l’état physiologique du corps
L’état physiologique du corps
Le système intéroceptif, quant à lui, véhicule des informations concernant l’état physiologique du corps jusqu’à l’insula postérieure. Celle-ci est connectée à des régions qui sous-tendent les fonctions exécutives comme le cortex cingulaire antérieur ou le noyau accumbens pour les mécanismes de récompense.
Il est intéressant de noter que l’extension des voies intéroceptives au-delà du tronc cérébral et de l’hypothalamus jusqu’au niveau cortical que représente l’insula est une caractéristique des primates, caractéristique particulièrement accentuée chez l’être humain .
Dans les autres espèces, ces voies intéroceptives se limitent, en effet, aux régions sous- corticales impliquées dans les régulations de type homéo- statique réflexe et ne présentent que quelques projections diffuses vers les régions antérieures du cerveau sans passer par les niveaux d’intégration de l’information que sont le thalamus et l’insula.
Pour le dire autrement, chez les primates, il existe une représentation de l’état physiologique du corps dans l’insula (postérieure et dorsale) qui est connectée à d’autres régions impliquées dans les comportements motivés; chez les autres espèces, en revanche, l’intégration se fait pour l’essentiel au niveau du tronc cérébral, ce qui implique des réponses homéostatiques motrices de type réflexe.
Il faut insister sur l’unicité de la voie intéroceptive qui investit l’insula chez l’être humain et, à un moindre degré, chez le singe, mais pas les autres espèces. Cette voie permet de constituer une représentation de l’état physiologique du corps.
Chez les animaux qui ne possèdent que les rudiments de cette voie, les afférences intéroceptives font relais directement avec des noyaux du système neurovégétatif dans le tronc cérébral – noyaux moteurs qui commandent les régulations homéostatiques, sur un mode automatique, par le biais du système neurovégétatif effecteur ou des boucles neuroendocriniennes.
Chez ces animaux, l’homéostasie est rétablie de manière réflexe, sans mentalisation, pourrait-on dire. Chez letre humain, en revanche, les informations provenant du corps constituent des représentations primaires dans l’insula postérieure qui sont associées à d’autres dans des représentations secondaires, ouvrant ainsi un mode de régulation plus libre qui échappe aux automatismes et aux réflexes propres des espèces inférieures .
Mais revenons à l’insula. Selon Craig, au niveau de ce cortex intéroceptif qu’est l’insula, la représentation primaire de l’état physiologique du corps à un moment donné se ferait au niveau postérieur, puis intégrerait l’information véhiculée par des afférences provenant d’autres aires sensorielles au niveau de l’insula antérieure pour aboutir à une représentation de l’état somatique, cette fois contextualisée avec l’ensemble des informations sensorielles (perceptions) disponibles à un moment donné.
C’est ainsi que les perceptions provenant du monde extérieur par le biais des voies sensorielles extéro- ceptives seraient intégrées à la perception de l’état somatique véhiculé par les voies intéroceptives au niveau de l’insula antérieure.
Ce type d’intégration est d’ailleurs analogue à celle des aires sensorielles extéroceptives (par exemple, le toucher ou la vision), au niveau desquelles une première représentation du stimulus se produit dans Faire sensorielle primaire et est ensuite intégrée à d’autres informations au niveau d’aires sensorielles secondaires permettant de contextualiser la signification du stimulus primaire.
De manière tout à fait saisissante, on retrouve dans ces données récentes de la neurobiologie un substrat anatomique et fonctionnel qui appuie les conceptualisations proposées par James dans sa théorie des émotions et par Damasio dans sa théorie des marqueurs somatiques.
Les associations initiales entre perception et état somatique, surtout si elles sont en relation à une situation émotion- nellement chargée, s’inscrivent dans les réseaux neuro- naux de l’insula antérieure par les mécanismes de la plasticité. C’est ainsi qu’il est possible de reproduire un état somatique en réactivant le souvenir d’une situation donnée.
Vous n’avez qu’à repenser à une interaction conflictuelle récente avec un de vos collègues de travail pour ressentir une sensation somatique désagréable. Cette possibilité de réactiver la représentation d’un état somatique, le as ifloop de Damasio, joue un rôle essentiel dans la théorie des marqueurs somatiques comme déterminant la prise de décision.
Répétons l’élément important qu’amène cette théorie : c’est l’anticipation de l’état somatique dans lequel on va se trouver en effectuant un acte qui est plus que tout déterminante.