Les nutritions liées à l'environnement
Même dans les pays industrialisés prospères, il existe une dénutrition pour cause sociale. Aux U.S. A., on a évalué ce chiffre à 5 % de la population.
Cet ordre de grandeur est vrai aussi pour la France. Il s’agit de sujets exclus ou s’étant exclus du système social, individuellement (« clochards ») ou en groupes (fondés sur une idéologie ou une mystique particulières), de travailleurs immigrés dont le rituel alimentaire a été brisé par le dépayse-
ment et qui ne sont pas adaptés aux habitudes alimentaires du pays d’accueil, ou encore de vieillards isolés aux ressources financières très faibles.
L’interrogatoire alimentaire est parfois difficile soit à cause de l’hostilité ou des barrières linguistiques, soit encore à cause du sentiment de pudeur empêchant parfois le vieillard d’avouer la modicité de ses ressources.
Le déficit énergétique sera là encore apprécié par le pli cutané ; le déficit protéique par le dosage de l’albumine plasmatique et les excrétions urinaires d’azote des 24 heures. La réalimentation, en particulier protéique, se fera uniquement par voie orale : elle sera très progressive, car d’une part les positivations des bilans d’azote seront obtenues avec des apports modérés, et d’autre part les réalimentations trop brutales sont susceptibles de provoquer une maladie aiguë de réalimentation, survenant souvent autour du dixième jour, et se manifestant soit par des diarrhées profuses sans aucune infection intestinale, soit par des collapsus parfois brutaux et mortels. On procédera donc par palier : par exemple de 100 calories et 5 g de protéines tous les 3 jours en partant du niveau présent.
Les nutritions par trouble du comportement alimentaire
— Régime d’exclusion des fonctionnels digestifs : il s’agit de sujets chez qui la consommation de tel ou tel aliment ou groupe d’aliments provoque une sensation d’inconfort digestif et chez lesquels n’existe aucune lésion organique décelable. Les exclusions alimentaires sont cumulatives et associent, d’une part des auto-prescriptions, d’autre part le souvenir d’interdits médicaux plus ou moins fondés. Outre la reprise des explorations parfois nécessaire, à la recherche d’une lésion somatique, le temps essentiel est l’interrogatoire alimentaire suivi d’une prescription prenant en compte la totalité des interdits imposés par le sujet, et utilisant des produits de remplacement assurant une ration alimentaire suffisante et équilibrée. Évidemment, aucune systématisation des prescriptions n’est possible.
— Dénutritions au cours des traitements des états de pléthore : il s’agit le plus souvent de sujets obèses ou se croyant obèses, et de sujets sachant que leur taux de cholestérol est trop élevé.
Le régime suivi par les obsèses comporte très souvent une ration protéique basse et des subcarences vitaminiques. Pour prévenir cette erreur, il faut s’assurer par l’interrogatoire alimentaire que ce régime comporte une quantité suffisante de protéines (au moins 55 g/j.), de calcium (500 mg/j.), de fer (18 mg chez la femme en période d’activité génitale), et, lorsqu’il s’agit d’un régime monotone de longue durée, de conseiller par précaution la prise d’un mélange polyvitaminique. Les explorations de la dénutrition protéique seraient celles déjà décrites ; elles
sont en règle inutiles car les mesures préventives auront de toute façon les effets curatifs nécessaires.
Les dénutritions iatrogènes secondaires à un traitement imparfait de l’obésité sont la forme de carence d’apport la plus fréquente dans notre société. Un cas particulier, survenant par épidémies, est celui des régimes « dissociés », ou des « cures » à base d’un seul aliment, ou encore des « cures de jeunesse ». Signalons l’apparition récente d’une nouvelle cause de dénutrition iatrogène, observée chez les sujets n’aimant pas les laitages écrémés ni le poisson, et qui suppriment par ailleurs de leur alimentation les œufs, la viande et le fromage par crainte du « cholestérol ».