Les effets de l'âge sur les différentes modalités sensorielles et activités perceptives : La vision
L’appareil visuel
Comme l’audition, la vision est une modalité sensorielle à la fois particulièrement importante pour l’espèce humaine et particulièrement sensible à l’effet de l’âge. L’œil (figure 4.5) est à la fois un système optique et une structure nerveuse et rétinienne. Le concept d’activités perceptives est particulièrement adéquat pour décrire la vision. Koffka, dans son livre sur la psychologie de la forme, posait la question suivante : « les choses ressemblent-elles à ce qu’elles paraissent parce qu’elles sont ce qu’elles sont ? » La réponse de Koffka est « non », nos perceptions sont des constructions mentales déclenchées par des stimulations physiques (ondes électromagnétiques pour la vision) qui ne représentent pas une réalité en soit, d’ailleurs qu’est-ce que la réalité ? L’exemple flagrant est celui du phénomène de l’inversion des images. Le célèbre astronome Kepler avait montré que les images qui parvenaient à la rétine étaient inversées. Pourtant nous percevons le monde à l’endroit. Cela signifie que les voies nerveuses optiques traitent cette image de telle manière que notre percept remette « le monde à l’endroit ».
Le grand spécialiste américain Hubel (1994) explique que «l’œil est souvent comparé à un appareil photographique, mais il serait plus juste de le comparer à une caméra de télévision fixée sur un tripode asservi à un système de poursuite automatique (muscles oculaires) ; cette caméra posséderait une mise au point automatique (muscles oculaires, cristallin), un contrôle de l’ouverture du diaphragme selon l’intensité lumineuse (iris) et une lentille auto lavable (cristallin) (l’ensemble constituerait le système optique) ; en outre, elle serait reliée à un ordinateur très élaboré capable de traiter parallèlement les informations (l’ensemble représenterait les voies nerveuses optiques et la rétine) »
Les effets de l’âge
Les effets de l’âge sur le système visuel apparaissent dès 40 ans pour la structure optique et à partir de 60 ans pour la structure rétinienne. Les déclins n’ont donc pas la même signification avant et après 60 ans.
La structure optique (cornée, cristallin, muscles oculaires, humeur vitrée) a pour fonction de produire une image focalisée et nette du monde extérieur sur la rétine. Un premier type de modifications liées à l’âge affecte la transmissivité de l’œil et son pouvoir accomodateur. Cela se traduit par des problèmes dans la perception d’objets distants, de la profondeur, dans la sensibilité à l’éblouissement et aux couleurs. Des modifications apparaissent dans les quatre structures optiques :
– la cornée s’opacifie, s’épaissit et se rigidifie, ce qui provoque une augmentation de l’astigmatisme et de la vision floue. L’astigmatisme est un trouble visuel lié à une mauvaise réfraction de l’image sur la rétine dont l’un des troubles les plus spécifiques est la difficulté en lecture à reconnaître certaines lettres. Par exemple, la personne reconnaîtra parfaitement un E mais se montrera incapable de reconnaître un H. Cela vient du fait que son astigmatisme se traduit par une incapacité à percevoir les traits verticaux essentiels dans la perception du H alors que la perception des traits horizontaux, essentielle dans la perception du E, n’est pas dans cet exemple affectée ;
– les muscles oculaires, attachés au cristallin, s’atrophient. Cela provoque une baisse du pouvoir accommodateur de l’œil et par là même une difficulté à voir les objets proches ;
– le cristallin, qui est une lentille permettant la projection des images sur la rétine, se rigidifie, ce qui se traduit par une baisse de son pouvoir accommodateur, jaunit, ce qui modifie la composition de la lumière projetée sur la rétine, et s’opacifie souvent chez la personne âgée, ce qui entraîne une pathologie appelée « cataracte ». Dans sa forme sévère, la cataracte nécessite une intervention chirurgicale qui consiste en l’ablation du cristallin. Le patient doit alors porter des lunettes correctrices qui pallient cette absence de cristallin ;
– la chambre postérieure remplie d’un liquide, l’humeur vitrée, qui contient les substances nutritives nécessaires au cristallin, se liquéfie, c’est-à-dire a tendance avec l’âge à se clarifier et à devenir moins gélatineuse. La conséquence est une augmentation de la sensibilité à l’éblouissement. Ce phénomène est particulièrement gênant dans la conduite automobile.
Un deuxième type de changement est lié au système rétinien. La rétine dans ses couches profondes contient des cellules réceptrices appelées cônes et bâtonnets. Elles subissent des altérations chimiques par excitation lumineuse qui génèrent des influx nerveux et qui, via le nerf optique, parviennent aux aires visuelles occipitales du cerveau. À l’endroit où le nerf optique quitte l’œil, on constate une absence de cellules réceptrices, ce qui crée un point aveugle. La plupart des cônes sont regroupés autour de la fovéa «figure 4.5). Il s’agit de la partie centrale d’une région appelée la macula où * concentre le faisceau lumineux. Les bâtonnets sont exclusivement observés dans la partie périphérique de la rétine. Enfin, les bâtonnets permettent la vision en noir et blanc alors que les cônes permettent la vision en couleurs. Avec l’âge augmente la probabilité d’une dégénérescence des cellules réceptrices de la macula. Il en résulte une perte de la vision fine des détails. Lire ¿¿vient une activité difficile et les images de la télévision sont perçues de façon floue. Par ailleurs, cette dégénérescence entraîne des difficultés dans la perception des couleurs.
changements dans la perception visuelle
En résumé : Les changements dans la perception visuelle peuvent être résumés par six
phénomènes :
- les seuil absolus et différentiels augmentent avec l’âge (Kline et Schieber. 1985 ; Corso, 1981) ;
- la sensibilité à l’éblouissement augmente à partir de 40 ans (Kline et Schieber, 1985);
- la perception des couleurs semble affectée par l’âge. Des difficultés apparaissent dans la discrimination entre certaines couleurs (Kline et Schieber. 1985);
- l’acuité, qui se réfère à la capacité de résolution et de discrimination (mesurée par le célèbre test passé chez l’ophtalmologiste de perception de lettres à une certaine distance), est affectée précocement. Dès 20 ans, l’acuité commence à baisser de façon lente jusqu’à 60 ans. Après 60 ans, le déclin s’accentue ;
- l’adaptation, qui est la sensibilité de l’œil au changement d’intensité lumineuse (adaptation à l’obscurité et adaptation à la lumière), décline avec l’âge. Cela se traduit par une augmentation du temps nécessaire pour s’adapter au changement de luminosité (Wolf, 1960) ;
- le champ visuel, c’est-à-dire l’aire totale couverte par un regard constant avec un point de fixation constant, se modifie avec l’âge. Le champ périphérique diminue de quelques degrés à partir de 40-45 ans (Kline et Schieber, 1985). A 20 ans, il est en moyenne de 170 degrés alors qu’il n’est plus que de 140 degrés à 50 ans.