La grippe: Que savait-on, à l'époque, de la maladie?
On en savait beaucoup et peu à la fois. Beaucoup, car l’aventure exaltante de l’essor de la microbiologie pasteurienne était encore à l’âge de l’enthousiasme, plus proche des contemporains de cette époque que la découverte de la pénicilline pour nous. Au cours de l’épidémie de grippe de 1889-1890, qui avait aussi été sévère, quoique sans commune mesure avec celle de 1918, Pfeiffer, en Allemagne, avait isolé une bactérie qui se révélait prédominante ou même unique dans les cultures effectuées à partir des poumons des victimes. C’est un bacille dont la culture nécessite la présence d’hémoglobine, poussant souvent en chaînettes ou même en longs filaments et dont les souches virulentes sont capables de s’encapsuler. Cette bactérie est pathogène pour le singe chez lequel elle peut provoquer expérimentalement une broncho-pneumonie ou une méningite et ces deux manifestations se rencontrent chez l’homme. Il était donc logique de penser que ce germe, nommé Bacille de Pfeiffer, puis Haemophilus influenzae était bien l’agent causal de la maladie. Cette théorie concordait assez bien avec les faits connus si ce n’est que l’on ne retrouvait pas le germe dans tous les cas de grippe, que l’évolution de la maladie qu’il causait était bien plus lente que celle de la grippe humaine véritable et que le germe ne manifestait pas de tendance épidémique bien caractéristique. Une bactérie analogue fut aussi isolée dans les cas de grippe porcine, sous le nom d’Haemophilus influenzae suis. Cette connaissance entraîna en 1918 la mise en œuvre de mesures prophylactiques destinées à lutter contre la transmission microbienne par voie aérienne, mesures qui devaient se révéler efficaces contre la diffusion de la maladie. En revanche, les essais de vaccination à l’aide de suspension de germes tués ne devaient pas donner de résultats favorables…
Il faudrait encore attendre une trentaine d’années pour cela avec un vaccin contenant du virus. En fait, les bactéries ne sont là que comme la conséquence de l’infection virale qui affaiblit les défenses de l’organisme. C’est ce qu’on désigne par l’expression «germes de sortie».