Glucides et santé, des progrès majeurs à réaliser
Le développement humain a sans doute été fortement lié à celui des ressources en glucides. Longtemps cette disponibilité fut insuffisante, et paradoxalement les problèmes nutritionnels actuels concernant les apports glucidiques ne sont toujours pas résolus. Pourtant, il n’existe plus d’obstacles scientifiques, technologiques, économiques notables à la résolution de ces problèmes.
L’homme a, en effet, un besoin particulièrement élevé en glucose pour satisfaire ses dépenses énergétiques. Son cerveau en consomme environ 120 g par jour. C’est aussi le carburant énergétique de nombreux tissus : cellules sanguines, intestin, cœur, poumons, muscles, peau. Même si les acides gras issus des lipides peuvent être utilisés par les muscles dans les efforts de longue durée, le glucose reste une source essentielle d’énergie pour l’effort musculaire et pour l’ensemble de l’organisme. Le besoin en glucose est si impérieux qu’il est souvent ressenti physiquement par chacun d’entre nous, lorsque la glycémie s’abaisse au-dessous de 0,8 g/l. Heureusement, l’organisme peut éventuellement pallier les irrégularités des apports digestifs en fabriquant du glucose à partir du glycogène, ou à partir d’autres composés tels que les acides aminés. Le besoin en glucides est donc plus proche de 60 % de l’énergie totale ingérée que du chiffre de 50 % souvent cité. Cela représente, pour une dépense calorique moyenne, une ingestion de glucides (en équivalent glucose) de plus de 300 g par jour.
La difficile quête des glucides
Chez les chasseurs-cueilleurs
Actuellement, il est bien facile de se procurer le pain, les pâtes, le riz, les lentilles, les pommes de terre, les bananes et le sucre pour satisfaire pleinement ce type de besoins en glucides. [1 n’en a pas toujours été ainsi. Le monde végétal dans lequel ont évolué nos ancêtres chasseurs-cueilleurs était sûrement bien pauvre en glucides assimilables. Les espèces animales, même herbivores, n’ont jamais su digérer en glucides simples les parois cellulosiques des végétaux. Les feuilles, les baies, les racines, les tiges, consommées par les chasseurs-cueilleurs, contenaient quelques sucres solubles, mais leur teneur en glucides assimilables était bien insuffisante pour nourrir nos ancêtres primates 2t répondre à un besoin accru de glucose au fur et à mesure que [a taille du cerveau s’élevait. Il existait sûrement quelques graines ou d’autres organes végétaux qui contenaient de l’amidon, mais ce polymère de glucose, le seul que l’on sache digérer, le glucide le plus adapté à la physiologie humaine, était bien rare avant le développement de l’agriculture. Il est probable que certains amidons n’étaient même pas digestibles, comme les tubercules de l’ancêtre de la pomme de terre que les premiers habitants d’Amérique du Sud ont pu déterrer. Paradoxalement, nos chasseurs- cueilleurs avaient donc la plus grande difficulté à nourrir leur cerveau à partir des énormes ressources végétales environnantes. Un statut végétarien strict n’aurait pas permis aux primates d’évoluer, de disposer d’une pléthore suffisante de glucose, d’acides aminés et d’acides gras nécessaires au développement de la taille du cerveau. La pratique de la chasse et de la pêche a joué an rôle déterminant pour augmenter la fourniture des acides gras essentiels (à très longue chaîne), indispensables à l’élaboration du tissu cérébral bien que ces acides gras du cerveau puissent aussi être synthétisés à partir d’acides gras précurseurs d’origine végétale. Cependant, la disponibilité en glucides assimilables a dû longtemps être un frein à l’évolution des ancêtres de l’homme. Dans ces conditions, les hommes préhistoriques avaient un régime très riche en protéines, el le glucose provenait de la conversion des acides aminés par un processus qui est appelé la néoglucogenèse. Cette situation de carnivore forcée correspond à des adaptations métaboliques proches du jeûne et accélère fortement le vieillissement des organismes.
Les progrès de l’agriculture
Le passage à l’agriculture, qui a commencé quelque dix mille ans avant J.-C., a permis de disposer de ressources glucidiques, principalement de l’amidon, totalement inhabituelles pour l’organisme humain. En théorie, la disponibilité de nouvelles sources de glucose fut un grand avantage pour la nutrition cérébrale mais aussi pour ralentir la néoglucogenèse à partir des acides aminés, diminuer les besoins de viande et placer l’organisme dans un mode de fonctionnement plus satisfaisant et plus favorable à la longévité. En réalité, la stabilisation de l’habitat, la réduction du territoire de vie contribuèrent sans doute à créer des problèmes nutritionnels nouveaux en diminuant la diversité des ressources disponibles.
La disponibilité en aliments glucidiques, à la suite de la culture des céréales, a été la préoccupation de tous les peuples pour leur survie. Les produits céréaliers permettent une bonne couverture des besoins nutritionnels de l’homme, si bien qu’une large majorité des peuples a bâti son développement agricole et agroalimentaire sur cette ressource. Longtemps les récoltes furent irrégulières, les famines fréquentes et les ressources en céréales, une source de spéculations. Ces dernières sont encore une arme géopolitique déterminante. Dans les populations européennes, le fait de ne disposer principalement que de céréales comme source de glucides constituait un système bien fragile. En France, les habitants se nourrissaient principalement de pain, et son manque récurrent fut à l’origine de nombreuses famines et de révoltes dont la plus célèbre est la Révolution française.
Notre Parmentier comprit le bénéfice évident de disposer d’une autre source de glucides pour s’affranchir des aléas des récoltes céréalières. Dans certains pays, la pomme de terre en vint même à supplanter les céréales pour assurer la nourriture des populations, mais les très mauvaises récoltes de ce tubercule, atteint de brunissure au milieu du xixe siècle en Irlande, provoquèrent une famine terrible et l’émigration d’un million et demi d’Irlandais vers le continent américain. D’autres populations, ans le pourtour de la Méditerranée, ont bénéficié de la culture des légumes secs ou des châtaigniers pour pallier les insuffisants des récoltes de céréales ou de pommes de terre.
Au cours des deux cents dernières années, l’autre bouleversement dans l’approvisionnement en glucides fut provoqué par le développement de l’industrie sucrière à partir de la betterave à la suite du blocus continental destiné à maîtriser l’expansionnisme napoléonien. Rien ensuite n’arrêtera l’homme dans cette recherche effrénée d’une forte disponibilité en glucides. La sélection irritable, les progrès de l’agronomie, un usage intensif d’engrais et e pesticides permirent d’accroître de façon considérable les rendements en céréales, en pommes de terre, en betteraves sucrières.