Digestion colique
Dernière étape de la digestion, elle va modifier et concentrer l’effluent iléal pour former une selle consistante, de volume modéré, et permettre tics défécations espacées.
Ces modifications sont dues à deux grandes fonctions :
- un important mouvement d’eau et d’électrolytes,
- un achèvement de digestion des résidus nutritifs par la flore bactérienne.
1. Motricité :
Elle est différente suivant le segment considéré :
- Le cœco-ascendant. – Il a une fonction de mixtion. En effet, il forme une pochc de vaste diamètre où se déverse le contenu iléal : celui-ci s’écoule en suivant les prises alimentaires successives, et respecte la chronologie des repas. Le cœco-ascendant, doué de puissantes contractions annulaires et d’une succession de mouvements péristaltiques et antipéristal- liques, brasse ce contenu encore fluide, de sorte que les débits iléaux successifs sont mélangés et que la chronologie prandiale n’est plus respectée dans la traversée colique. Dans cette portion débute la déshydratation du bol fécal.
- Le transverse et la partie supérieure du côlon gauche. — Ils sont soumis à des contractions lentes et à des mouvements péristaltiques pour la plupart de faible amplitude. Ce n’est que de rares fois, chaque jour, que de longs et puissants mouvements péristaltiques animent la quasi- totalité du cadre colique. Le bol fécal poursuit sa déshydratation et devient consistant.
- Le côlon iliaque et le sigmoïde. — Ils sont le lieu où se parfait la selle définitive qui se moule au calibre du sigmoïde.
Quand celui-ci est plein, le processus de défécation se déclenche : l’anse sigmoïde se redresse (grâce à son méso) et se met dans l’axe de l’ampoule rectale. La contraction péristaltique du sigmoïde projette dans l’ampoule rectale vide entre les défécations le boudin fécal et soumet l’ampoule rectale à une surpression qui déclenche l’envie d’aller à la selle.
Si la volonté le permet, on assiste alors au relâchement des différents sphincters de l’anus, à la contraction des releveurs de l’anus, qui, joints à une poussée abdominale volontaire, entraînent l’expulsion de la selle.
2. Mouvements hydro-électrolytiques dans le côlon :
Les 1 500 ml déversés chaque jour par l’iléon se transforment en 150 g (en moyenne) de matières fécales. Le côlon concentre donc dix fois son contenu.
- Comme toujours, les mouvements d’eau sont réglés sur ceux du sodium. C’est-à-dire que le côlon est capable d’absorber du sodium, par un phénomène actif, même contre un fort gradient de concentration.
Par contre, à la différence du grêle, cette absorption active du sodium n’est pas influencée par le glucose ou les acides aminés. Elle est influencée au contraire par :
- l’aldostérone et l’angiotensine qui accroissent la résorption,
- la spironolactone et l’hormone anti-diurétique qui réduisent la résorption.
- Le potassium subit dans le côlon des mouvements passifs qui aboutissent (en tenant compte des variations de concentration de la selle de droite à gauche) à une forte sécrétion de potassium à droite, à une légère réabsorption à gauche de telle sorte qu’au total la selle s’est généralement enrichie en potassium au cours de sa traversée colique.
- Le chlore est très réabsorbé par le côlon, pour partie avec le sodium, pour partie par échange avec les bicarbonates. En effet, il y a une forte production de bicarbonates dans le côlon : partie par échange avec le chlore, partie par le résultat du métabolisme des bactéries; mais une forte proportion est réabsorbée dans le côlon gauche.
3. digestion bactérienne :
La muqueuse colique ne possède aucune sécrétion enzymatique, sa seule sécrétion est celle du mucus des glandes de Lieberkühn. Or le côlon poursuit la digestion des éléments nutritifs non absorbés par le grêle. Ce rôle est dévolu à des « locataires » : les bactéries aérobies et surtout anaérobies contenues dans le côlon.
Généralités sur les bactéries : La flore colique est innombrable : mille milliards de germes par ml dans la selle du côlon gauche…
Fait remarquable, chez l’homme sain, non soumis à des thérapeutiques, cette flore est remarquablement stable : stable en nombre par ml et stable dans les différentes variétés représentées. Bien plus, les variations du régime sont sans effet sur la flore, sauf en cas de régime très sélectif poursuivi très longtemps. Quelques germes sont fort bien connus (lactobacilles, clostridies, colibacilles…) mais la majorité, des bactéroïdes, ont des caractéristiques beaucoup moins bien répertoriées.
Flore colique et glucides : Il parvient au côlon de nombreux résidus glucidiques :
- soit que les capacités d’absorption du grêle aient été dépassées (ce qui est rare),
- soit qu’il s’agisse de sucres simples pour lesquels le grêle ne possède pas l’équipement enzymatique nécessaire,
- soit surtout qu’il s’agisse de composés glucidiques volumineux ou complexes qu’aucun étage du tube digestif n’a pu attaquer. Tels sont les gros amas d’amidon insuffisamment cuits et intracellulaires, les celluloses et hémicelluloses des aliments végétaux.
Ces glucides vont faire l’objet dans le côlon droit d’une fermentation par une flore dite « iodophile » (du fait de ses affinités tinctoriales au laboratoire). Les produits de dégradation seront : CO2, Hydrogène, acides lactique, pyruvique, butyrique…
Au fur et à mesure que la selle progresse vers le côlon gauche, la flore iodophile est détruite au profit d’une flore de putréfaction, de telle sorte que les selles ne contiennent que très peu de flore iodophile.
Flore colique et protides : Les résidus protidiques soumis à la digestion colique ont quatre origines :
- excès de protides alimentaires parfois,
- sécrétions des portions distales du tube digestif ayant échappé à la réabsorption du grêle,
- constituants protidiques des corps microbiens morts de la flore colique qui représentent une masse considérable (14 % du poids sec des selles),
- enfin l’urée plasmatique qui vient au contact de la muqueuse colique.
Les trois premières sources donnent lieu, surtout dans le côlon gauche, à des phénomènes de putréfaction. Les corps produits sont variés : CO2, NH3, histamine, tyramine, putrécine, cadavérine, indol, scatol…
L’urée contenue dans la paroi colique peut être dissociée par l’uréase que produisent certaines bactéries, avec formation de CO2 et de NH3, ce dernier radical étant repris par voie sanguine.
Autres fonctions bactériennes :
- Certaines bactéries peuvent modifier les sels biliaires . Certains de ces sels, hydroxylés, ont les effets de l’acide ricinoléique, et ont des propriétés laxatives. Ils sont insuffisants chez le sujet normal pour provoquer des troubles.
- D’autres bactéries pourraient se comporter comme des carcinogènes et leur taux serait effectivement plus élevé chez les sujets atteints de cancer colique, la prédisposition au cancer étant alors liée à la présence dans le côlon de la bactérie responsable.
- Enfin un tiers de la population héberge une variété de germes capable de produire du méthane à partir des dérivés glucidiques.
On voit donc que le côlon, malgré son absence d’équipement enzymatique propre, joue un rôle non négligeable dans l’achèvement de hi digestion normale.