Les hommes porteront-ils un jour des enfants ?
Dans de très rares cas, des grossesses extra-utérines féminines ont pu être menées à terme. Parmi elles, les cas de « grossesses extra-utérines abdominales » sont fort rares (1,4 % des cas de grossesses extra-utérines, un accouchement mené à terme sur 10000). Par extraordinaire, il est arrivé que le placenta capte de l’intestin les substances nutritives nécessaires à l’être en gestation. La littérature médicale recense en tout et pour tout 16 cas de ce type. Selon les statistiques, 3 ou 4 de ces grossesses ont pu être menées à terme après un lourd traitement. Voilà un bien faible effectif, mais cela suffit pour imaginer que l’on puisse rendre les hommes… « enceints ». De fait, un abdomen féminin et un abdomen masculin ne diffèrent en rien.
L’idée est donc venue à quelques médecins d’implanter, non pas un œuf fécondé, mais un embryon déjà entouré de son placenta dans le ventre d’un homme. L’endroit tout désigné est l’omentum, ce pli très gras du péritoine qui relie certaines parties de l’estomac au côlon d’une part, au foie, au duodénum et à l’œsophage d’autre part. En effet, l’omentum est impliqué dans les 16 cas précités.
Avec force doses d’hormones féminines pour la maintenir, une grossesse masculine ne serait donc pas tout à fait impossible. On envisage d’ailleurs ce type d’intervention pour les femmes ayant largement passé l’âge de
sécréter elles-mêmes assez d’hormones. Il n’en demeure pas moins quelle est autant improbable qu’une grossesse « ectopique » féminine, c’est-à-dire lorsqu’un organe n’est pas à sa place. Car un foetus est fondamentalement un parasite pour le système immunitaire. L’« étranger » n’est toléré que replié dans l’utérus. Dans le cas contraire, le système immunitaire fait tout son possible pour chasser l’intrus.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas implanter un utérus dans le corps d’un homme? On sait le faire chez la souris, mais en utilisant des sujets génétiquement compatibles. Cela a également été réalisé en 2007 sur des brebis auxquelles on a ôté puis réimplanté leur propre utérus. Des expériences sont régulièrement menées sur le rat, le cochon et le lapin, mais aucune n’a été concluante chez le chimpanzé: jamais une femelle primate n’a pu accoucher à partir d’un utérus transplanté. Une expérience sur le macaque est toujours en cours.
Des chirurgiens saoudiens ont bien greffé pour la première fois l’utérus d’une femme de 46 ans sur une patiente de 26 ans qui avait perdu le sien suite à d’importantes hémorragies lors d’un accouchement. La donneuse devait subir, pour d’autres raisons, une hystérectomie . Mais, 99 jours plus tard, après deux cycles menstruels, ils durent ôter l’organe étranger après avoir diagnostiqué une thrombose de l’artère qui alimente l’utérus.
En matière de transplantation d’organe, on se heurte toujours au même problème: le rejet. En l’occurrence, le risque en serait atténué si, chez la femme, l’opération de transplantation d’utérus était réalisée entre mères, filles et sœurs, immunologiquement compatibles. Le problème éthique soulevé par cette transplantation de l’organe procréateur d’une femme à l’autre n’en resterait pas moins posé, sans compter que le risque de rejet ne serait de toute façon pas complètement annulé. Toute sa vie, la patiente devrait se soumettre à un traitement aux immunosuppresseurs (médicaments antirejets), dont on ne connaît pas les effets secondaires sur un embryon.
Si cette pratique voyait le jour, il faudrait procéder à une implantation in utero pour parer à tout risque d’infection par le sperme du père. Cela supposerait donc, au préalable, que l’on congèle des embryons. Enfin, pour limiter encore les risques de rejet, on devrait, après l’accouchement, ôter l’utérus transplanté de la mère. De quoi rejeter dans les limbes la question d’un père qui veut aussi être une mère…