Les pistes se multiplient avec le placebo
Si le placebo et son corollaire, l’effet placebo, existent bien, si le résultat d’un traitement médical n’est jamais exactement ce que l’on en attendait «scientifiquement», il serait temps de chercher à comprendre par quels mécanismes ce curieux et dérangeant phénomène peut bien se manifester. À condition, bien sûr, que la magie du soin soit expliquable avec les outils du moment. Logique du conditionnement, biologie, psychanalyse, sociologie, psychologie, chacune de ces approches a son mot à dire, aucune n’a la réponse.
La théorie du temps
À Troie, ô funeste destin, Cassandre fut unanimement condamnée et sans appel. Son crime? Avoir prévu et publié le malheur à venir : le siège, la chute et la ruine de l’orgueilleuse cité. Ayant anticipé le drame, «?
Il en était devenue responsable. Même de nos jours, il n’est pas rare de voir certaines réactions de dépit, de haine parfois, à l’encontre des météorologistes lorsqu’ils ont le malheur d’annoncer la pluie pour le lendemain, juste à la veille d’une garden party.
A notre insu, selon une règle universelle, nous établissons une relation de causalité entre le signal précurseur et l’événement qui en découle ou, plutôt, qui semble en découler.
Cette tendance naturelle à relier les événements et à établir entre eux des liens de causalité existe chez la plupart des êtres vivants, et représente un des mécanismes les plus fréquents de l’effet placebo. C’est le post hoc fallacy. Un événement succède à un autre, il est donc causé par cet autre.
Le conditionnement du vivant
La plupart des êtres vivants sont conditionnables. Par exemple, le pigeon, animal pourtant peu suspect d’hypertrophie du quotient intellectuel. Le simple fait d’éclairer un disque placé à portée de bec, quelques instants avant de lui présenter du grain, amène le volatile à effectuer un glissement de sens, une sorte de métonymie volaillère, si on voulait adopter une démarche lacano-linguistique. Dans l’attente d’une nourriture plus concrète, il fait un amalgame entre les deux phénomènes, éclairage et présentation du grain, et se met, bêtement, à picorer le disque. L’homme n’échappe pas à ce type de comportement apparemment stupide. L’attente plus ou moins anxieuse est parfois trompée par des mécanismes relativement comparables dans leur irrationalité. Il en va ainsi lorsqu’un quidam emprunte un ascenseur pourtant déjà programmé par d’autres usagers. Pendant les quelques secondes plutôt pénibles où, dans cet espace confiné et, il faut bien le dire, assez peu intime, tout le monde attend, les yeux dans les yeux, le redémarrage éventuel de l’engin. Il est fréquent alors de voir le nouvel arrivant confirmer son trajet, et consciencieusement ré-appuyer sur le témoin pourtant déjà allumé de l’étage convoité. Que le lecteur se rassure, nous n’irons pas, dans notre monomanie délirante, jusqu’à parler de placebo de bouton d’ascenseur!
Les preuve séquentielle
Il y a environ vingt ans, John Garcia, psychologue .imcricain, mettait en évidence certains mécanismes i le spéculation chez l’animal. On place un rat face à un certain nombre de situations où sont combinées loutes les possibilités d’associations entre différents phénomènes : signaux sonores, chocs électriques douloureux, goût sucré (saccharine) et empoisonnement. Systématiquement, le rat établira une relation de causalité, parfaitement logique bien que totalement fausse, entre douleur et son, d’une part, empoisonnement et goût sucré, d’autre part. Jamais l’animal n’imputera la douleur à la saccharine ou l’empoisonnement au signal sonore et, de fait, il développera une aversion gustative pour les aliments sucrés. Tout aussi logiquement, il développera une préférence gustative pour un aliment qui lui aura été fourni juste avant qu’il ne récupère spontanément de son intoxication.
Nous revoilà dans l’effet placebo, ou plutôt dans ce qui fait très souvent croire à un effet placebo, alors qu’il s’agit en fait et plus simplement d’une série de coïncidences chronologiques. Il suffit que la guérison, comme c’est d’ailleurs souvent le cas, soit précédée par une consultation et une prescription de médicament, pour que la guérison soit attribuée à ce dernier. À la prochaine maladie, le simple fait d’absorber ce médicament, ou un autre, constituera le signe annonciateur de la guérison et, du coup, la favorisera. La grippe, par exemple, est une maladie à évolution en principe spontanément favorable. Généralement, elle évolue en deux temps, selon la séquence classique : invasion – amélioration – réaggravation – guérison. C’est ce qu’il est convenu d’appeler le « V grippal ». Si un médicament est donné tous les deux jours et que, par hasard, il tombe chaque fois avant l’un des temps d’amélioration, le malade et son médecin établiront forcément une relation de causalité, fausse mais logique, entre le médicament et l’évolution favorable de la maladie. « Chaque fois que j’ai pris ce médicament, je me suis senti mieux, juste après. » De la même façon, si un traitement est pris, comme c’est très souvent le cas, au moment de la ré-aggravation qui est généralement assez brève, la guérison normale qui lui succédera rapidement sera tout naturellement imputée au traitement. On devrait plus se méfier de la relation causale séquentielle qui, d’ailleurs, est retenue par les juristes, non comme une preuve, mais comme « présomption simple et non irréfragable ».
Vidéo : Les pistes se multiplient avec le placebo
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