L'erreur en chirurgie esthétique
Nous ne sommes pas encore à l’ère des robots.
La chirurgie esthétique faite par micro-ordinateur avec une correction immédiate par boucle auto-compensée de tous les gestes du chirurgien n’est pas pour demain.
Quels que soient les moyens très sophistiqués que nous avons d’imiter une opération, de l’étudier, d’approfondir ses gestes techniques, il n’en reste pas moins, comme le disait notre maître Raymond Vilain, que la cicatrisation et l’infection resteront les deux grandes inconnues que nous ne saurons pas vaincre si facilement.
Ainsi la biologie déroute sans arrêt le chirurgien et encore plus le patient qui a conscience d’être la victime d’un acte opératoire que personne ne maîtrise vraiment en totalité.
Mais un certain nombre de nuances devaient être apportées aux complications que le chirurgien peut rencontrer et que le patient peut malheureusement subir.
L’erreur opératoire est constante et fréquente
Nul chirurgien, surtout s’il opère un peu, n’a commis de temps en temps de ces petites erreurs techniques qui prêtent à peu de conséquences.
Mais parfois, cette petite erreur peut conduire à des conséquences dramatiques.
Ainsi, nous nous souvenons d’une aide opératoire qui, au cours d’une rhino- plastie, avait tiré tellement fort sur l’écarteur à l’intérieur du nez qu’une petite blessure de l’aile du nez se manifesta.
Or, cette patiente était une personne de couleur qui a la propriété de cicatriser très mal.
Le nez fut très réussi et le résultat esthétique globalement parfait.
Mais la petite cicatrice devint très foncée, fit une encoche, et le bord narinaire le cette jolie fille se retrouva ainsi définitivement endommagé.
La patiente accepta cette idée d’erreur qui fut commise pendant l’intervention t ne nous en voulut pas, mais nous avons eu bien de la chance.
Ainsi l’erreur opératoire peut prêter à peu de conséquence si elle est dans le cadre d’une opération globalement réussie.
Par contre, il suffit qu’il y ait une insatisfaction du patient sur un point ou un autre de son opération, une gêne ou une non-acceptation du résultat opératoire pour que la petite erreur du début devienne la source de procès et de gros problèmes vécus relationnels, parfois même allant jusqu’à des résultats dramatiques, car certaines patientes se découvrent paranoïaques et peuvent aller jusqu’à agresser physiquement leur opérateur.
Plusieurs chirurgiens ont été victimes et agressés physiquement au cours de crises de paranoïa aiguë qui ont été engendrées par des opérations mal acceptées par certains de leurs patients psychotiques.
La faute
La faute est une erreur manifeste et grave qui d’emblée saute aux yeux. Elle a des conséquences qui peuvent être dramatiques dans la mesure où elle peut entraîner des séquelles, parfois même la mort du patient.
Lorsqu’il y a une faute opératoire, tout le monde en est en général conscient.
Loin de la petite erreur que l’on essaie de minimiser lorsqu’on est le chirurgien et qui entraîne une fixation d’insatisfaction quand on est le patient, la faute grave fait au moins l’unanimité pour elle et implique une mise en route de procédures de réparation ou de dédommagement, voire de réintervention ou de sanction.
Il faut toutefois bien différencier la faute technique de la faute psychologique.
La faute technique est celle que tout le monde acceptera, y compris le chirurgien responsable, l’expert, ses collègues, le patient ou les parents du patient.
La faute psychologique caractérise la mésentente entre le chirurgien et son patient.
Le chirurgien estime avoir obtenu un excellent résultat, le meilleur possible ou un résultat tout à fait acceptable.
Le ou la patiente au contraire n’accepte pas ce résultat, le juge insuffisant ou dépassé, ou ne correspondant pas à ce qu’il s’était figuré au départ.
Il se crée alors une distorsion de perception entre les deux personnages qui, tels les acteurs d’une pièce de théâtre à un seul acte, ne peuvent qu’en arriver aux mains, s’insulter, sans qu’il y ait de procédure facile d’arbitrage.
Depuis quelque temps, les compagnies d’assurance essaient de nommer un expert chargé de dire la vérité et son sentiment.
Mais cela est très difficile, car quel expert qui n’était pas présent avant et pendant l’intervention peut réellement prendre une position réaliste sur un résultat ?
Un autre problème est souvent lié au fait que les patients qui pensent qu’un résultat n’est pas suffisamment probant vont voir un autre chirurgien ou un médecin, ou un praticien d’une autre spécialité pour avoir son avis.
Il est bien rare que cet avis soit positif.
La compétition tenace qu’il y a entre les chirurgiens fait que tôt ou tard, le manque de confraternité va entraîner un dérapage verbal ou de conception, voire déboucher sur des certificats de complaisance ou descriptifs abusifs, qui vont entraîner chez le patient l’irrémédiable preuve de la faillite de son opération.
Cette mauvaise attitude du second chirurgien qui fut consulté est lourde de conséquences dans la mesure où elle peut être le premier élément d’un procès qui en fait peut parfois être très excessif, car rien ne prouve que le résultat obtenu ait été si médiocre que le patient ou le confrère consulté veut bien le prétendre. En principe, l’éthique médicale interdit à un médecin d’« enfoncer » un confrère sans une raison grave. Un simple dérapage verbal peut discréditer le premier chirurgien, sans preuves !
Le dédommagement d’un acte opératoire qui n’est pas accepté, soit pour une petite erreur, soit à l’occasion d’une faute, est devenu maintenant la règle.
Les patients d’ailleurs, font en sorte de pouvoir contester un résultat lorsqu’ils ne veulent pas payer leurs honoraires ou lorsqu’ils veulent un remboursement.
Cette attitude revendicatrice se heurte également à l’insuffisance de formation juridique des chirurgiens à la complexité de leur défense qui implique un avocat, alors que le temps consacré à l’ensemble de ces dossiers est pris sur le temps de a réflexion pour d’autres opérations, voire sur le temps opératoire.
Lorsqu’il y a une faute et qu’un expert amiable nommé a conclu à une insuffisance de résultat, c’est la compagnie d’assurance du chirurgien qui doit être à même de rembourser.
Le problème est aussi que dans certains cas, les patients veulent impérativement passer par un processus juridique, qu’il s’agisse d’une juridiction civile ou génale : ils sont complaisamment poussés à cela par des proches intéressés, ou es avocats agressifs trouvant dans l’exploitation des préjudices réels ou suppo- ;s infligés aux patients une source confortable de revenus — puisque en principe l’assurance paiera toujours — même si aucune faute grave n’a été retenue.
Actuellement, la chirurgie esthétique est à la croisée des chemins ; un certain ombre déjugés pensent que le résultat devrait être garanti.
Ils ont tendance à ne plus considérer la chirurgie esthétique comme un art opératoire et donc comportant une part d’aléatoire ; en cas d’insatisfaction du patient, le compensation financière doit toujours être accordée, à leur avis.
Nous sommes loin évidemment de partager cette attitude, car elle entraîne trop de facilités pour les patients de ne pas assumer par eux-mêmes leur risque opératoire et ainsi d’aller à l’intervention avec une seule idée en tête : se faire opérer puis se faire rembourser sous prétexte de ne pas être content.
Ce sont les pires des patients pour nous que ces patients qui partent bille en tête avec l’idée de ne pas avoir à payer leur intervention ; ils désirent faire payer cher au chirurgien ses talents : d’une façon ou d’une autre, ils trouvent que ce chirurgien est déjà trop riche, trop considéré, et que les nombreuses voitures luxueuses qui s’alignent en bas de sa rue et sa clientèle chic devraient lui servir de compensation.
L’escroquerie à la chirurgie esthétique se développe : chèque en bois, défaut de paiement, annulation au dernier moment d’un rendez-vous opératoire sont autant d’indélicatesses qui meublent la vie quotidienne de notre spécialité.
La réopération
Un certain nombre de patients insatisfaits, plutôt que de se faire payer, souhaitent une réintervention ou une retouche.
Or, cela est toujours un problème assez difficile ; comment quantifier et à qui attribuer la responsabilité d’une telle retouche ?
S’agit-il simplement d’une patiente un peu insatisfaite de son résultat comme d’un nez qui est encore trop droit et qu’elle voudrait un petit peu plus courbe ?
S’agit-il d’une patiente légitimement insatisfaite, car il lui avait été promis un nez un peu plus courbe et elle a effectivement un nez un peu trop droit ?
S’agit-il d’un pas supplémentaire où la patiente veut aller car, insatisfaite du résultat obtenu, elle voudrait savoir ce que pourrait donner un nez un petit peu plus courbe et un peu plus relevé ?
Bref, quand il y a une insatisfaction et une demande de réintervention, celle-ci est en général prise en compte par le chirurgien qui fera payer des horaires nuls ou minimaux concernant par exemple l’aide opératoire, la location de la salle d’opération et les frais d’anesthésie.
Une retouche précoce est somme toute à mettre sur le compte de la bienveillance du chirurgien et de la bonne foi du patient.
Mais un certain nombre de patientes abusent. Elles demandent deux, trois, quatre, cinq retouches, mettant à chaque fois la pression sur le chirurgien en disant : « Ce n’est pas tout à fait ce que j’ai voulu. »
Et ces patientes hyper-consommatrices du bistouri finissent à la fin par craquer, vont voir un autre chirurgien qui leur dit : « Mais, attaquez donc votre chirurgien. Faites-vous rembourser de l’acte opératoire et moi je pourrai vous réopérer. »
Or, il est évident que pour nous, praticien, il est impossible de rembourser un acte opératoire déjà fait.
Nous nous souvenons d’une patiente assez âgée qui souhaitait avoir des seins de jeune fille.
Nous l’avions opérée à de multiples reprises d’autres interventions, dont elle avait été extrêmement satisfaite. L’opération des seins se passa sans problèmes particuliers, mais une petite ptôse se manifesta au bout de six mois.
Un peu déçue qu’à près de 70 ans nous n’ayons pas obtenu une poitrine qui ensemble au balcon intime de Pamela Anderson, du fait de cette petite ptôse récidivante, elle nous fit les pires difficultés, nous demandant de réopérer.
C’est ce que nous fîmes une première fois, trouvant d’ailleurs une tumeur bénigne mammaire qui justifiait discrètement son insatisfaction, mais pas totalement.
Ses seins n’étaient toujours pas suffisamment hauts à son goût !
Très pressée, elle alla voir d’autres praticiens qui, évidemment, se moquèrent le nous en disant que nous n’étions pas capable d’obtenir la poitrine de ses rêves. Eux s’engageaient à le faire, moyennant finances évidemment.
Cette patiente revint en nous demandant de la rembourser, ce que nous fîmes, totalement excédé !
Finalement, cette patiente ne se fit pas réopérer, empocha l’argent, ne fit pas le procès ; nous la revîmes un jour par hasard en pleine forme, dans une jolie voiture de sport. Elle se retrouva tout ébaubie devant nous, avec un certain sou- ire narquois.
Finalement, elle l’avait eue, son opération gratuite !
La sanction
Si un chirurgien a commis une faute manifeste, en opérant par esprit mercantile ou sans réelle bonne indication opératoire, il est normal qu’en cas d’échec ou ‘erreur, une sanction soit appliquée.
Cette sanction est assez difficile à proportionner à la faute !
Actuellement, en France, la sanction est essentiellement financière et elle asse par les tribunaux civils.
S’il existe une blessure volontaire ou involontaire, mort d’homme par exemple, la suite d’une opération, la sanction peut être beaucoup plus lourde. Un procès
au pénal peut, en effet, faire condamner le chirurgien à la prison s’il existe des preuves manifestes que l’opération a été faite contre les règles de la sécurité à offrir au patient et contre les moyens habituels qu’un praticien doit mettre en œuvre pour soigner un blessé.
Le chirurgien a donc actuellement une épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête. Il ne peut faire n’importe quoi ; les temps ont bien changé, où le chirurgien dans la cité était maître de son acte, tout à fait au-dessus des lois et pouvait regarder avec dédain tous ses patients qui venaient le voir, attentifs à lui et sans aucun recours.
Maintenant, le chirurgien doit être infiniment respectueux du désir profond de ses patients et se dire qu’il est comme un employé au service du plus grand nombre, qu’il n’a plus la possibilité de passer au-dessus des lois.
La haine
Malgré toutes les sanctions, malgré tout ce qui peut se passer entre un patient et un chirurgien, le processus le plus implacable est celui de la haine postopératoire.
Certains patients en veulent tellement à leur chirurgien qu’ils sont prêts à le tuer, à lui nuire.
Ils peuvent le dénoncer au fisc, à l’U.R.S.S.A.F., le dénoncer auprès de ses confrères, écrire au Conseil de l’Ordre, faire des campagnes médiatiques, apparaître à la télévision ; les formes multiples de cette haine exacerbée sont autant de témoins du caractère pathologique de certains patients chez lesquels l’acte opératoire a ouvert une brèche par où s’exerce de façon violente, ostentatoire et cruelle la réaction dans une société nantie de tous les outils d’amplification que cette haine peut exploiter.
Mais, à l’inverse, certains chirurgiens ont aussi la hantise de leurs patients.
Nous avons tous en mémoire certain patient pour lequel nous avons fait le plus grand bien et pour lequel nous nous disons que nous nous sommes « défoncé ».
Ces patients, assez peu reconnaissants et même inconscients de tout ce qui a été fait pour eux, nous revoient avec des critiques exagérées, avec des insatisfactions punctiformes, sans même réaliser que l’acte opératoire chez eux leur a soit sauvé la vie, la fonction ou l’apparence.
Cette rancœur est donc aussi bien partagée du côté des patients que des chirurgiens.
Elle s’est actuellement banalisée : la campagne médiatique féroce de dénigrement de la chirurgie esthétique, liée au caractère ultra-publicitaire de cette spécialité, a entraîné une très grande incompréhension réciproque aussi bien entre le public et le chirurgien qu’entre les médias et les chirurgiens. De plus, tout passage médiatique d’un chirurgien est très mal perçu par ses confrères, ce qui diminue d’autant les capacités d’explication de cette spécialité.
Le pardon
C’est André Neher puis Raymond Vilain qui nous ont montré que le seul processus réparateur important dans toute la chirurgie était finalement de savoir pardonner lorsque l’on se rend compte que le patient nous voue de la haine, et surtout pour le patient de pardonner au chirurgien s’il estime qu’il a été victime d’une erreur, d’une faute ou d’une malfaçon.
Au bout du compte, il est important de savoir pardonner, car cela permet de repartir à nouveau et de ne pas gâcher sa vie.
Mais le temps moyen pour pouvoir pardonner est de deux ans — temps inexorable de deuil.
Ce délai très long s’explique par la longue maturation du malheur et de l’incompréhension qu’entraîne un acte opératoire qui est mal conduit, ou qui s’est mal passé ou qui a été mal vécu.
Cette demande de pardon est un acte grave qui doit s’effectuer en tête-à-tête et qui va entraîner en général les pleurs ou la catharsis de celui qui l’éprouve, de façon très violente, très humaine, très simple et très belle à la fois.
Mais c’est la seule façon d’aller un peu plus loin dans l’acte opératoire et de pouvoir recommencer utilement aussi bien pour le patient que pour le chirurgien, le poursuivre des activités d’une façon nouvelle, valable et confiante.
Ainsi, on peut pleurer pour de la chirurgie esthétique — ou à cause d’elle.
Mais au bout du compte, la vie continue. Il faut savoir puiser de nouvelles forces, partir sur de nouvelles bases.
Le Pardon est un acte fondateur d’un redémarrage, d’un nouveau sourire, d’une envolée enfin libérée du poids des rancunes.
Mais que c’est difficile de pardonner !
Et encore plus difficile de SE pardonner d’avoir fait une bêtise : mauvais choix 11 chirurgien pour le patient, mauvais choix technique pour le chirurgien…
Vidéo : L’erreur en chirurgie esthétique
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : L’erreur en chirurgie esthétique