La double dévalorisation des aliments glucidiques
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors que les problèmes d’approvisionnement étaient enfin résolus pour une partie de l’humanité, un double processus de dévalorisation des aliments glucidiques, dont nous payons encore les conséquences, survint : le premier par le raffinage ou la purification trop poussés es produits végétaux, le second par une dépréciation du pain et es divers féculents parés d’une image d’aliments triviaux, de faible intérêt nutritionnel. Ainsi, à l’aube du xxie siècle, la problématique apparemment bien simple d’une bonne nutrition glucidique n’est toujours pas résolue. Bien que stabilisée, la consommation e sucre raffiné visible et caché (dépourvu de toute trace de minéraux et micronutriments) atteint des proportions irraisonnables e 10 à 20 % des apports énergétiques totaux, diminuant d’autant la densité nutritionnelle des régimes. À ce vide nutritionnel occasionné par le sucre, il faut ajouter la perte des trois-quarts de minéraux et de vitamines dans le raffinage des céréales. Cela signifie que 30 à 50 % de notre alimentation est artificiellement appauvrie en micronutriments et que les glucides n’apportent plus s composés nutritionnels qui leur étaient naturellement associés.
La situation est devenue encore plus caricaturale à la suite a développement d’une nouvelle industrie de transformation es céréales en amidon ou en sucres simples. En effet, il est possible de produire du glucose et du fructose à partir de l’amidon extrait des céréales, d’où l’abondance de ces sucres dans beaucoup d’aliments et de boissons. De plus, la production d’amidon à partir des céréales est devenue une industrie florissante, si bien que l’on retrouve ce glucide purifié dans beaucoup de préparations alimentaires.
Nous consommons une quantité insuffisante de glucides, et, selon certains avis, il serait même utile, dans ces conditions où l’offre est de piètre qualité nutritionnelle, d’en consommer encore moins pour prévenir les maladies métaboliques. On connaît le succès populaire aux États-Unis de la méthode du docteur Atkins qui préconise une forte réduction des apports de glucides. Une telle stratégie aboutit nécessairement à une impasse, à une quasi- impossibilité de gérer correctement la santé par l’alimentation. La limitation des apports en glucides, au-dessous de 45 % des apports énergétiques, impose des contraintes alimentaires et métaboliques anormales à l’organisme. Évidemment, il faut interrompre ce cercle vicieux, redonner une juste place aux aliments glucidiques pour bénéficier d’un approvisionnement en glucose avec un environnement nutritionnel (apport de micronutriments) qui facilite les régulations physiologiques et favorise un état de bonne forme et de bien-être.
Si notre alimentation en glucides est si mal gérée, si un développement aberrant de la production de glucides purifiés (des sucres simples jusqu’à l’amidon), de boissons et d’aliments sucrés a pu se produire, c’est à l’évidence dû à un manque de prise de conscience par les pouvoirs publics, les professionnels et les consommateurs, au caractère anormal de notre chaîne d’approvisionnement en glucides.
Compte tenu de la puissance de l’outil de production agricole et de transformation industrielle des denrées, une mauvaise perception des besoins nutritionnels provoque des conséquences insoupçonnées sur l’équilibre énergétique et nutritionnel des populations.
Le consommateur lui-même a cédé aux sirènes du plaisir sucré et s’est laissé persuadé du caractère trivial de la pomme de terre, du pain, des légumes secs, des pâtes et du riz. Moins il satisfait ses besoins en glucides par ces aliments de base riches en amidon (mais aussi en d’autres composés nutritionnels complémentaires lorsque la complexité des produits végétaux est préservée), plus il sera amené à chercher des produits de substitution souvent sucrés et associés à des matières grasses, ce qui contribue à déréguler sa prise alimentaire.
Alors qu’il a fallu des milliers d’années pour maîtriser les apports de glucides dont la valeur inestimable était représentée par la symbolique du pain, il aura suffi de moins de cinquante ans pour dégrader leur image, leur qualité et altérer leur consommation. Évidemment, il faut maintenant entreprendre un effort de valorisation de ces aliments de base dans la chaîne alimentaire et auprès du consommateur. Pour cela, il est nécessaire que la problématique des apports alimentaires en glucides, les spécificités de leur métabolisme soient beaucoup mieux comprises.