Est-il vrai que l’on perd 21 grammes à l’instant même de sa mort ?
Un film d’Alejandro Gonzalez Inârritu, 21 Grammes, est sorti le 21 janvier 2004 sur les écrans français. La presse glosa surtout sur son titre; depuis lors, nous «savons» que le corps perd 21 grammes à l’instant même de la mort…
L’idée est pourtant ancienne. Elle a été popularisée en 1907 par un médecin américain, Duncan McDougall. Convaincu de l’existence de lame humaine, le praticien décida de monter une expérience afin de la caractériser. Si une âme existe, elle doit occuper un espace, donc représenter une masse, postulait le médecin. Et, si elle a un poids, celui du corps diminuera d’autant au moment du décès. McDougall entreprit donc de peser des moribonds sur leur lit de souffrance. À titre de comparaison, il procéda de même avec des chiens, théoriquement dépourvus d’âme. Conclusion du bon docteur: au moment de la mort, une perte soudaine de masse est mesurable chez l’homme. Il l’évalua à 21,3 grammes. Immédiatement, ce résultat fit le tour du monde. Pourtant, l’expérience de McDougall était entachée d’innombrables biais qui en limitaient de beaucoup l’intérêt scientifique. Le fait même que le docteur ait présupposé l’existence de l’âme suffit à invalider sa démarche, la perte de masse qu’il observa, et qui n’était pas explicable dans l’état des connaissances de l’époque, ne pouvant être expliquée autrement…
Curieusement, l’expérience n’a jamais été reconduite. Personne ne sait donc si l’homme perd véritablement 21,3 grammes au moment exact de son trépas. Ce n’est pas impossible. Peut-être cette masse très faible, l’équivalent d’une barre chocolatée, correspond-elle à l’eau du corps que la brusque montée de température survenant à l’instant de la mort (le sang ne circulant plus) parvient à évaporer. Pour en être sûr, il faudrait enfermer un agonisant dans une pièce hermétique, l’empêcher de bouger, éviter que tout ce qu’il perd de façon certaine (urines, fèces, cheveux, pellicules, morceaux de peau notamment) influence la pesée… et peser ensuite avec une marge d’erreur acceptable.
Cette expérimentation ne semble pas susciter beaucoup d’enthousiasme dans le monde de la recherche clinique. Après tout, peu importe: si vous croyez à l’âme, quelle importance revêt son poids? À moins que vous ne souhaitiez convaincre les incroyants de l’existence de lame humaine, comme le bon docteur McDougall…