Les drames
La mort après une opération de chirurgie esthétique
Il est terrible de parler des risques de mort en matière de chirurgie esthétique, niais la majorité des opérations ne sont pas concernées par ce problème.
Il faut bien reconnaître toutefois que toute opération comportant une anesthésie comporte un risque vital. Même pour une anesthésie locale, il peut parfaitement se produire à un moment donné une allergie ou un choc qui entraîne un i orna ou un décès.
Sans parler des traumatismes exceptionnels : patiente qui tombe de la table, i rreur du chirurgien qui plante son bistouri là où il ne faut pas, coup de cautère siupide, utilisation d’un laser mal dirigé… Bref, le nombre de complications gra- vissimes qui peut arriver à une patiente n’a pas de limites.
Ces cas sont évidemment exceptionnels, mais quand ils se produisent, ils constituent un drame affreux et récemment, la presse a rapporté le cas d’une l>atiente décédée après liposuccion.
Nous nous souvenons par exemple d’un drame personnellement très difficile à assumer.
Nous avions opéré à plusieurs reprises un homme atteint d’une très curieuse maladie qui déformait son corps.
En fait, cet homme avait un corps qui devenait féminin par l’accumulation de graisse qui transformait complètement son apparence, avec de grosses fesses, de grosses hanches, de gros genoux.
Cette obésité était particulièrement insupportable, car cet homme était marié, avait des enfants, et sa vie sociale et professionnelle était rendue pratiquement impossible par cette déformation irrépressible.
Il avait donc subi une première liposuccion de notre part ; il y avait un deuxième temps à effectuer.
L’opération se déroula sans problème ; une quantité de graisse très importante fut retirée à chaque fois, ayant pour but de lui redonner un corps débarrassé de sa graisse et réduit aux muscles masculins habituels.
Malheureusement, une dizaine de jours après l’intervention, ayant repris une vie presque normale, ce patient fit une phlébite puis une embolie profonde, qu’il était très difficile apparemment de diagnostiquer, ou tout du moins, c’était le verdict du SAMU qui vint le chercher.
L’embolie peut être mortelle dans pratiquement un cas sur deux !
C’est un drame qui est épouvantable dans la mesure où il ne concerne pas l’acte opératoire lui-même, mais une de ses conséquences : tout acte médical ou chirurgical, même une liposuccion, provoque des traumatismes, des hématomes ; chez certains patients qui ont des capacités de coagulation un peu anormales, il peut entraîner ce genre d’incident exceptionnel.
Les décès recensés dans la littérature scientifique mondiale après liposuccion se comptent probablement en une petite dizaine alors que le nombre de liposuc- cions doit dépasser les vingt millions !
Néanmoins, ce risque existe ! Il est terrible de savoir qu’un tel accident peut arriver chez un patient qu’on aime beaucoup ; de plus, il ne s’agissait pas d’une opération de chirurgie esthétique mais d’une opération de chirurgie réparatrice.
La leçon de ce genre d’accident est que nul ne peut y échapper ; on a beau avoir un bistouri très agile, beaucoup de considération professionnelle et beaucoup d’humilité, le destin parfois peut s’acharner : notre rôle est donc de mettre toutes les précautions de notre côté, avant, pendant et après l’opération.
Ce patient aurait-il pu être sauvé par un traitement anticoagulant ? Statistiquement, une chance sur deux pour lui de vivre ou de mourir fut comptée, nous ne savons pas si nous n’aurions pas pu l’influencer dans un sens ou dans l’autre.
En tout cas, c’est avec beaucoup de ferveur que je pense à ce patient qui nous a considérablement rendu modeste dans notre exercice professionnel.
Un autre drame
est peut-être considéré comme une perte de chance qui est accordée à une patiente à la suite d’une opération pourtant bien conduite par ailleurs : c’est la complication sans faute thérapeutique.
Nous avons le souvenir d’une patiente qui a été opérée à l’hôpital par un chirurgien extrêmement compétent d’une équipe de haut renom.
L’opération fut une banalité absolue : il s’agissait d’une simple plastie mammaire de réduction.
Cette patiente n’avait pas beaucoup maigri en pré-opératoire et elle était très anxieuse. En général, plus la patiente est anxieuse et exigeante, plus les risques de complications sont importants, car l’anxiété multiplie et développe chez l’opérateur une sorte de stress bizarre qui fait que quelque chose « rate » pendant l’opération.
Toujours est-il que, sans vouloir incriminer ni la patiente ni le chirurgien, mais simplement l’horreur d’une situation imprévisible, cette patiente opérée d’une (•laMtie mammaire bilatérale se retrouva avec une nécrose totale d’un côté et une ¡unie purulente de la graisse du sein de l’autre.
C’est-à-dire que d’un côté il n’y avait plus de sein du tout et de l’autre côté, le •oln était réduit à un magma cutané peu propice au bonheur.
Or, c’était une patiente d’une trentaine d’années, dont la vie se trouvait ainsi Initialement gâchée.
Il était évident que pour elle, ce type d’intervention est une complication gra- vissime et entraîne une perte de chance qui n’est pas contestable.
Ce n’est qu’un an après cette intervention que nous avons pu entreprendre un protocole de reconstruction en milieu hospitalier.
Chacune des étapes de cette reconstruction fut difficile, car d’une part jamais nous ne pourrions arriver à un résultat parfait, et d’autre part, c’était beaucoup de douleur et de souffrance à chaque fois, plus le stress de savoir si la reprise opératoire allait conduire ou non de nouveau à une complication.
Finalement, nous avons pu arranger tant bien que mal la poitrine de cette patiente pour lui donner une forme à peu près décente, convenable ; mais il est évident qu’elle était mutilée à tout jamais en profondeur, aussi bien au niveau de Kim corps que de son esprit.
C’est donc tout à fait justement qu’elle entama un procès contre l’hôpital où elle avait été opérée et où une indemnisation lui fut proposée dans des conditions qui ne sont jamais tout à fait raisonnables pour la patiente, mais qui finalement arrivent par une transaction progressive à donner satisfaction et à compenser cette perte de chance que l’opération avait occasionnée. C’est en règle le rôle de l’assureur professionnel d’arriver à une compensation compassionnelle du préjudice subi.
Le procès pour un drame ressenti, mais moins grave qu’il n’y paraît
Nous avons le souvenir d’une patiente au visage très maigre, et très particulière. On avait l’impression que la mort s’était adressée à elle pour lui rafler progressivement tout ce qui pouvait y avoir de rond et de sympathique sur ses traits.
On voyait ses os, les yeux étaient enfoncés dans les orbites. Cette patiente en plus avait un visage qui vieillissait très vite.
Elle avait déjà subi deux liftings, le premier étant un mask-lift et le deuxième un soft-lift, c’est-à-dire deux opérations un peu particulières, assez rapides, mais qui donnent des visages figés ou qui ne corrigent pas suffisamment un vieillissement.
Dans ces conditions, il lui fut proposé de rattraper l’ensemble par une vraie opération, par un lifting bi-plan tel que nous avons l’habitude de le faire. C’est une opération un peu plus importante que ce qu’elle avait subi, mais qui était destinée à la valoriser un peu.
Cette patiente, suivie par la psychologue de notre service, se révélait être toujours un peu instable ; les avis étaient partagés quant à l’idée de devoir ou non l’opérer, au sein même de notre équipe chirurgicale.
Mais finalement, notre idée prévalut : il fallait l’opérer pour au moins lui apporter quelque chose de positif au niveau de son visage.
Nous lui fîmes donc un lifting qui se déroula sans problème, un peu plus difficile dans la mesure où c’était le troisième passage chez une femme de la quarantaine.
Les suites opératoires au niveau local se déroulèrent parfaitement.
Mais environ un mois après l’intervention, cette patiente revint nous voir avec une véritable boule dans les cheveux. Tous ses cheveux s’étaient emmêlés et avaient formé une espèce de caillasse dure qui ne pouvait plus du tout être démêlée.
Elle avait eu une permanente juste avant l’opération et le produit iodé de désinfection que nous avions utilisé était peut-être responsable de la coagulation de ses cheveux.
Depuis, nous n’utilisons d’ailleurs plus du tout d’alcool iodé, mais un shampooing de bétadine.
En tout cas, cette patiente avait donc sur la tête un véritable caillou, de la taille d’un ballon de hand-ball.
Au bout d’un moment, la seule solution qui apparut après des tentatives de démêlage dans des instituts capillaires spécialisés qui avouèrent leur impuissance à démêler ses cheveux, fut de couper l’ensemble de la masse de cheveux minéralisés.
Ainsi cette patiente se tondit complètement le crâne en attendant la nouvelle repousse de ses cheveux qui, comme on le sait, prend à peu près dix-huit mois.
Très furieuse d’avoir perdu ainsi ses cheveux et sans aucune rancœur vis-à-vis du chirurgien, car le résultat de son lifting était superbe, elle décida donc de faire un procès à l’hôpital pour manque de cheveux.
Or, les procès pour une administration hospitalière se déroulent devant le tribunal administratif ; plusieurs procédures de contestation et de conciliation devaient avoir lieu.
Les opérations de chirurgie esthétique restaient payantes à l’hôpital. Elle en avait d’ailleurs été dûment prévenue. Mais du fait même qu’elle avait eu cette complication capillaire, cette patiente avait refusé de payer son intervention.
Elle était donc en double conflit avec l’hôpital, d’une part en refusant de payer l’intervention et d’autre part, rejetant la responsabilité de la perte de ses cheveux sur le personnel infirmier hospitalier qui, disait-elle, avait mal fait son shampooing postopératoire.
Finalement, de procès en procès, la négociation directe fut engagée avec l’administration hospitalière de façon à éviter l’étemisation du débat.
En effet, le point était que tant qu’elle n’avait pas payé son intervention, aucun dédommagement ne pouvait lui être accordé.
L’hôpital pour cela était très ferme.
D’un autre côté, l’hôpital était néanmoins engagé au niveau responsabilité et il existait pour cette patiente une « perte de chance ».
Cette négociation aboutit donc au paiement d’une seule journée opératoire au lieu de trois, et la patiente accepta finalement que ses cheveux repoussent lentement en même temps que son portefeuille en sortit moins dégarni.