L'ostéoporose : Les techniques de mesure
Dans l’idéal, une technique de mesure de la masse et/ou de la densité et de l’architecture osseuse devrait :
- être fiable, rapide, peu irradiante ;
- avoir une exactitude permettant ci établir avec précision le diagnostic : l’exactitude définit la capacité d’une technique à reconnaître une population en terme de risque fracturaire ; selon la technique et le site de mesure, l’exactitude moyenne varie entre 85 % et 99 % ;
- avoir une bonne reproductibilité (capacité à donner des résultats identiques lors de mesures répétées d’un même sujet) afin de permettre un suivi thérapeutique correct ; la reproductibilité est habituellement exprimée par un coefficient de variations (en grammes/cm ou en pourcentage), correspondant à la différence entre deux mesures ou à l’écart-type de la moyenne de plusieurs mesures ; seules les techniques récentes et les mesures effectuées sur un patient en décubitus et prenant en compte la totalité du corps vertébral d’au moins deux vertèbres lombaires, ont une reproductibilité acceptable, de l’ordre de 2 % ;
- permettre la prédiction d’un risque fracturaire afin d’envisager un traitement adapté.
Aucune des techniques ci-dessous ne répond totalement à ces critères idéaux. On peut cependant noter d’ores et déjà que l’absorptiométrie biphotonique à rayons X est actuellement la méthode de référence du fait de ses performances remarquables et de ses nombreux avantages.
L’absorptiométrie monophotonique à rayons X
L’absorptiométrie osseuse monophotonique à rayons X (SXA = single X-ray absorptiometry) a succédé à l’absorptiométrie monophotonique qui utilisait dans les années 60 une source isotopique d’iode (SRA).
Quels sont ses avantases ?
- les performances techniques sont excellentes : exactitude supérieure à 90 %, reproductibilité de 0,5 à 2 %, notamment pour les appareils récents ;
- elle a pour elle sa facilité d’emploi, un faible coût et une irradiation modérée.
Quelles sont ses limites ?
- cette technique ne permet d’explorer que des os superficiels, comme l’extrémité inférieure du radius ;
- la masse minérale de ces os n’est pas totalement représentative de l’état du squelette profond (vertèbres, fémur) ;
- elle esl peu sensible aux modifications de densité osseuse induites par les thérapeutiques.
L’absorptiométrie biphotonique à rayons X
L’absorptiométrie osseuse biphotonique à rayons X (DXA = dual X-ray absorptiometry) a succédé à la DPA ou dual photon absorptiometry qui utilisait une source de gadolinium 153 produisant des photons avec deux niveaux d’énergies différents. Un progrès majeur a été obtenu avec le remplacement en 1988 de la source de gadolinium par un tube à rayons X (DXA) dont le flux photonique est plus élevé.
Quels sont ses avantages ?
- le faisceau photonique est doté d’une meilleure résolution spatiale ; il est aussi mieux dirigé ;
- le temps d’examen est beaucoup plus court ;
- la dose d’irradiation est très faible (50 fois inférieure à celle d’une radiographie pulmonaire) ;
- la reproductibilité est bonne, d’environ 1 % au rachis, 1 à 2 % au fémur ;
- l’exactitude est supérieure à 95 % ;
- elle permet d’analyser les principaux sites à risque d’ostéoporose (rachis lombaire de face et de profil, extrémité supérieure du fémur, extrémité inférieure du radius) ;
- il s’agit incontestablement aujourd’hui de la technique de référence validée par de nombreux travaux prospectifs.
Quelles sont ses limites ?
- l’interprétation des résultats lombaires doit tenir compte de la présence de calcifications aortiques et des modifications arthrosiques (condensation des plateaux, ostéophytose, hypertrophie des articulations inter-apophysaires postérieures) qui peuvent surestimer les résultats. L’utilisation d’un bras rotatif et de multidétecteurs permet de faire une mesure de la densité minérale osseuse de profil limitée au corps vertébral (UEBELHART et coll., 1990) et de reconnaître les déformations vertébrales liées aux fractures. La sensibilité de la technique est donc meilleure. Malheureusement, cet avantage s’accompagne d’une moins bonne reproductibilité et d’incertitudes quant à l’exactitude de la mesure ;
- il s’agit d’une évaluation de la densité minérale sufacique et non pas de la densité tridimensionnelles des pièces osseuses ;
- les appareils ne sont pas standardisés ;
- en France où fonctionnent pourtant plus d’un millier d’appareils, cet examen n’est pas encore remboursé par la Sécurité Sociale.
La tomodensitométrie quantitative
La tomodensitométrie osseuse quantitative (QCT = quantitative computed tomography) consiste en une extension des techniques scannographiques classiques, destinée à quantifier l’absorption des radiations ionisantes par les tissus calcifiés (Gênant et coll., 1988).
Quels sont ses avantages ?
- il s’agit de la seule méthode d’ostéodensitométrie donnant une densité vraie, tridimensionnelle et non pas surfacique comme la DXA ;
- elle permet, appliquée à la colonne lombaire, une mesure séparée des compartiments trabéculaire et cortical de la vertèbre.
Quelles sont ses limites ?
Elles sont importantes car :
- son coût est élevé ;
- les tomodensitomètres sont peu disponibles ;
- l’irradiation produite est très nettement supérieure à la DXA ;
- la reproductibilité est moins bonne ;
- les valeurs normales de référence sont mal établies.
Tous ces inconvénients ont fait abandonner l’usage de cet examen au bénéfice de la DXA.
Les ultrasons
Si la DXA est reconnue comme une technique fiable d’évaluation du risque fracturaire, elle ne permet pas la détermination des modifications architecturales du tissu osseux. Les ultrasons (US) semblaient capables d’apporter des informations indirectes sur ces paramètres. Cette technique a été appliquée à la rotule, au calcanéum et plus récemment, au tibia et aux phalanges. Actuellement, on mesure la vélocité (SOS pour Speed of Sound) exprimée en M/seconde, qui traduit la vitesse de déplacement des ultrasons à travers les tissus et l’atténuation (BUA pour Broadband Ultrasonic Attenuation) exprimée en db/MHz qui consiste à mesurer la réduction de la puissance du signal ultrasonore à travers les tissus. La rigidité (stiffness) est un autre paramètre dérivé du SOS et du BUA, dont il combine les résultats.
Quels sont leurs avantages ?
- les études ont montré une assez bonne corrélation entre les mesures ultrasonores et la DXA (Roux et coll., 1993) ;
- les ultrasons ont la capacité de discriminer les sujets ostéoporotiques des sujets non ostéoporotiques (Roux et coll., 1993-, SCHOTT et coll., 1995) ;
- ils ont la capacité de dépister les patients à risque de fracture en estimant à 2 le risque de fracture du col du fémur ou de tassement vertébral pour la diminution d’une déviation standard de BUA ou de SOS, et ceci d’une manière indépendante de la densité minérale osseuse mesurée par DXA (Hans et coll., 1996., Roux et coll., 1996) ;
- il s’agit d’une technique non invasive, non irradiante, transportable, et d’utilisation facile ;
- cet outil d’évaluation du risque fracturaire est donc séduisant et fiable.
Quelles sont leurs limites ?
Elles sont importantes car :
- les appareils ne sont pas standardisés ;
- leur reproductibilité est médiocre ;
- de ce fait la capacité des ultrasons à suivre l’évolution thérapeutique d’une patiente présentant une ostéoporose n’est pas démontrée. Leur place par rapport à la DXA n’est pas déterminée. Au total, l’utilisation des ultrasons comme instrument de diagnostic et de suivi thérapeutique n’est pas actuellement validée.