Le mystérieux effet placebo
Dans un esprit de simplification délibérément caricaturale, il paraît correct de regrouper sous le nom d’effet placebo l’ensemble de ces résultats subsidiaires, qui viennent augmenter, parfois diminuer, l’effet normalement attendu du traitement et que l’on peut considérer comme extrapharmacologiques. Quoi qu’en pense la grande majorité du public et des médecins, ne sont pas seuls concernés les hystériques, les gens naïfs, les idiots, les sujets dits fonctionnels et autres malades imaginaires. L’effet placebo, c’est comme la caméra invisible de Surprise sur prise, nul ne peut prétendre y échapper.
L’anxiété, la dépression, le trouble panique, le syndrome prémenstruel, les douleurs cancéreuses, postopératoires, la migraine, le rhume des foins, la toux, le rhume, la tuberculose et même la croissance tumorale, toutes ces maladies ont d’ailleurs été étudiées du point de vue du placebo et de ses effets. L’efficacité moyenne du placebo se situerait en moyenne autour de 30 %.
Cette donnée statistique n’a en fait guère de signification, puisque l’effet du placebo varie en fonction de plusieurs facteurs : symptôme cible, présentation du placebo, personnalités du prescripteur et du malade, etc. De plus, cette discussion sur les chiffres dépend beaucoup de la conception que l’on a de l’effet du placebo. Du point de vue du pharmacologue qui tend par vocation à retenir essentiellement les données
possible, cherche à isoler un seul paramètre, les chiffres, sans doute, seront sensiblement plus faibles, car ce qui sera étudié sera obtenu dans une situation totalement artificielle, où le sujet de l’expérience qui sait qu’un effet placebo est recherché aura tendance à le minimiser, toujours pour ne pas perdre la face, passer pour un hystérique ou un imbécile . Du point de vue du clinicien qui prend en compte, de façon pragmatique, tout ce qui peut modifier l’action « normale » d’une drogue, en dehors des situations expérimentales, il est probable que l’effet placebo atteint facilement, voire dépasse largement ces chiffres.
L’effet placebo agit, bien entendu, sur les signes ressentis, mais il est également possible de le mesurer sur des paramètres objectifs, comme l’acidité gastrique, le diamètre pupillaire, le niveau de lipoprotéines, de globules blancs (éosinophiles, lymphocytes), d electrolytes, de corticoïdes, de glucose, de cholestérol contenu le sang, ou encore la tension artérielle. Contrairement à une idée répandue, ce n’est pas parce qu’un signe est objectif et mesurable qu’il est inaccessible à une action psychologique. On sait, par exemple, que le taux de cholestérol, outre de nombreux facteurs génétiques, alimentaires et sociaux, peut varier en fonction de la position (couché ou debout) du patient, mais aussi du contexte émotionnel du prélèvement. Il est probable que de nombreux traitements hypo-cholestérolémiants pourraient être évités si la prise de sang était effectuée dans des conditions correctes, puisque le fait detre étendu tranquillement depuis une demi-heure et de subir un prélèvement dans la position allongée peut faire chuter les chiffres jusqu’à 30 %.
Comme par hasard, ces 30 % d’influence émotionnelle représentent justement le score moyen d’efficacité du placebo. On peut facilement imaginer les conclusions de l’étude ouverte d’un hypocholestérolé- miant X : au début, les patients qui ne sont pas habitués aux conditions de la prise de sang et à l’infirmière attendent anxieusement, et debout, le coup de sonnette. Au fur et à mesure que l’étude avance, des liens plus chaleureux se créent, et les mêmes patients attendent désormais tranquillement, donc le plus souvent assis ou même couché, leur visiteuse. Sont ainsi réunies toutes les conditions propres à faire baisser le taux de cholestérol des sujets, sans que le médicament y soit pour rien. Mais à vrai dire que ferait une telle étude sinon confirmer d’anciennes observations ? De très anciennes observations…