Mille et une raisons de craquer : Déprime, fatigue et moments difficiles de la nouvelle mère
Nous colportons souvent une image trop idéaliste de la maternité et de l’allaitement, mais il faut dire que notre éducation ne nous apprend guère à prêter l’oreille au découragement et à la tristesse des autres. Tout le monde dit toujours « tout va très bien » ! alors que… Et si jamais on ose dire que ça va mal, les oreilles de l’autre se ferment instantanément de peur que ce mal ne réveille le sien.
Elle est rare la maman qui dit : « Eh bien, moi, je trouve que c’est dur ! » En général, elle a le sentiment qu’elle est la seule à souffrir.
La vie avec un bébé a l’air si facile pour les autres. Pourtant, toutes les mères ont de bonnes raisons de céder au découragement. Porter un enfant, le mettre au monde, s’en occuper sont des événements majeurs et bouleversants, qui balayent tous les repères habituels et exigent une priorité telle que la femme en elle est reléguée au second plan. Toutes les attentions et les soins qui lui étaient prodigués pendant la grossesse sont, dès la naissance, reportés sur le bébé. Les cadeaux sont offerts au nouveau-né, et rarement destinés à la maman. Les idéaux et les fantasmes de la maternité s’évanouissent dans la réalité du retour à la maison, des nuits fracturées, de l’installation de la lactation par les tétées successives et, surtout, dans celle de l’exigence de vivre quasi impérieuse du nouveau-né.
Elle a lieu au cours du deuxième mois qui suit l’accouchement. Souvent, le premier mois s’est avéré difficile : la venue de bébé bouscule les rythmes habituels de la vie quotidienne, la lactation a subi des fluctuations… Maintenant, les plus « gros nuages » sont passés et la jeune maman semble « émerger ». Elle connaît mieux son bébé, et les premiers sourires de celui-ci la rassurent sur ses qualités de mère. La consultation postnatale est le moment du « bilan » des conditions de la naissance, d’un vécu mémorisé de façons différentes et aussi riche d’impressions qu’il existe de naissances. L’événement est encore « frais » dans la mémoire, et sa proximité fait resurgir une multitude de détails qui nous renseignent sur notre accueil et aiguisent notre conscience… pour la prochaine naissance. L’examen clinique s’assure de l’involution utérine, de l’état de la sangle abdominale et du périnée, qui ont subi quelques dommages, réparés par des mains expertes et les conseils des spécialistes de la musculation de la femme accouchée. La perte de poids, au cours du deuxième mois, est moins marquée qu’au premier mois : l’allaitement affame et assoiffé ; il est même fréquent tout simplement comme on le peut, et même différemment d’un jour ou d’une heure à l’autre. Mais chaque heure et chaque jour apportent leur contribution à cette transformation. Votre bébé d’ailleurs, naturellement doué pour la communication, vous y aide. L’allaitement peut faciliter la tentation de tomber dans le piège de cet idéal de mère parfaite. La mère fabrique de son mieux son propre lait. Son corps reste, comme durant la grossesse, au service de son enfant et responsable de sa vie. Elle a le droit d’éprouver l’intime conviction de se donner du plus profond de son être et d’être, de ce fait, une « bonne mère ». Mais cette situation a son revers… Dès qu’un grain de sable se coince dans l’engrenage, la mère a très souvent tendance à retourner la situation contre elle : « Mon lait n’est pas bon ; je n’en ai pas assez… » Le découragement devant une petite difficulté survient très vite. Il est à la mesure de l’investissement de départ et du manque de confiance en elle. Ce manque est aussi un facteur qui participe à la crise. Dans le cas d’un premier enfant, il est normal qu’une jeune maman n’ait pas l’assurance de celle qui a déjà fait ses armes avec plusieurs. Chaque enfant, malgré tout, est un être nouveau, à rencontrer et à connaître. Il nous demande à chaque fois de nous ouvrir, de nous abandonner et de nous adapter à lui. Cela ne se fait jamais sans efforts.
Se retrouver
Notre mode de vie confine de plus en plus la femme dans un rôle de super woman. Elle a une vie professionnelle remplie et, tout en restant femme et séduisante, elle fait des enfants et les allaite. Elle n’a même pas le droit au laisser-aller physique et vestimentaire, dû à cette période bouleversante, sans récolter réflexions et critiques de son entourage. Il est parfois important de prendre conscience que l’on peut être figée dans une sachant que sa place n’est menacée ni auprès de son enfant ni auprès de sa compagne, et que la relation paternelle s’élaborera d’autant mieux qu’ils partageront les seins. image de femme forte qui ne se donne pas le droit de « craquer ». Avoir un enfant et l’allaiter sollicite la résistance de la femme, mais ne va pas sans la confronter à sa vulnérabilité. L’un implique l’autre.
Mais n’est-ce pas aussi merveilleux de pouvoir s’abandonner à cette fragilité, d’être bouleversée ? C’est elle qui nous rend si petit, si humble pour accueillir ce nouveau-né et se mettre à son écoute. Nous dirions même que la force de la relation à l’enfant se construit aussi au prix de cet effondrement des défenses de la mère et du père. 11 existe certainement une personne, autour de vous, à laquelle vous pouvez vous confier : votre compagnon, votre mère ou bien une amie. Il est parfois difficile de s’abandonner à l’émotion au sein du couple. Le décalage des rythmes ; elle vit cette expérience dans son corps, et lui par son corps à elle – complique la communication du couple. Se mettre à nu fait peur à soi-même ou à l’autre, et peut entraîner sa fuite ou sa fermeture. Oser demander de l’amour n’est pas facile. L’attente du mot ou du geste qui fait « chaud au cœur et au corps » est grande dans ces moments-là ! Et s’ils ne venaient pas ? Petite question insidieuse, dans la peur d’une autre blessure, qui freine tout élan vers l’autre.
Il est tout à fait normal que votre compagnon tombe des nues et soit gauche dans son attitude : lui aussi est empêtré dans ses difficultés à s’adapter à cette nouvelle vie. Pourquoi ne pas demander, tout simplement, qu’il vous accueille sans parler ni même chercher à comprendre ? Il est là, comme il serait là lors d’un gros chagrin d’enfant et comme il aimerait peut-être qu’on soit avec lui. Cette crise est un pont jeté entre vous sur lequel vous vous retrouvez pour échanger vos doutes et vos incertitudes, et pour approfondir votre relation. Ces moments difficiles, empreints de vérité et de naturel, construisent la tendresse du couple. N’est-ce pas aussi l’occasion, pour votre compagnon, de prendre encore plus de place et, pour vous, de la lui donner ? Son relais vous permettra de sortir toute seule, de faire autre chose mais, surtout, de ne plus vous sentir l’unique objet du désir de votre enfant.