Composer avec les émotions négatives: la pensée positive?
À la parution de La pensée qui soigne, plusieurs ont cru qu’il s’agissait d’un livre traitant de la pensée positive. La pensée que j’ai qualifiée de soignante est plutôt celle qui nous aide à métaboli- ser les émotions négatives pour retrouver un état de bien-être. Les connaissances scientifiques concernant le contrôle de nos sentiments me permettront ici de préciser ma pensée en comparant la «pensée positive» avec la «pensée qui soigne», celle de l’imaginaire. Nous verrons de quelle manière chacune compose avec un sentiment pénible et quel pouvoir elle a sur l’émotion.
Qu’est-ce que la «pensée positive»?
Depuis quelques années, plusieurs livres ont exposé la philosophie de la pensée dite positive. Selon celle-ci, nos pensées reflètent nos convictions profondes, elles nous forgent et orientent note destinée. Tout ce qui nous arrive est imputable aux croyance?que nous entretenons à notre sujet. Cette idée n’est pas nouvelle. L’observation quotidienne montre en effet que les pensées dominantes d’un individu reflètent son état émotionnel et que celui-ci influence sa façon de réagir au monde. Par exemple, si quelqu’un est persuadé de son incapacité à réussir, il hésitera avant de se lancer dans des actions, ses doutes et ses peurs le rendront susceptible de commettre des erreurs et il aura tendance à cumuler les échecs. À l’inverse, un individu confiant et décidé avancera dans ses projets sans hésiter et réussira dans ses entreprises. Une personne souvent triste aura tendance à voir le côté négatif des choses, à trouver la vie terne et inutile et les divers événements qu’elle vivra auront toutes les chances de lui donner raison. Au contraire, une personne plus optimiste verra dans toutes les situations qui se présentent des occasions pour trouver la vie belle et il y a fort à parier que tout ce qui lui arrive la confirme dans son sentiment. Les neurosciences, grâce aux nouvelles technologies qui permettent de mieux comprendre l’activité cérébrale, apportent du crédit à ces observations en montrant que tout état mental, conscient ou inconscient, entraîne une modification de l’état physiologique de l’organisme, et que, réciproquement, tout changement physiologique influe sur l’état émotionnel.
Ces observations quotidiennes ont donné naissance à un courant de pensée qui veut que l’on crée volontairement son destin selon l’attitude que l’on cultive face à la vie. En conséquence, ce mouvement valorise l’adoption en soi d’une «pensée positive» où dominent l’optimisme, la confiance, l’amour, le pardon, la reconnaissance. Selon ses adeptes, si l’on s’imprégne de pensées positives, on est assuré de s’attirer bonheur et succès. A l’inverse, le fait d’entretenir des pensées négatives risque d’engendrer dépression, anxiété, malheur et échec. Toute pensée imprégnée d’agressivité, de tristesse, de peur, de doute ou de toute autre émotion dérangeante est dès lors considérée comme un ennemi à combattre. Lorsqu’une telle émotion surgit, on incite la personne à changer ses pensées pour modifier son état intérieur. L’idée est louable et semble, à première vue, respecter les observations courantes mêmes, davantage. que nos sentiments conscients, même si les deux sont souvent en conformité, qui nous incitent, à notre insu, à rechercher situations et les personnes qui nous les confirment. Le pouvoir que nous avons sur ces forces inconscientes est bien faible, moins tant qu’elles le demeurent. Les neurosciences confirment aussi la prédominance des facteurs inconscients à la source nos actes et de nos modalités de réactions. Comment espérer rilors exercer volontairement un pouvoir sur nos émotions négatives qui se déploient malgré nous et souvent à partir de facteurs échappent à notre conscience? Voyons ce que nous apprennent les neurosciences et la clinique psychosomatique à propos contrôle des émotions.
Est-il possible de contrôler ses émotions?
II nous arrive à tous, dans certaines circonstances gênantes, de retenu nos larmes, de cacher notre peur et de taire notre colère. Certains »ont passés maîtres dans l’art de dissimuler leurs sentiments et de piesenter en permanence un flegme déroutant. Qu’arrive-t-il à I émotion lorsqu’on s’efforce de la dissimuler? Est-il vraiment possible de l’éliminer si on la juge indésirable? Parfois, une émotion nous habite sans que nous en ayons conscience, mais lorsque cela .m ive, il est rare qu’elle échappe à l’œil avisé d’un observateur extérieur. Comment comprendre qu’un sentiment visible pour I .mtre ne parvienne pas à notre attention?
Damasio (2003) explique que, sur le plan biologique, une émotion ne peut disparaître que si elle est remplacée par une autre qui lin est contraire et d’intensité supérieure. Une émotion négative donc céder la place à une émotion positive à la condition que i et te dernière soit plus forte. Par exemple, il vous est sûrement arrivé de voir votre tristesse disparaître à la suite d’une invitation vous fait plaisir. Ici, l’émotion pénible a spontanément un sentiment plus agréable. Mais peut-on chasser volontairement une émotion indésirable? Une émotion étant déclenchée de façon réflexe par un stimulus extérieur, le cerveau n’a pas le pouvoir d’empêcher qu’elle se produise. Le sentiment, au contraire, se forme à partir des cartes de l’état du corps affecté par une émotion. Or ces cartes sont une construction du cerveau. En conséquence, il lui est donc possible d’exercer un certain contrôle volontaire sur le sentiment, et cela, de deux manières : par autosuggestion ou par un travail mental.
Le contrôle du sentiment par l’autosuggestion
Par la persuasion, activité volontaire et rationnelle du cerveau gauche, il est possible d’altérer la transmission des signaux émotionnels en provenance de l’hémisphère droit. Le risque encouru est que ce contrôle n’affecte que la conscience de l’émotion, c’est- à-dire le sentiment, sans qu’il y ait véritable modification de l’état physiologique. Puisqu’on ne la ressent plus, il est facile de se convaincre que l’émotion n’existe plus, alors qu’en réalité elle peut continuer à œuvrer dans les profondeurs du corps à notre insu. Par exemple, une personne envahie par un sentiment de colère peut se persuader d’éprouver un amour sans tache pour quelqu’un qui, en réalité, la met en rogne. Sa colère inconsciente se manifestera à son insu : malgré elle, elle posera des gestes agressifs ou prononcera des paroles blessantes. L’injonction qui dicte de ne penser qu’à des choses positives peut avoir un effet bénéfique, mais seulement dans la mesure où ces pensées parviennent à susciter des émotions positives assez fortes pour supplanter les émotions négatives qui leur font concurrence. Mais comment en être certain? Par ailleurs, elle risque de favoriser la répression de l’émotion négative et, par conséquent, d’induire une rupture entre la conscience et le corps, ce qui entraîne une sensation de malaise qui peut, éventuellement, se manifester par un trouble fonctionnel, un mal de tête, un trouble du sommeil ou digestif. En effet, la survalorisation de la pensée positive prédispose à poser un jugement moral sur Imite émotion négative. La personne risque alors d’avoir une finition phobique face à son apparition et, par conséquent, de la faire disparaître immédiatement. Croire qu’il suffit de penser positivement pour que le succès et la richesse arrivent éveille aussi chez plusieurs le fantasme de pouvoir éradiquer magiquement de leur vie toute forme de souffrance ou d’incon- I» h t et celui de penser qu’il est possible de ne vivre que des événements désirés. La réalité quotidienne est tout autre : elle comporte »es moments de joie et de bien-être, mais aussi des situations malheureuses que l’on n’a pas souhaitées et qui provoquent en nous tien émotions désagréables. Les pertes, la maladie et la mort en »ont des exemples. Une autre façon de composer avec les sentiments pénibles inhérents à ces situations est le travail d’élaboration mentale
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interessant.