La responsabilité ou la passivité des consommateurs
Il est clair que les déterminants de la consommation sont complexes et plus ou moins dominés par des motivations de nature diverse : la recherche de la santé à travers une bonne nutrition, le goût associé au plaisir, le prix et la commodité, les conditions de production, la sécurité, la dimension symbolique des aliments, l’information concernant les produits. A priori, tous ces déterminants existent et rendent l’interprétation de l’acte d’achat complexe. Cependant certaines tendances fortes pourraient avoir une influence déterminante sur l’évolution de la chaîne alimentaire.
Le scénario le plus favorable serait que, grâce à une information efficace et convaincante, la majorité des consommateurs adoptent un comportement actif pour prendre en charge leur alimentation dans le sens des recommandations les plus utiles. Dans ce cas, une demande importante pour des produits de bonne qualité organoleptique et nutritionnelle serait extrêmement favorable pour le développement d’une agriculture durable et une amélioration des transformations alimentaires. Dans cette hypothèse, les consommateurs sont prêts à passer plus de temps à cuisiner et ils sont relayés par de nombreuses offres de restauration de bonne qualité diététique. Dans la population, l’incidence des pathologies diminue très sensiblement, ce qui renforce dans la durée l’intérêt et l’adhésion des consommateurs pour des modes alimentaires réfléchis et sources de bien-être. Des comportements sociaux de gestion du plaisir moins primaires se développent et rendent les mangeurs moins sensibles à des leurres organoleptiques tels que les arômes ou le goût sucré et salé.
Le scénario opposé verrait les consommateurs devenir de plus en plus passifs et accepter de s’en remettre principalement à l’industrie alimentaire pour satisfaire leur besoin. Dans l’état actuel de l’offre en produits transformés, de leur trop grande richesse en calories vides, cette évolution serait particulièrement grave en termes de santé publique et sans doute en amont pour l’agriculture toujours plus soumise à une pression compétitive et donc contrainte à une démarche productiviste. Il est peu imaginable que l’industrie lève sa pression sur l’agriculture, par contre, sous l’influence de recommandations claires ou de nouvelles réglementations, on peut espérer une nette amélioration de la densité nutritionnelle des produits et donc un progrès réel par rapport à la situation actuelle. Il est peu probable que cela soit suffisant pour prévenir l’ensemble des troubles métaboliques provoqués par une forte disponibilité en produits prêts à consommer et une déstructuration des repas. Si la passivité alimentaire des consommateurs s’accompagne d’un degré plutôt élevé de sédentarité, la tendance aux trop fortes surcharges pondérales ne pourra que s’accentuer. Après les États-Unis, l’Europe et d’autres régions du monde en plein développement subiront de plein fouet l’épidémie mondiale d’obésité. La prévention de ce risque, comme d’autres dangers, mérite que le « consommateur » se mobilise.