Dénutritions protéiques
Les dénutritions protéiques comportent une diminution de la masse de protéines-enzymes dans divers organes qui s’accompagne d’une détérioration de la plupart des performances physiologiques.
Les dénutritions sont soit d’origine endogène, par catabolisme ou malabsorption, soit d’origine exogène par carences d’apport, soit mixtes.
Par exemple, la dénutrition protéique qui peut se produire à l’occasion d’une intervention chirurgicale a souvent une double origine :
- augmentation des besoins liée au stress de l’intervention ;
- mais surtout carence d’apport quand la période de jeûne préopératoire et postopératoire se prolonge.
Pour les dénutritions d’origine endogène il y a fréquemment anorexie secondaire, donc carence d’apport.
Cas particuliers du Sida : au cours du Sida, la dépense énergétique de base est très augmentée, même en dehors des infections opportunistes. Or, le pronostic vital est fonction de la dénutrition : il est donc indispensable d’essayer d’augmenter les rations caloriques et protéiques d’au moins 20 % par rapport au niveau des besoins habituels. Lorsque cela n’est pas possible, soit du fait de l’anorexie, soit par suite de l’état du tube digestif haut, il faut compléter le traitement par l’alimentation parentérale.
Il en est de même dans les cancers : pendant une chimiothérapie, il est indispensable d’assurer la ration protéique, au besoin par voie parentérale, en y associant une supplémentassions poly vitaminique parentérale, et en insistant sur la vitamine C.
Rappel physiologique
L’organisme ne contient pas de réserve protéique et ne contient de réserves glucidiques que pour quelques heures. Par contre, les réserves lipidiques constituent un réservoir énergétique permettant d’assurer les besoins de l’organisme pendant plusieurs semaines chez un sujet non amaigri et de morphologie habituelle : pour un sujet de 70 kg, il y a quelques dizaines de g de glycogène hépatique, quelques centaines de g de glycogène musculaire, dont on sait que la mobilisation pour les besoins de l’organisme n’est que partielle, une dizaine de kg de graisses de réserve qui correspondent approximativement à 80 000 calories mobilisables, 25 à 30 kg de masse cellulaire (quantité variable avec la musculature surtout), ce qui correspond approximativement à 6 kg de protéines et à 1 kg d’azote protéique ; ce qui est très peu.
Aussi, la diminution de l’apport protéique aboutit à une autophagie. Chez un sujet initialement fort mangeur de protéines, par exemple 100 g/j., une suppression de l’apport protéique aboutit en une dizaine de jours à la mobilisation de toutes les protéines disponibles, réalisant une dénutrition protéique grave alors que l’aspect du sujet demeure floride car ses réserves énergétiques n’ont été que peu entamées.
L’apport de 150 g de glucose par jour est suffisant pour couvrir les besoins énergétiques des organes glucodépendants tels le cerveau, les hématies, la médullaire rénale ; les besoins énergétiques des autres organes sont couverts par les réserves adipeuses. Si l’apport glucidique était < 150 g, il en résulterait un catabolisme protéique additionnel destiné à la néoglucogenèse. Lorsque ce besoin glucidique a été couvert, l’ampleur du déficit protéique dépend du niveau habituel des apports protéiques et de la durée du jeûne protéique.
Chez un mangeur moyen et pour des périodes inférieures à 5 jours, le déficit est de l’ordre de 250 g et il est couvert par la mobilisation des protéines provenant de compartiments protéiques à renouvellement rapide (foie, tube digestif, organe lymphoïde). Si la réalimentation protéique a lieu alors, la teneur protéique de ces organes se reconstituera en 2 à 3 semaines.
Si le jeûne protéique se prolonge au-delà de 5 jours, les organes à renouvellement rapide auront perdu la moitié de leur teneur totale en protéines ; malgré la persistance d’une masse musculaire encore importante, et du fait du renouvellement très lent des protéines musculaires, l’organisme se trouvera en état de dénutrition protéique, et mettra en place des mesures d’économie protéique d’urgence qui comprennent :
- l’arrêt de la synthèse des polynucléaires ;
- l’arrêt de la synthèse des anticorps (ces deux facteurs aboutiront à une diminution brutale de la résistance aux infections) ;
- surtout, un arrêt de toute cicatrisation qui aboutira dans les jours suivants au lâchage des sutures superficielles et profondes si le patient vient de subir une opération.
Diétothérapie
Principes
- La diétothérapie sera mise en route à la suite d’un bilan appréciant la part respective de la dénutrition énergétique et de la dénutrition protéique.
- L’apport protéique et calorique sera progressivement croissant jusqu’à atteindre des taux supérieurs à 2 500 calories et 125 g de protéines par jour.
- Même quand l’alimentation orale ou entérale est impossible, il faut apporter 150 à 200 g de glucose en perfusion pour éviter la néoglucogenèse qui aggraverait la dénutrition protéique, et au moins 50 g d’acides aminés.
- L’apport potassique sera abondant ; en effet, il faut fixer 5 mEq de potassium lorsqu’on incorpore dans les tissus 1 g d’azote.
Modalités pratiques
Sauf mention contraire, les modalités pratiques vont être celles à employer à l’occasion d’une intervention chirurgicale.
Avant d’établir le régime, il faut obligatoirement procéder à un bilan pour évaluer l’état nutritionnel, qui repose sur :
- L’appréciation des réserves adipeuses:
– si le sujet a un pannicule adipeux abdominal sous-cutané >1cm, son corps contient plus de 10 kg de graisses, et il n’existe aucun besoin urgent d’apport énergétique ;
– si par contre, il a un pli cutané abdominal ^ 1 cm, qu’il s’agisse soit d’un sujet habituellement maigre, soit d’un sujet amaigri, la couverture énergétique deviendra un problème urgent afin d’empêcher que la masse protéique déjà appelée à couvrir le besoin protéique ne devienne aussi une source d’énergie, ce qui l’épuiserait très vite.
L’impédancemétrie (voir diagnostic de l’obésité) est un examen indispensable pour l’appréciation des dénutritions : elle permet une estimation fiable de la masse protéique et de la niasse grasse.
- L’appréciation de la dénutrition protéique
On jugera d’une telle dénutrition protéique non pas sur une hypoprotéinémie sanguine globale, signe très tardif, mais :
– sur certaines protéines plasmatiques, à demi-vie courte ou moyenne, qui sont des marqueurs classiques (telles la préalbumine, l’albumine, le Rétinol-Banding Prolcine). Même ces marqueurs sensibles peuvent être normaux si la dénutrition protéique a été progressive (anorexie mentale) ;
– sur la fonte des masses musculaires, à apprécier surtout au niveau du quadriceps et du biceps ;
– sur l’anamnèse apprenant que l’apport protéique n’a pas été assuré depuis des jours, voire des semaines ;
– sur les dosages de l’azote urinaire des 24 heures, et de l’azote uréique des urines de 24 heures qui donnent une approximation suffisante du bilan d’azote ;
– sur le dosage de la 3-méthyl-histidine, qui renseigne sur le catabolisme musculaire mais il faut alors un régime dépourvu de 3-méthylhistidine.
- L’interrogatoire alimentaire
L’appréciation de la dénutrition protéique repose sur l’interrogatoire alimentaire. Il – est donc essentiel d’apprécier le niveau protéique initial et le niveau protéique depuis le début de la maladie, car plus il était élevé, plus le turn-ovcr protéique sera important.
Quand l’alimentation par la bouche est impossible ou l’anorexie très importante, ou la réalimentation urgente, on commencera la réalimentation par une réalimentation entérale à faible débit continu par sonde nasogastrique, de gastrotomie, ou de jéjunostomie, plus ou moins associée à la réalimentation parentérale.
Vidéo : Dénutritions protéiques
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