Les processus digestifs : le contrôle de la sécrétion du suc gastrique par la gastrine
Au début du XXe siècle, le contrôle nerveux des sécrétions digestives ne faisait plus de doute, en particulier à la suite des travaux d’Ivan Pavlov. Ce grand physiologiste avait toutefois entrevu que d’autres processus devaient être mis enjeu. Il avait en effet constaté que la stimulation des nerfs pneumogastriques ne permettait pas à elle seule d’induire une sécrétion gastrique aussi abondante que celle qui était déclenchée par la présentation du repas. Aussi, dès 1897, Pavlov avait évoqué l’existence d’une substance hypothétique capable de stimuler durablement cette sécrétion. Ces observations vont prendre un relief particulier après 1902 et la découverte de la première hormone par William Mortlock Bayliss (1860-1924) et Ernest Henry Starling (1866-1927). C’est le physiologiste britannique John Sydney Edkins (1863-1940) qui va transposer le concept d’hormone au contrôle des sécrétions de l’estomac.
L’expérience d’Edkins (1906):
Telle qu’elle a été mise en évidence par Bayliss et Starling, la voie de communication endocrine implique une hormone agissant à distance du tissu qui la produit en voyageant par la circulation sanguine jusqu’à son tissu cible. C’est ainsi qu’Edkins étudie les effets de l’injection, dans la veine jugulaire d’un chat, d’extraits de différentes régions de la muqueuse stomacale d’un porc. Il travaille sur l’estomac isolé, c’est-à-dire privé de ses connexions nerveuses, d’un chat anesthésié. Une ligature placée au niveau du cardia isole non seulement l’estomac de l’œsophage, mais elle est suffisamment serrée autour du nerf pneumogastrique, qui longe le cardia, pour représenter aussi l’équivalent d’une section nerveuse. À l’autre extrémité de l’estomac, une canule reliée à un robinet à trois voies est insérée au niveau du pylore. Un réservoir contenant une solution de liquide physiologique (chlo¬rure de sodium à 0,9%) est connecté au robinet. Grâce à ce montage, Edkins fait pénétrer dans l’estomac des petites quantités de liquide physiologique après chaque injection au niveau de la veine jugulaire, puis il les recueille dans un tube pour analyse.
Les conséquences des injections intraveineuses d’extraits de muqueuse stomacale sont variables.
La muqueuse du fundus semble ne pas posséder d’effet stimulateur sur la sécrétion acide de l’estomac. En revanche, les extraits de muqueuse du cardia et ceux de l’antre pylorique activent efficacement la sécrétion d’acide chlorhydrique.
Au vu des résultats de cette expérience, Edkins postule l’existence d’une substance, qu’il nomme gastrine, sécrétée par certaines régions de l’estomac et capable de stimuler par voie endocrine l’activité de la muqueuse stomacale.
Notons que l’effet de la région du cardia sur la sécrétion acide gastrique observé ici n’a pas été confirmé par des travaux ultérieurs et peut être attribué à l’action de l’histamine.
L’expérience de Komarov (1942):
L’existence de la gastrine n’est pas acceptée d’emblée par la communauté scientifique, qui va pendant fort longtemps mettre en doute sa réalité, en raison du faible degré de pureté des extraits tissulaires de porc testés par Edkins.
Les scientifiques suspectent en effet une conta¬mination non négligeable de ces derniers par l’histamine, une molécule aminée dérivée de l’histidine, tout d’abord isolée de l’ergot de seigle en 1907 par le pharmacologue britannique Henry Dale (1875-1968). Les sceptiques invoquent deux arguments complémentaires :
d’une part, en 1910, l’Allemand Dankwart Ackermann (1878-1965) a mis en évidence une intense sécrétion d’histamine au niveau de l’estomac, d’autre part, Léon Popielski, un pharmacologue polonais, a établi en 1920 la puissante action stimulatrice de l’histamine sur la sécrétion d’acide de l’estomac.
Devant des résultats concordants qui paraissent attribuer un rôle prépondérant à l’histamine dans le déclenchement de la sécrétion acide gastrique, John Edkins lui-même finit par douter de la véracité de ses résultats. C’est seulement en 1942, soit deux ans après sa mort, que l’existence de la gastrine et son action spécifique sur la sécrétion acide de l’es¬tomac sont confirmées par le physiologiste russe émigré au Canada Simon Alexander Komarov (1892-1964). Ce chercheur met au point une méthode lui permettant d’isoler l’histamine des autres sécrétions, en particulier peptidiques, de la muqueuse de l’estomac.
Komarov réalise un extrait de muqueuse de l’antre pylorique dont il précipite les protéines par de l’acide trichloracétique (TCA).
L’histamine reste ainsi dans le surna¬geant. Après reprise dans du sérum physiologique, le précipité, dépourvu d’histamine, est injecté dans la circulation veineuse d’un chat anesthésié. Komarov considère que ces injections correspondent à des injections de gastrine. Il étudie pendant 5 heures, chez le chat, les effets d’injections de gastrine répétées toutes les 30 minutes. Les résultats obtenus prouvent que la gastrine provoque à la fois une augmentation impor¬tante du volume et de l’acidité des sécrétions de l’estomac.
Vidéo : Les processus digestifs : le contrôle de la sécrétion du suc gastrique par la gastrine
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