Les processus psychiques de la grossesse et de la périnatalité : Les fantomes du passé
Les fantômes du passé
Nous allons à présent observer ce que cette transparence psychique, particulière à la période périnatale, découvre du passé de la femme. Quels sont les fantômes qui ressurgissent et viennent conditionner la manière dont la future mère se perçoit ainsi que l’image subjective qu’elle a de son enfant? Nous montrerons comment ce passé peut parasiter les fantasmes de la mère, au point parfois de l’empêcher de voir son enfant tel qu’il est dans la réalité et de la bouleverser jusqu a provoquer une dépression.
Au moment où la femme est sur le point de devenir mère, son esprit est progressivement, et souvent malgré elle, envahi par des pensées et des rêves concernant son passé. Elle revisite son enfance avec d’autres yeux, ceux d’une adulte critique, très concernée par la nature du lien de filiation et par les relations parents-enfant. On pourrait comparer ceci à une projection privée d’un vieux film de Lu ni Ile, visionné avec la distance des années et de la maturité, mais .aussi avec la sensibilité de quelqu’un qui est sur le point de réaliser son propre film, avec ses propres acteurs et sa nouvelle famille m voie de constitution. Un nouveau film qu’elle désire parfait. A ce moment, les imperfections et les failles qu’elle constate dans le film «le son passé peuvent prendre un caractère angoissant, elle ne veut pas reproduire les mêmes erreurs !
En visionnant le film de son passé, l’attention de la femme se porte également avec beaucoup de curiosité sur ses parents. Quels parents ont-ils été ? Quels ont été leurs points forts, leurs faiblesses ? Comment ont-ils vécu leur parentalité ? Ont-ils été heureux, épanouis et fiers d’elle? Sa mère a-t-elle enfanté dans la douleur? A-t-elle donné l’impression de tout sacrifier pour ses enfants? Aujourd’hui, c’est à son tour d être mère. Sera-t-elle à la hauteur ? Plus son jugement envers ses propres parents est sévère, plus son idéal est élevé et plus elle craint de mal faire. En jugeant sévèrement ses parents, elle se juge elle-même durement et peut craindre que son enfant ne la juge à son tour.
Cette identification à ses propres parents est essentielle dans son nouveau rôle de mère, il permet à la femme de s’appuyer sur un exemple qui, lorsque tout va bien, la sécurise et la renforce. Toutefois, lorsque la perception quelle a de ses parents est trop conflictuelle, cette identification devient contraignante ; elle crée un excès d’angoisse et de la culpabilité qui sont à la base de la dépression périnatale. Une faible estime de soi, l’impression de ne pas être à la hauteur, de forts sentiments de culpabilité sont des caractéristiques typiques de ces dépressions qui prennent leur source dans le regard très critique que ces femmes ont sur leur fonction de mère. Comme nous l’avons vu, la force de cette critique est à la hauteur des reproches qu elles font à leurs propres parents. Bien souvent, ces reproches ne sont pas formulés ni même mentalités ; ils restent inconscients. En vouloir à ses parents est souvent bien difficile à assumer. A l’heure de devenir parent soi-même, il est essentiel de pouvoir concilier l’amour porté à ses parents et la colère que leurs imperfections ont fait naître en soi.
Nous verrons que la qualité des émotions et du vécu infantiles des parents conditionne aussi la manière dont ils perçoivent leur enfant. Nous pouvons nous représenter ce phénomène comme des lunettes que porterait la femme et qui modifient la vision qu’elle a de son enfant. Les verres de ces lunettes provoquent une déformation de l’image, dont la qualité dépend de ses propres expériences émotionnelles passées. Ces verres ne sont pas définitifs; ils peuvent changer au cours du temps en fonction des caractéristiques de l’enfant et des expériences que la jeune mère vivra avec lui. Les thérapies mère-enfant ou parents-enfant ont précisément pour objectif de diminuer, voire de supprimer les déformations excessives provoquées par ces verres.