Métabolisme énergétique
Notions fondamentales
Unités de chaleur et d’énergie
Il est encore habituel, quoique de plus en plus anachronique, d’exprimer les valeurs énergétiques des aliments et du métabolisme en calories (cal) ou en son multiple : la kilocalorie (= 1 000 cal ou 1 kcal ou 1 Cal).
Rappelons que la calorie est la quantité de chaleur qui élève de I degré Celsius la température de 1 g d’eau à 15°. L’unité d’énergie qu’il conviendrait d’utiliser actuellement est le joule (J) unité SI obligatoire. ( « est le travail effectué par une force de 1 Newton (à peu près 100 g-poids) qui déplace son point d’application de I m (10 J équivalent a déplacer à peu près un kg-poids verticalement de 1 m).
Dans cet ouvrage, nous utiliserons, généralement, pour plus de commodité, les kilocalories ou Cal.
Écologie de l’énergie des êtres vivants
L’énergie solaire provient de la transformation, par réaction nucléaire sur l’astre, de l’hydrogène en hélium. En un an sur chaque mètre carré de surface du globe terrestre, il en arrive en moyenne 15,3 x 105 Cal (6,4 x 109 J) sous forme de radiation électromagnétique.
La majeure partie est dissipée immédiatement sous forme de chaleur et, variant selon les latitudes et les saisons, seulement 3 à 6 x 108 Cal/m2/an (1,25 à 2,5 x I09 J) peuvent être utilisées par la photosynthèse donc pour fabriquer des aliments par les organismes autotrophes. En fait les plantes dissipent 95 à 99 p. 100 de cette dernière quantité sous forme de chaleur; le reste soit 1 à 5 p. 100 est transféré essentiellement dans les liaisons chimiques des hydrates de carbone fabriqués à partir de l’eau du sol et du CO2 de l’air qui en contient 0,03 p. 100 (pourcentage en accroissement constant et, par ailleurs, dangereux); la quantité totale de CO2 disponible dans la biosphère est un facteur limitant de la photosynthèse qui en fixe une quantité énorme, 2 x 10″ tonnes par an (correspondant à 3 x 1021 J d’énergie). La masse végétale totale est répartie à peu près également entre les terres émergées et les océans où elle est menacée par la pollution. Sur terre, le bétail d’une exploitation rationnelle ne prélève que le l/7e de la matière végétale présente sur les champs où il pâture, les 6/7e restants se décomposant ou étant assimilés par des organismes non utilisables en alimentation humaine.
La consommation de cette nourriture végétale par les animaux et sa transformation en viande utilisée pour leur alimentation par les carnivores, eux-mêmes éventuels aliments des carnivores ou omnivores secondaires, entraîne inévitablement, à chaque passage, la perte sous forme de chaleur d’une fraction de l’énergie primitive. L’efficacité écologique maximale peut être estimée à 10 p. 100 : des 1 000 Cal végétales ingérées par un herbivore (1 p. 100 de l’énergie reçue par l’herbe broutée) seules 100 Cal se retrouvent chez le premier carnivore et 10 chez le second.
Source énergétique de l’organisme humain
L’organisme humain tire l’énergie nécessaire à son fonctionnement des aliments d’origine végétale et animale qu’il ingère. Ces aliments sont des structures chimiques plus ou moins complexes faites d’éléments plus simples assemblés par des liens (les liaisons chimiques) soumis à contrainte et dont la rupture (catabolisme) libère de l’énergie; une partie de celle-ci au moins est obligatoirement transformée en chaleur (deuxième principe de la thermodynamique), le reste peut servir à créer d’autres liaisons (synthèse ou anabolisme) ou par couplage énergétique à effectuer divers travaux (mécaniques, électriques, de transferts actifs, etc.) qui sont générateurs, à leur tour, de chaleur. En définitive, toute l’énergie de structure des aliments servira à créer d’autres structures chimiques ou sera dissipée sous forme de chaleur. L’ensemble de ces processus constitue la vie même de l’organisme : elle ne peut être maintenue qu’au prix d’un apport continu d’énergie alimentaire évacuée au fur et à mesure sous forme de chaleur en quantité équivalente (thermolyse).
Celle-ci doit, en effet, être obligatoirement évacuée à l’extérieur, l’organisme humain étant homéotherme (37 °C) : ceci exclut tout stockage de chaleur et toute possibilité de sa conversion en une autre forme d’énergie comme dans une machine thermique qui fonctionne obligatoirement entre deux températures différentes. Par ailleurs, la machinerie physiochimique humaine ne lui permet de transformer aucune autre forme d’énergie extérieure : la lumière (comme pour la photosynthèse végétale), l’électricité (énergie domestique), la chaleur, l’énergie mécanique (gravitationnelle ou autre) ou la radioactivité (énergie nucléaire) par exemple, sont inutilisables.
Au total, la source unique et indispensable à la vie de l’organisme humain est l’énergie potentielle contenue dans les liaisons chimiques qui déterminent la structure des aliments autrement dit dans la nutrition.
Intermédiaires énergétiques
- L’adénosine diphosphate et triphosphate. — L’énergie chimique contenue dans les aliments n’est pas utilisée directement à l’accomplissement des travaux biologiques. Elle est d’abord transférée à de petites molécules phosphorylées, dont la plus ubiquitaire et la mieux connue est la molécule d’adénosine diphosphate ou ADP.
De fait les molécules d’ADP se comportent comme de petites piles que le métabolisme charge d’une quantité fixe d’énergie, portée par une liaison dite «à haute énergie » entre la molécule et un radical phospho- ryl qui s’y accroche : elle devient alors de l’adénosine triphosphate ou ATP. L’hydrolyse détache ce phosphoryl libérant l’énergie momentanément stockée et la molécule d’ADP retrouvée est prête à être à nouveau chargée. Dans un tissu donné, le nombre total de molécules d’adénosine (di ou triphosphate) reste pratiquemment constant, quel que soit l’état énergique du moment : seul le rapport ATP/ADP varie en fonction de l’épuisement ou de la recharge énergétique.
L’ATP se comporte donc comme simple navette transportant dans ses liaisons phosphorylées de l’énergie prélevée dans l’énergie libre des aliments et qu’elle abandonne aux processus métaboliques qui en exi- gent.
Les avantages d’un tel intermédiaire soluble sont multiples : la densité énergétique par liaison chimique est considérable mais, par contre, l’énergie totale d’une réaction donnée peut être répartie en petits paquets de 7 Cal ce qui permet toutes les étapes des métabolismes intermédiaires avec leurs contrôles et les actions enzymatiques les plus fines; de plus, c’est une monnaie d’échange constante contrairement à celle qui est fournie par différents aliments ; enfin, la charge des molécules d’ADP et la décharge des molécules d’ATP se faisant au sein d’un ensemble constant de molécules, la loi d’action de masse procure un premier moyen de régulation de l’intensité des divers métabolismes au fur et à mesure que l’énergie est utilisée.
- La phosphocréatine (PCr) est un autre composé phosphorylé à liaison ester phosphate à haute énergie et il constitue une étape importante dans le transfert de l’énergie nécessaire à la contraction musculaire directement couplée à la transformation ATP -> ADP que la phosphocréatine (alimentée à son tour par le métabolisme alimentaire) vient recharger.
- La guartosine triphosphate (GTP), la cytidine triphosphate (CTP), l’uridine triphosphate (UTP) et l’inosine triphosphate (ITP) servent de donneur d’énergie au cours de certaines réactions.
- Le coenzyme A (CoA). Un autre groupe de composés à haute énergie est constitué par les thio-esters, dérivés acylés des mercaptans. Le coenzyme A (CoA) est un mercaptan diffusé largement dans l’organisme. Sa forme réduite (HS—CoA) réagit avec les groupements acyls (R—CO—) pour former des dérivés à haute énergie (l’acétyl-CoA par exemple après réaction avec l’acide acétique) dits « actifs » qui cèdent volontiers leur énergie. Au point de vue énergétique la formation d’une mole d’un acyl-CoA quelconque équivaut à la formation d’une mole d’ATP.
Valeurs énergétiques intrinsèques des aliments
Les valeurs énergétiques indiquées pour chacune des molécules sont celles qui sont mesurées dans une bombe calorimétrique : c’est un récipient d’acier scellé, immergé dans l’eau et dans lequel la substance est brûlée à l’aide d’une résistance électrique en présence d’oxygène; la chaleur dégagée est mesurée par la variation de température de l’eau. On peut alors calculer pour chaque aliment sa valeur calorifique : elle est de 3,8 Cal/g pour le glucose mais on trouve 4,2 Cal/g pour l’amidon et, en moyenne, 9,4 Cal/g pour les lipides et 4,3 Cal/g pour les protéines compte tenu du résidu énergétique de l’urée qui est rejetée par l’organisme.
Ce sont ces valeurs qui sont utilisées pour calculer l’apport énergétique d’un repas à partir des différents aliments qui entrent dans sa romposition : le premier principe de la thermodynamique autorise l’identification entre ces valeurs et les quantités d’énergie libérées dans l’organisme, les produits étant identiques à l’entrée (aliments) et à la sortie (CO2 4- H2O et urée) dans les deux systèmes.
Interconvertibilité énergétique sélective entre protéines, lipides et glucides
Il y a, du point de vue énergétique, interconvertibilité entre les acides aminés, les hydrates de carbone et les graisses (fig. 14). Cependant, si le devenir essentiel (mais non unique surtout pour les lipides) des hydrates de carbone et des graisses est de fournir de l’énergie, les acides aminés ne peuvent en céder qu’après leur conversion en hydrates de carbone ou, ensuite, en graisse. De même les excédents d’hydrates de carbone et surtout de graisse peuvent seuls constituer des réserves; les excédents protéiques doivent au préalable être convertis.
On se rappellera en outre que le glucose peut donner des acides aminés, et certains acides aminés du glucose; il peut donner du glycérol convertible, également en glucose, ou des acides gras. Mais ceux-ci ne peuvent donner du glucose et sont obligatoirement directement source d’énergie.
Enfin, le glycogène peut être utilisé directement sur place comme source d’énergie dans le muscle comme dans le foie à partir du glucose-6-phosphate jusqu’aux produits terminaux de la glycolyse (lac- tate et pyruvate) qui peuvent seuls sortir des cellules et passer dans la circulation. Seul, par contre, le foie (et un peu le rein) peut transformer le glycogène en glucose mobilisable.
Le métabolisme humain est aérobie
Le métabolisme est, chez l’homme, uniquement aérobie soit immédiatement soit à terme après une étape transitoire anaérobie. En fait, l’oxygène lui-même n’est en aucune façon fournisseur d’énergie à l’organisme : il ne sert, de fait, que d’effluent pour emporter les atomes de carbone (sous forme de CO2) et d’hydrogène (sous forme H2O) constitutifs des molécules alimentaires énergétiques. On peut alors établir une relation entre le nombre de Cal fournies par la combustion des différents aliments et le volume d’oxygène utilisé dans la combustion. Plus utilement, pour la mesure des dépenses énergétiques à partir de celle de la consommation d’oxygène on peut établir l’équivalent énergétique de l’oxygène pour les différents aliments, c’est-à- dire le nombre de Cal de chaleur produites quand un litre d’oxygène est utilisé à oxyder telle ou telle catégorie d’aliment.
Pour le glucose, par exemple, la mole fournissant 686 Cal en utilisant 134,4 1 d’02, 1 1 de ce gaz servant à oxyder du glucose s’accompagnera d’une libération de 686/134,4 = 5,1 Cal. On trouve, de même, un équivalent énergétique de l’oxygène pour les lipides de 4,7 Cal. Le calcul est plus élaboré pour les protéines, structures plus hétérogènes et incomplètement oxydées dans l’organisme. Cependant, compte tenu de l’élimination de l’urée, résidu non oxydé, on trouve un équivalent énergétique moyen de 4,5 Cal/1 d’oxygène.
Quotient respiratoire
Une fois mesurée la consommation d’oxygène d’un individu, il reste, avant de multiplier celle-ci par l’équivalent énergétique de l’oxygène pour calculer la production d’énergie, à déterminer de quel aliment il s’agit. Pour ceci, la considération du quotient respiratoire (R) correspondant est d’un grand secours : c’est, pour un aliment donné, le quotient du volume de CO2 produit par l’oxydation au volume d’oxygène requis pour celle-ci. Il est de 1 pour les glucides et en moyenne de 0,7 pour les lipides et 0,8 pour les protides. Un régime mixte se situe entre 0,7 et I, typiquement à 0,85 et celui d’un sujet à jeun à environ 0,82. Les valeurs ne sont que typiques et peuvent être très différentes pour des nutriments de même catégorie . Il existe des tables indiquant les valeurs de l’équivalent énergétique de l’oxygène pour diverses valeurs du R comprises entre 0,7 et 1 et correspondant, donc, à des proportions différentes des divers aliments.
En fait R est calculé à partir de la consommation d’oxygène et du rejet de dioxyde de carbone mesurés à la bouche, et des facteurs autres que métaboliques peuvent le modifier : l’hyperventilation rejette une quantité supplémentaire de dioxyde de carbone et R peut atteindre artificiellement 1,7 ou 2 au cours de l’exercice musculaire et descendre à 0,5 après l’exercice à cause du paiement de la dette d’oxygène. L’hypo ventilation a un effet inverse et par le même mécanisme que l’hyperventilation R peut alors descendre au-dessous de 0,7.
L’acidose métabolique entraîne une augmentation du rejet de CO2 et donc de R, l’alcalose métabolique l’inverse. La transformation des hydrates de carbone (riches en oxygène) en graisses (pauvres en oxygène) se traduit par un gain en oxygène qui se déduit de la quantité nécessaire au métabolisme prélevée à la bouche et R mesuré est plus grand que ne le voudraient les oxydations du moment dont il n’est donc pas un bon index.
Pour un régime non protéique et R = 0,82 (valeur moyenne mesurée chez un groupe nombreux de gens normaux) l’équivalent énergétique de l’oxygène est de 4,825. Ces remarques permettent des techniques différentes de mesure de la dépense énergétique d’un individu donné à un moment donné, tout en sachant que la durée de séjour des divers aliments dans l’estomac est variable .
Utilisation de l’énergie absorbée
Une petite partie (5 p. 100 pour le glucose par exemple) de l’énergie fournie par les aliments est obligatoirement (deuxième principe de la thermodynamique) transformée en chaleur et, inutile à tout travail, rejetée à l’extérieur, laissant disponible une fraction seulement (énergie libre) de l’énergie initiale. De cette fraction, une grande partie est perdue en chaleur dans la transformation en énergie immédiatement utilisable sous forme de liaisons chimiques de molécules d’ATP par exemple. Sur les 686 Cal d’énergie libre d’1 mol de glucose, seulement 342 (moins de la moitié) se retrouvent dans les 38 mol d’ATP produites, l’hydrolyse de chacune d’elles fournissant 9 Cal.
L’énergie stockée sur l’ATP peut être utilisée alors à différentes tâches externes (travail des muscles squelettiques) ou internes; celles-ci aboutissant toutes en définitive à l’évacuation totale de l’énergie utilisée sous forme de chaleur. Les gradients de concentration sont maintenus stables par des mécanismes actifs qui impliquent l’hydrolyse continue de molécules d’ATP génératrice de l’énergie nécessaire et donc la synthèse continue d’un nombre égal de molécules aux dépens de l’énergie libre des aliments, les deux processus étant producteurs de chaleur. De même la synthèse permanente des éléments de structure se fait grâce il l’énergie libre dont une partie est transformée obligatoirement en chaleur.
Les différents travaux mécaniques internes à l’organisme se dégradent complètement en chaleur qu’il faut évacuer : frottements de la circulation du sang dans les vaisseaux, propagation des potentiels d’action le long des résistances biologiques, etc. Seule la fraction de l’énergie de la contraction des muscles squelettiques employée à effectuer un travail externe peut aboutir à autre chose que de la chaleur.
Cette fraction dépend, évidemment du travail effectué, mais aussi du type de contraction. Dans les conditions les plus favorables, sur muscle isolé, 40 p. 100 de l’énergie dépensée peut être convertie en travail; à l’extrême, la contraction isométrique ou les mouvements à vide ont des rendements nuls : toute l’énergie néanmoins dépensée par la contraction se retrouve sous forme de chaleur.
Dans les meilleures conditions, le rendement net de la machine humaine (travail effectué/supplément d’énergie nécessaire) ne dépasse guère 25 p. 100, plus faible que celui d’un muscle isolé à cause des pertes entraînées par les adaptations concomitantes cardio-respiratoires et autres. Ce rendement est meilleur que celui d’une machine à vapeur, du même ordre que celui d’un moteur à combustion interne et inférieur .i celui d’un moteur électrique.