Influence de l'alimentation sur le cerveau
Naturellement, les influences génétiques et prénatales continuent à façonner le cerveau. Mais elles ne déterminent pas toute notre destinée. D’autres éléments sont aussi importants pour notre fonction mentale.
« Les gènes sont les briques et le mortier nécessaires à la construction d’un cerveau. L’environnement est l’architecte », rappelle Christine Hohman, spécialiste de neuroscience au Kennedy-Krieger Institute de Baltimore. Même si tous les chercheurs ne sont pas tout à fait d’accord sur les chiffres, environ 30 % de nos capacités seraient déterminées par nos gènes. Et les 70 % restants ? Par nous- mêmes ! (Sans oublier nos parents, notre milieu, bref, tout ce qui constitue notre mode de vie…)
Au-delà de ce patrimoine commun que nous partageons tous plus ou moins et qui finit par constituer notre part d’inné, il est de plus en plus clair que notre cerveau dépend ainsi de notre apprentissage, de notre environnement et… de notre alimentation. Car si les études se ressemblent et concordent pour mettre en valeur l’importance de cette dernière, elles sont peu suivies de recommandations. Comme si quelque chose de si trivial – le contenu de notre assiette – ne pouvait pas interférer sur les hautes sphères de nos pensées, de nos émotions, de notre potentiel mental. C’est pourtant le cas.
« La structure et le fonctionnement du cerveau, comme ceux de notre cœur, changent, s’améliorent ou se détériorent selon l’alimentation de la personne, les médicaments qu’elle prend et l’exercice qu’elle fait, précise la spécialiste américaine de nutrition, Jean Carper. C’est un organe d’une plasticité étonnante qui croît, rétrécit et change de forme en fonction des circonstances. » Et en particulier de ce que l’on mange.
Ainsi, plus on progresse dans les recherches, moins le cerveau apparaît comme un organe immuable. Au contraire ! Les cellules cérébrales ne cessent de se transformer, de se mouvoir, de créer ou de perdre de nouvelles dendrites et de nouveaux récepteurs, de fabriquer de nouvelles synapses (les points de jonction entre les cellules du cerveau)… Tout ce petit monde semble être en bouillonnement permanent : heureusement pour nous, car plus les connexions entre les cellules nerveuses sont nombreuses et efficaces, mieux elles peuvent transmettre et traiter l’information, ce qui se traduit par une amélioration de nos fonctions mentales. Or, nous savons maintenant comment multiplier de telles connexions par l’alimentation, les compléments alimentaires, l’activité physique et bien sûr mentale. Pourquoi s’en priver ?
Ce n’est que dans les années 1970 que les chercheurs ont commencé à comprendre que le cerveau pouvait être ainsi sensible aux fluctuations de l’alimentation. Ils ont d’abord remarqué que la composition du cerveau des animaux de laboratoire était différente selon la nourriture qu’on leur donnait : le cerveau de ceux qui suivaient un régime riche en sucres contenait davantage de sérotonine, le cerveau des animaux qui suivaient un régime riche en protéines plus de dopamine… Comme ces taux évoluaient en fonction de ce que les animaux mangeaient, ils se sont alors demandé si la nutrition ne pouvait pas avoir le même pouvoir chez nous, les humains. Au point d’influencer notre comportement, sachant que les neurotransmetteurs ainsi touchés ont un rôle déterminant sur notre équilibre, agissant sur notre état de veille, de sommeil, notre appétit, notre humeur, notre bonheur et notre sexualité.
Et toutes les premières études réalisées sur l’être humain allèrent dans le même sens : que ce soit en milieu scolaire, en faculté ou en prison, une évolution radicale de l’alimentation vers des règles de bon sens qui n’avaient d’ailleurs rien de révolutionnaire entraîna des changements de comportements, une baisse de l’agressivité, une amélioration des résultats scolaires, une socialisation facilitée.
On a ensuite cherché à expliquer une telle influence de l’alimentation en se penchant évidemment sur la physiologie du cerveau. Et les chiffres en eux-mêmes
étaient déjà assez éloquents. Au repos, le cerveau adulte consomme près de 20 % des calories alimentaires ingérées et 20 % de l’oxygène respiré. Il ne représente pourtant que 2 % du poids de notre corps. C’est dire s’il est important et prioritaire pour l’organisme qui lui réserve ainsi une telle proportion de son énergie… Chez les enfants, ce chiffre est encore plus impressionnant, pour culminer à 60 % chez les nourrissons. Le cerveau semble bien avoir des impératifs et des besoins spécifiques, qu’il convient de satisfaire pour ne pas se retrouver en panne… d’idées, d’inspiration ou de concentration.
Les progrès inouïs de l’imagerie cérébrale ont aussi permis d’observer l’évolution du cerveau, lorsqu’il est carencé en vitamines par exemple, et parallèlement d’évaluer les changements de performance et de comportement que cela entraînait. On peut également visualiser la quantité de sang qui se rend jusqu’aux diverses régions du cerveau et donc la quantité d’énergie utilisée – par transformation du glucose – pour réaliser une action donnée. En toute logique, la plupart du temps, plus la circulation du sang et la consommation de glucose sont élevées, plus le cerveau travaille fort. Les expériences ont ainsi pu montrer qu’un cerveau plus âgé devait travailler de manière plus intense qu’un cerveau jeune (et donc consommer davantage d’énergie) pour accomplir une même tâche…
Autant d’études et de tests réalisés dans le monde entier (surtout dans les pays anglo-saxons) grâce auxquels on sait aujourd’hui qu’il est possible et même envisageable d’agir sur son cerveau. Avec efficacité. Il est aujourd’hui possible d’en tirer quelques leçons. Alors, s’il ne s’agit pas de faire de chacun d’entre nous des prix Nobel, l’objectif est ici de porter une attention plus soutenue aux besoins de cet organe trop méconnu afin d’utiliser son potentiel de manière optimale, voire de remédier aux petits défauts de concentration, trous de mémoire et autres coups de fatigue qui peuvent nuire à son bon fonctionnement.