Les nouvelle donne d'alimentation
Avec l’exode du monde rural, le développement des métropoles bouleversa la distribution alimentaire. On entra ainsi progressivement dans l’ère des grandes surfaces distributrices des produits transformés et standardisés. Les modes alimentaires furent de moins en moins influencés par les habitudes régionales, l’agriculture devint une source de matières premières largement transformées en de multiples produits alimentaires.
Sans autres considérations que celles du marché, et sans recommandations nutritionnelles claires sur la nécessité de préserver la complexité des aliments, se déroula l’ère des transformations alimentaires intensives, celle du fractionnement des aliments, de la fabrication de produits riches en ingrédients purifiés et appauvris en micronutriments, des produits standardisés, sucrés, salés, aromatisés, colorés, des huiles désodorisées, du pain blanchi.
Les bouleversements socioéconomiques des quarante dernières années modifièrent donc profondément le paysage de l’agroalimentaire. Dans un premier temps, le public se posa peu de questions, tout occupé à participer à la fête de la consommation, à découvrir de nouvelles présentations alimentaires, voire de nouveaux aliments. Face à une offre considérable, caractérisée par la multiplicité des produits transformés, et sans l’aide d’un discours
nutritionnel cohérent (parfois contradictoire), les consommateurs finirent par perdre leurs derniers repères. Cela fut à l’origine de l’apparition d’un nouveau questionnement sur le « que doit-on manger? ». Durant les années 1980, les réponses données ne furent pas très encourageantes, l’accent étant mis sur divers facteurs de risque (graisses saturées-cholestérol-sucre-pain) sans faire apparaître le caractère protecteur de nombreux aliments. En l’absence d’informations compréhensibles concernant les nouveaux produits alimentaires, il était difficile pour le consommateur de s’appuyer sur des valeurs sûres pour guider son comportement alimentaire.
Les réponses sont aujourd’hui beaucoup plus claires ; l’intérêt nutritionnel des fruits et légumes, des céréales complètes et de bien d’autres aliments est reconnu, de même que la nécessité de respecter des équilibres nutritionnels. Cela n’a suffi ni à influencer fondamentalement les choix alimentaires, ni à modifier l’offre alimentaire, ni à dissiper le malaise du consommateur. Il est difficile de mesurer aujourd’hui les conséquences à long terme du déracinement culturel et nutritionnel qu’auront entraîné les années glorieuses du développement agroalimentaire.