Interrogatoire alimentaire
Son but est d’établir un document objectif à partir duquel des conseils diététiques et thérapeutiques pourront être donnés. Il se heurte à deux écueils :
- La subjectivité du patient qui a souvent du mal à apprécier ses ingesta et qui parfois « triche » plus ou moins consciemment.
- La subjectivité de l’interrogateur qui doit interpréter — parfois en fonction de ses propres critères — les renseignements fournis par le patient.
C’est la raison pour laquelle un interrogatoire alimentaire ne peut fournir que des données très approximatives et les marges d’erreurs dépassent souvent 10 p. 100.
C’est aussi une des raisons pour lesquelles il est souhaitable que les interrogatoires alimentaires successifs soient faits par la même personne pour éviter de multiplier les causes d’erreur.
Buts de l’interrogatoire
L’interrogatoire alimentaire a des buts multiples :
Évaluation du niveau calorique global de la ration quotidienne. — C’est le but le plus évident.
Précisions qualitatives. — Elles sont apportées par l’interrogatoire, en plus de la donnée précédente, purement quantitative : répartition des différents nutriments, apport de calcium, de fer, rapport phosphocalcique, rapport protéines animales/protéines végétales, rapport acides gras saturés/acides
Recherche d’erreurs alimentaires. — L’interrogatoire doit chercher .1 les mettre en évidence : erreurs dans l’horaire, dans la répartition journalière, dans l’adjonction de boissons alcoolisées.
Appréciation de la charge affective du repas. — Elle doit élu recherchée chez le patient interrogé. En effet, comme l’a bien indiqm J. Trémolières, le repas est un moment privilégié de l’existence, où leu relations avec autrui sont facilitées, où la chaleur humaine trouve plu-, facilement à s’exprimer. Il y a donc lieu de chercher à savoir la place que tient l’alimentation dans la vie relationnelle de la personne conco née.
Nos apports alimentaires sont, le plus souvent, très changeants d’un jour à l’autre. C’est pourquoi un interrogatoire alimentaire doit porti’i sur une période suffisamment longue pour que les variations s’annulenl et que la moyenne obtenue soit le reflet le plus proche possible de la ration alimentaire.
Méthode proposée :
1. interrogatoire ponctuel. — Il aura lieu dans un premier temps cl sera en quelque sorte un « instantané » du régime. Par exemple « Dites-moi ce que vous avez mangé hier? » Bien sûr, on peut tomber sur une journée exceptionnelle :
- exceptionnelle en plus : repas d’anniversaire, cocktail, etc…
- exceptionnelle en moins : repas de midi « sauté » pour faire les magasins,…
Mais cet interrogatoire a deux avantages :
- il fait appel à des faits récents, donc assez précis;
- il habitue le patient à ce type de questionnaire.
2. interrogatoire diététique. — Il suivra l’interrogatoire ponctuel cl portera sur l’alimentation d’une semaine, en rapportant les divers plats .1 une consommation journalière. Par exemple, si le patient consomme 150 g de pâtes trois jours par semaine et 200 g de haricots verts les quatre autres jours, on fera comme si, chaque jour, il absorbait 70 g de pâtes et 120 g de haricots verts.
Cet interrogatoire sera dans un premier temps aussi peu directif que possible, en se contentant de recueillir les dires du patient. Tout au plus l’aidera-t-on à apprécier le poids des rations, on peut ainsi proposer les notions de : un bol, une louche, tout le fond d’une assiette plate… que nous aurons ensuite à transcrire en poids correspondant.
Ensuite ce premier recueil sera complété :
- en faisant préciser certains plats; leur fréquence respective dans la semaine;
- en interrogeant sur la prise d’assaisonnements complémentaires : sauces, mayonnaise, beurre, etc…
- en demandant si les aliments utilisés à la poêle ou en cocotte sont additionnés de peu ou de beaucoup de corps gras et surtout si la « sauce » ainsi obtenue est ingérée ou écartée;
- en cherchant la notion de prises alimentaires entre les repas : » casse-croûtes », goûter, biscuits, fruits, bonbons, café (en précisant Hicré ou non)…
- en faisant préciser la quantité et la nature des boissons ingérées : vin, cidre, bière, apéritifs et alcools (dont les calories sont toujours c omptabilisées à part), jus de fruits, sodas, « coca-cola » et autres produits dont la teneur en sucre est souvent très importante.
La liste des produits sera ainsi dressée de façon à pouvoir, sur chaque hune afficher la teneur respective en protides, lipides et glucides et obtenir ensuite le niveau calorique global .
Deux principaux écueils, parfois voulus, parfois bien involontaires, sont à éviter :
- Le sujet obèse a souvent tendance à minimiser l’évaluation de ses prises alimentaires, soit parce qu’il est « gêné » de se reconnaître « gros mangeur », soit parce qu’il croit, de bonne foi, manger comme les autres…
- A l’inverse, le sujet maigre, et surtout dénutrition, surévalue scs ingesta, disant sincèrement « manger à sa faim »… Seulement sa faim esl modeste, il est vite rassasié. C’est pourquoi l’interrogatoire alimentaire doit tenir compte non seulement de la nourriture qui est proposée au patient, mais plutôt de ce qui est effectivement ingéré, c’est-à-dire après déduction des restes.
Rappelons l’intérêt de bien faire préciser non seulement l’aliment choisi, sa quantité, mais aussi son mode d’assaisonnement ou les produits qui y sont ajoutés :
- Ainsi 100 g de radis seuls n’apportent que 20 Cal; avec 30 g de pain et 10 g de beurre, la note s’allonge à… 164 Cal!
- Un steak de 150 g au grill seul apporte 100 Cal par ses protides et 180 Cal par les lipides de constitution, soit 280 Cal. Poêlé à l’huile et garni de 30 g de sauce béarnaise, le niveau calorique double!!
Le banal sandwich au jambon-beurre arrosé d’un demi de bière apporte 450 Cal plus 30 Cal alcooliques.
En conclusion, un interrogatoire alimentaire demande du temps :
- pour gagner la confiance du patient et lui faire comprendre ce que l’on attend de ses réponses;
- pour recouper les renseignements par de nouvelles questions plus précises sans prendre le ton de l’inquisition;
- pour l’abord psychologique du patient, pour tenter de comprendre et d’expliquer un certain nombre d’erreurs alimentaires.