Comment ces processus influencent le développement du bébé
Les paragraphes qui suivent sont un peu plus techniques. Ils se basent sur l’observation des interactions précoces entre la mère et le bébé et sur certains concepts psychanalytiques pour donner une compréhension des phénomènes complexes qui interviennent entre la mère et le nourrisson, phénomènes qui influencent le psychisme de l’enfant, son développement et l’émergence éventuelle de symptômes. J’ai essayé de les simplifier pour les rendre accessibles, sans pour autant trop diluer les notions pouvant intéresser les professionnels et les psychothérapeutes qui travaillent avec les parents et les enfants.
«Un bébé seul, ça n’existe pas!»
Un bébé seul, cela n existe pas » disait D.W. Winnicott . À sa naissance, le bébé est dépendant sur le plan physique, mais aussi sur le plan psychique. Il a besoin des échanges avec sa mère et son entourage, ces échanges sont tout d abord de type perceptifs : auditifs, olfactifs, tactiles, visuels. Leur rythme et leur fréquence sont importants. Lorsqu’il a un besoin, le nouveau-né s’exprime avec le peu de moyens qu’il possède : pleurs, gémissements, grimaces, sursauts, etc. Les réponses de l’entourage permettent alors de l’apaiser ou non. La répétition d’un certain type de réponses permet à l’enfant de s’adapter aux caractéristiques des personnes qui s’occupent de lui. Il le fait différemment selon qu’il a, par exemple, des parents très présents qui répondent rapidement à toutes ses sollicitations ou des parents qui mettent régulièrement du temps à intervenir ou qui ne parviennent pas à l’apaiser. Des réactions parentales très inconstantes ne permettront pas au bébé de s’adapter, il devra constamment rester sur le qui-vive. C’est ainsi que l’enfant module sa manière d’être et de réagir en fonction de ses expériences relationnelles précoces.
Comment une maman « comprend » les signaux de son bébé ? B. Cramer a développé le concept d’une «aire de mutualité psychique» entre la mère et le nourrisson, à l’intérieur de laquelle des mouvements de va-et-vient continuels ont lieu entre les deux partenaires. La mère cherche à deviner les besoins et les intentions du bébé, elle leur donne un sens. Il pleure! C’est qu’il doit avoir faim, Il gigote ? Il est peut-être fatigué, Il détourne sa tête, il m’en veut…
C’est à ce niveau que le passé et le vécu émotionnel de la mère prennent toute leur importance. La manière d’interpréter les signaux émis par l’enfant est largement influencée par son état émotionnel, ses expériences infantiles et les représentations qu elle en garde.
Prenons l’exemple du nourrisson qui se détourne du sein que sa mère lui présente. La signification que celle-ci donne à ce mouvement peut être très différente selon son histoire et ses craintes. Une mère suffisamment confiante et tranquille se dit qu’il n a pas encore faim et diffère simplement l’allaitement. Mais parfois ce refus peut raviver des craintes profondément enfouies. Cela peut être la crainte de n avoir rien de bon à donner à son bébé, elle se dit alors que son lait est mauvais, que son enfant n en veut pas. Pour une autre, c est la peur de ne pas être acceptée par son enfant qui est au premier plan, elle vit le détournement de sa tête comme un signe de rejet. Une troisième, préoccupée par l’alimentation et le poids de son enfant, craint qu’il ne développe une anorexie.
Selon l’interprétation que la mère fait du comportement et des signes de l’enfant, différents types de messages sont transmis au bébé, que ce soit à travers les mots, les tonalités ou les attitudes. Ces messages contribuent au sentiment d’identité de l’enfant qui «apprend» que tel comportement peut provoquer tel type de réaction, agréable ou désagréable, suscitant un rapprochement ou plutôt un rejet. C est à travers le regard et la qualité de l’attention de sa mère que le bébé prend progressivement conscience de qui il est.
On réalise dès lors l’importance pour le développement de l’enfant que sa mère soit disponible, attentive, présente. En cas de dépression, c’est autant la quantité que la qualité de la présence maternelle qui sont altérées. Toute l’énergie de la femme est dépensée à lutter contre la dépression, elle n’en a plus suffisamment pour s’impliquer dans la relation à son enfant. Lorsqu’elle est avec lui, elle est irritable, nerveuse, anxieuse. Les pensées et les intentions quelle lui prête sont plus fréquemment négatives, pessimistes. Une mère inquiète et déprimée ne ressent pas les gestes de son enfant de la même manière qu’une mère sereine et bien disposée. L’exemple qui suit illustre cela.
Si l’enfant a besoin des interactions avec ses parents pour se construire, n’oublions pas que l’inverse est aussi vrai. Le bébé naît avec certaines caractéristiques et compétences qui lui appartiennent et auxquelles ses parents doivent eux aussi s’adapter: son caractère, sa santé, son physique, son terme, son rang dans la fraie, etc. Toutes ces particularités font de lui un être singulier qui provoque des réactions et des interactions bien spécifiques chez ses parents. Cela explique pourquoi une mère ne ressent pas tout à fait s mêmes affects, ni les mêmes peurs pour chacun de ses enfants. Ainsi, à la suite de Winnicott, nous pourrions dire qu«une mère ! Je, ça n existe pas ! » Elle ne devient mère que par la présence de son enfant et par leurs échanges. De plus, elle est une mère différente avec chacun de ses enfants.