Les contre-indications
Une contre-indication n’est pas une non-indication. Le champ des non-indications est vaste, dès lors que seules les thérapeutiques validées, qui ont apporté la preuve scientifique de leur efficacité, sont jugées recommandables et applicables. La non-indication conclut à l’absence d’effet thérapeutique attribué au moyen utilisé.
La contre-indication est un interdit. On reconnaît ainsi un effet au moyen utilisé, qui peut soit aggraver, soit annuler un résultat. En médecine, cela concerne le plus souvent un geste technique à visée diagnostique ou thérapeutique dont les conséquences sont potentiellement dangereuses, au point de mettre en jeu le pronostic fonctionnel et parfois vital du patient. Mais c’est un interdit à plusieurs paliers. Il peut être formel et définitif, discutable et tem-poraire, lié à la compétence de l’opérateur ou à la fiabilité du matériel. Une situation clinique précise, à un stade de son évolu¬tion, conduit à de nombreuses contre-indications thérapeutiques.
Attendre et voir, documenter la pathologie sont le plus souvent les étapes à respecter face aux pathologies mécaniques de l’appa¬reil locomoteur. L’ostéopathie n’est pas une contre-indication en elle-même. Mais, parmi les techniques structurelles, l’ajustement ostéo-articulaire rachidien ou périphérique présente potentiellement le plus grand risque. C’est pourtant aussi celui qui peut apporter le meilleur bénéfice immédiat et à venir. Il doit donc être justifié. Aussi bien l’histoire de la médecine manuelle que les tra-vaux modernes montrent que toute thérapeutique active et efficace présente des effets indésirables, et que les échecs sont toujours possibles.
Le chapitre « manipulations » recèle une gamme de contre-indi- cations évolutives, absolues ou relatives. Les contre-indications absolues et définitives concernent le plus souvent des articulations atteintes de maladies inflammatoires, métaboliques ou dégénéra- tives graves. En dehors de ces cas, les contre-indications ont été établies sans tenir compte de la compétence, de l’intelligence dia-gnostique, de la finesse technique des opérateurs, de l’expérience de la main. Les limites des contre-indications peuvent donc varier sensiblement.
En y réfléchissant, mieux vaut contenir dans un no man’s land technique ceux qui auraient la tentation, souvent animés des meilleures intentions, de braver les interdits. Car la maîtrise d’un geste passe par l’éducation, l’apprentissage et la patience, le respect des procédures, l’évaluation de la marge de manœuvre, le risque minimal. Il suffit d’un espace thérapeutique non balisé, et l’aventure s’achèvera par un drame. Comme il y a trop d’impa¬tients, chacun pousse l’autre à franchir la barrière de la contre- indication. La parade est simple : il existe des règles d’indication des manipulations ostéo-articulaires. Il faut s’y conformer. Elles ont été établies pour la sécurité du patient et du praticien.
L’absence de contre-indications s’établit avec les antécédents, l’histoire de la maladie, le diagnostic de la maladie avec documents (imagerie récente, bilan biologique récent), le siège anato¬mique des troubles, le stade d’évolution, l’âge, le profil psycholo¬gique. Chaque contre-indication doit faire l’objet d’une évaluation et d’une classification : manipulation définitivement interdite sur une articulation ou sur l’ensemble du squelette, manipulation dif¬férée en attendant le moment favorable, manipulation locale interdite mais autorisée à distance du foyer lésionnel. Si le clinicien est un bon opérateur, le risque est minimum. Il faut tordre le cou à ce vieux canard !
Par rapport au nombre de manipulations exécutées chaque jour,le risque comparé à d’autres techniques médicales est infime, Néanmoins, les conditions actuelles sur le terrain, où sévissent des manipulateurs « hors cadre », favorisent de plus en plus les complications graves, principalement au rachis cervical et lombaire, où les complications neurologiques, qu’elles soient d’origine purement mécanique ou vasculaire, sont à craindre.
L’originalité de l’ostéopathie réside dans le fait qu’elle peut proposer des techniques sans risque souvent efficaces, en alterna¬tive à la manipulation contre-indiquée. Par contre, l’ajustement reste souvent irremplaçable, les autres techniques ostéopathiques ne pouvant raisonnablement se substituer à elle. La contre-indication devient alors une non-indication de la pathologie à une technique ostéopathique. C’est pourquoi le praticien se doit d’informer son patient des limites des techniques mises en œuvre, compte tenu du respect des contre-indications. Dans ce cas, il vaut mieux l’orienter vers d’autres choix thérapeutiques. Le recours systéma¬tique aux techniques fonctionnelles en cas de contre-indication à la manipulation articulaire peut présenter un réel danger : celui de priver le patient du bénéfice d’une autre thérapeutique mieux adaptée à sa pathologie et de meilleur pronostic. Question d’information et de formation, question d’autocritique et d’ouverture. Question de respect du patient, de déontologie.
L’entêtement et le «jusqu’au-boutisme», la myopie diagnos¬tique, l’excitation de l’instant, la déconcentration, la lassitude de fin de journée, l’euphorie qui brouille la « check-list », le désir ardent de soulager la souffrance, la satisfaction de l’ego, la protes¬tation véhémente du patient qui ne veut pas être exclu du « miracle ostéopathique », incitent au franchissement de la ligne jaune. Le dialogue médecin-patient reste le meilleur rempart contre le risque de dérapage.
Entre la non-indication qui écorne sérieusement le mythe de « l’ostéopathie qui guérit tout », et la contre-indication qui ins¬taure un filtre protecteur au bénéfice du patient, il y a encore de la place pour impulser efficacement le retour aux équilibres et prévenir la maladie.
Vidéo : Les contre-indications
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