grâce à des abaques, d’évaluer le pourcentage de graisse corporelle).
Habituellement, c’est par la mesure du poids corporel qu’on évalue l’obésité ou mieux par mesure de l’index de masse corporelle : BMI Poids (en kg)/Taille (en m).
lin réalité, si cet excès de poids est généralement la conséquence d’une iiugmentation de la masse grasse, ce n’est pas toujours le cas; ainsi en i .1 il de la rétention hydrosodée (œdèmes), ou de certains sportifs (les muscles pèsent très lourds). Il n’y a donc pas forcément relation entre ricès de poids et excès de masse grasse.
il est possible de comparer le poids du sujet à un « poids idéal » calculé .don l’une des formules :
Sont considérés comme obèses débutants les sujets ayant un surpoids de 20 à 30 p. 100 du poids idéal; obèses modérés ceux qui ont un surpoids de 30 à 40 p. 100; obèses importants de 40 à 50 p. 100; obèses sévères au dessus de 50 p. 100.
Il existe une autre façon de mesurer le poids souhaitable en étud la mortalité des sujets en fonction du poids. Des compagnies d’assu ce-vie américaines ont établi des tables du poids souhaitable, pour ! l’espérance de vie est la plus longue .
Les études épidémiologiques récentes ont montré l’importance, dan> risque vasculaire des surcharges pondérales, de la répartition de la g en excès : ainis les obésités androides (thorax et ceinture abdomi comportent un risque indéniable, alors que les obésités gynoïdes (han fesses et partie inférieure de l’abdomen) ont un risque cardio-vasc faible. Ainsi devient important le calcul du rapport circonférence de taille sur circonférence des hanches.
Causes de l’obésité
Mis à part certaines obésités secondaires, il n’y a pas à l’origine obésités communes une seule cause mais une conjonction de plusi facteurs, certains héréditaires, d’autres liés au comportement nutrir nel, d’autres faisant intervenir des dysfonctionnements hormonaux.
1. Facteurs héréditaires. — Ils sont parfois difficiles à distinguer une obésité familiale peut être la conséquence d’habitudes nutritionn prises dès l’enfance. Les facteurs héréditaires paraissent cependant chez l’homme et peuvent être retrouvés dans plusieurs modèles ex mentaux.
2. Dérèglement du comportement alimentaire. — Il semble que soit le principal facteur, d’une extrême complexité (cf. chapitre 5 p. I Il aboutit à une rupture de l’équilibre entre les apports alimentaire– les dépenses caloriques. Ce dérèglement peut être produit expérimen ment chez l’animal par divers moyens : destruction de l’hypothala hyperinsulinisme, traitements glucocorticoïdes, certains médicaments i cycliques, phénothiazines, lithium). Plus proches des obésités essenti de l’homme sont les obésités nutritionnelles obtenues chez ce ‘ animaux et les obésités émotionnelles ou de stress.
Une suralimentation avec des régimes hypergras peut être obt chez l’animal et conduit à l’obésité, surtout lorsque les condit d’environnement sont éloignées de ces conditions naturelles : ainsi le des sables développe en cage une obésité et un diabète.
Chez l’homme l’un des facteurs le plus souvent rencontré est une ba de la dépense facultative alimentaire, d’où une « économie de dépense
Une économie de 5 % peut conduire à une prise de poids de six kg un an.
Le comportement alimentaire des obèses est souvent, mais pas touj assez différent de celui des non-obèses : ainsi la prise d’aliments est eux souvent liée à des stimuli externes (disponibilité, aspect et palat lité des aliments), alors que les sujets normo-pondéraux règlent mi leurs prises alimentaires en fonction des stimuli internes (sensation
faim notamment). On observe assez souvent des bizarreries du compoi tement alimentaire :
- Pulsions alimentaires fréquentes conduisant à un « grignotage »> ininterrompu, souvent même la nuit; ceci peut être un moyen de défense contre l’anxiété; parfois c’est la conséquence d’accès successifs d’hypo glycémies fonctionnelles, surtout lorsque l’alimentation est riche en hydrates de carbone d’assimilation rapide.
- Crises de boulimie avec absorption rapide de quantités considéra bles d’aliments (c’est la conséquence d’un dérèglement psychologique sérieux).
C’est dire qu’une enquête psychologique peut s’avérer nécessaire dans certains cas d’obésité. A vrai dire, il est rare qu’elle débouche sur des mesures efficaces.
3. Dysfonctionnements hormonaux. — Ils sont rarement la cause des obésités, mais par contre peuvent apparaître comme des conséquen ces de l’état d’obèse : ainsi l’hyper-insulinisme réactionnel (au cours d’un test de tolérance au glucose) est constaté chez près de 50 p. 100 des obèses et disparaît le plus souvent après amaigrissement.
Certaines obésités majeures s’accompagnent de signes d’hypercorti cisme secondaire, alors qu’il est exceptionnel que la cause même d’une obésité soit un hypercorticisme initial.
Signalons tout de même les causes organiques rarement rencontrées dans les obésités : hyperinsulinisme tumoral, syndrome de Cushing, tumeur hypophysaire, traumatisme crânien, certains syndromes congénitaux.
Conséquences
La notion selon laquelle l’obésité suscite ou aggrave un certain nombre de maladies est une notion relativement récente. Toutes les statistiques montrent la plus grande incidence chez les obèses des maladies cardio-vasculaires ischémiques, de l’hypertension, du diabète, des hyperlipidémies, de certains troubles respiratoires (réduction de la compliance thoracique, rarement syndrome de Pickwick), de troubles articulaires (arthrose, nécrose de la tête fémorale), des accidents et incidents pré et postopératoires.
Tous ces troubles sont d’autant plus importants que l’obésité est plus sévère; d’autre part les obésités androïdes seraient plus souvent compliquées que les obésités gynoïdes. Enfin, il est classique de distinguer :
- Les obésités constitutionnelles, apparues dans l’enfance, sévères, avec antécédents familiaux, peu de troubles du comportement alimentaire, des ingestions caloriques faibles, précocement compliquées.
- Les obésités psychogènes, de survenue récente chez l’adulte, modérées, sans antécédents familiaux, avec des troubles importants du comportement alimentaire et une structure névrotique, et dont le pronostic est meilleur.
Traitement
Alors qu’il y a 20 p. 100 d’obèses dans les pays de surconsommation, environ I p. 100 seulement de la population se considère comme obèse et moins encore se traite. La plupart des consultants pour obésité sont des femmes, alors que l’obésité est plus fréquente chez l’homme. Il y a une personnalité particulière au consultant pour obésité et le médecin doit essayer de répondre à cette demande sans perturber l’équilibre psychologique et physiologique du patient, et sans nuire à sa santé.
On ne peut obtenir de résultats durables que lorsque le patient est suffisamment motivé et capable de maintenir son effort pendant de nombreux mois ou années (ce qui est rarement obtenu). En effet, la seule mesure réellement efficace est l’obtention d’un bilan énergétique négatif, d’une part par le régime hypocalorique, d’autre part par l’augmentation de l’exercice physique.
La réduction des apports caloriques ne peut se faire qu’après une analyse soigneuse des habitudes alimentaires, des conditions socioprofessionnelles, des possibilités d’application du régime. Le patient doit recevoir des informations sur les notions essentielles de diététique. Cette éducation prend beaucoup de temps et ne peut être faite que par des personnels spécialisés (médecins nutritionnistes, diététiciennes). Il ne faut jamais fournir sans explication des feuilles de régime rédigées à l’avance mais au contraire construire un régime adapté à chaque patient et rédigé devant lui.
1. Réduction des apports caloriques. — Le premier principe de traitement est la réduction calorique du régime. Celle-ci ne doit pas •généralement être supérieure à 1/4 ou 1/3 du régime habituel du patient; autrement dit, chez un sujet consommant antérieurement 3 000 Cal, le régime doit comporter 2 000 à 2 200 Cal. 11 est donc nécessaire de connaître exactement la situation alimentaire antérieure. Les régimes trop sévères d’emblée sont mal supportés et peu longtemps maintenus. La restriction doit porter surtout sur les glucides et les lipides, en maintenant un apport minimum de protéines (55 g au moins). Dans les régimes très sévères, inférieurs à 1 200 Cal, un apport de vitamines, de calcium et de potassium est nécessaire.
Différents types de régime hypocalorique sont indiqués .
2. Régimes farfelus. — Depuis quelques années on a vu fleurir des régimes amaigrissants totalement aberrants :
- Régime végétalien. — Il est exclusivement à base de produits végétaux sans aliment d’origine animale (y compris œufs et produits laitiers). Il y a donc un déficit protéique global et un déficit en certains acides aminés essentiels.
- Régime macrobiotique (Zen). — Il est constitué de riz complet d’huile végétale, de sel, avec restriction hydrique. Ce régime très caremé en protéines est dangereux.
- Régimes dissociés. — Ils apportent exclusivement une seule catégn rie d’aliments pendant une durée assez longue : viandes ou fruits (raisin ou banane ou ananas) ou fromages.
Tous ces régimes déterminent des carences diverses.
3. Traitements médicamenteux adjuvants
Les extraits thyroïdiens et les diurétiques ne doivent pas êli» utilisés car inefficaces et dangereux.
Les anorexigènes (tableau 41) peuvent être utiles chez les sujclt hyperphages, à condition de ne pas dépasser des cures de quelques sc« maines et que les doses prescrites soient respectées. Ces substances, unit logues des amphétamines, sont des excitants du système nerveux centrnl, et peuvent être responsables d’insomnie, d’angoisse, de tachycardie. Ils peuvent aggraver des états névrotiques.
Les aliments de lest peuvent être utiles; il s’agit de gélifiants végétaux donnant une sensation de réplétion gastrique pour un appui l calorique nul.
Traitements médicamenteux de certaines anomalies biologiques associées :
- l’hypercholestérolémie et l’hypertriglycéridémie diminuent en règl avec le poids, de sorte que leur traitement particulier ne doit êti envisagé que si elles persistent après réduction pondérale,
- l’hyperuricémie peut par contre être aggravée par le régime amaigris sant, et peut justifier un traitement par un inhibiteur de la synthèse il l’acide urique (Zyloric).
4. Psychothérapie. — La psychothérapie de soutien peut être efficace chez certains sujets. C’est en partie de cette façon qu’agissent les cur telles que les « weight-watchers » (réunion de groupes d’obèses).
6. Chirurgie. — Deux sortes d’opération trouvent des indications chez l’obèse :
Les lipectomies (non sans danger du fait des hémorragies). — Elles ne sont pas efficaces pour réduire l’obésité, mais peuvent être utiles lorsque le sujet a maigri par le régime, pour améliorer l’aspect esthétique.
Les courts-circuits intestinaux. — Ils entraînent une perte de poids importante, des diarrhées, un syndrome de malabsorption parfois sévère, l eur mortalité n’est pas négligeable (3 p. 100). Ils ne peuvent se discuter que chez les très grands obèses résistants à toute autre mesure et dont la coopération est affirmée.
7. obésités de l’enfant. — Elles méritent un chapitre particulier car elles conduisent généralement aux obésités irréductibles de l’âge adulte. Le problème ne se pose qu’à partir de la deuxième enfance car chez le nourrisson il s’agit d’erreurs grossières de régime qu’il est en général facile de corriger. La coopération des parents n’est pas toujours aisée à obtenir, et l’obésité est souvent le résultat de situations conflictuelles familiales. Ce n’est qu’après 8 à 10 ans que l’enfant pourra être suffisamment motivé pour suivre correctement le régime. Celui-ci ne devra pas être trop sévère et tenir compte des besoins de la croissance. 11 devra être associé à un développement de l’activité sportive.