Certaines travaillent au noir
Certaines travaillent au noir
Ce manque flagrant de dermatologues a incité bien des généralistes à ajouter quelques « gestes » esthétiques à leur pratique habituelle. Certains acquièrent très vite une réputation par le bouche-à- oreille et peuvent se déclarer « Docteur Untel, médecine esthétique » d’autant qu’aucune législation rigoureuse n’existe dans ce domaine. Une dermatologue, dûment diplômée et exerçant à Paris, m’a même affirmé que beaucoup d’esthéticiennes travaillent « au noir » avec des produits importés de façon illégale, grâce à Internet. Elle s’insurge :
— Savez-vous que même les esthéticiennes se lancent dans des traitements qui sont de la stricte compétence d’un médecin ? Le laser, par exemple, est très dangereux à manipuler et ne devrait pas être mis entre les mains de non- médecins. Pourtant les fabricants en proposent des versions « light » qui permettent de les faire entrer dans les instituts de beauté. Même chose pour les épilations définitives, elles relèvent également du domaine médical et ne devraient être entreprises que par des médecins spécialement formés. C’est loin d’être le cas. Certains cabinets de kinésithérapeutes offrent ce service ! La demande est très forte, et nous ne pouvons pas, nous les dermatologues, passer une grande partie de notre temps de consultation à enlever des poils !
Sans compter que les spécialistes coûtent cher quand ils ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale et les mutuelles. Et que je ne pense pas qu’on soit à la veille du jour où les épilations définitives des jambes de ces dames ou des torses de ces messieurs seront remboursées par la SS !
Faut-il assouplir la réglementation, comme le réclament les esthéticiennes ? Elles étaient plus de 1 000 à défiler à Paris en septembre 2008, à la demande de leur fédération. Leur objectif? Obtenir la mise en place d’une « réglementation adaptée aux nouvelles technologies», autorisant les 15 000 instituts de beauté français et leurs 19 500 salariées à utiliser des lampes flash – assimilées aux lasers – pour les épilations ou des appareils à aspiro dépression pour la cellulite.
« Les esthéticiennes françaises sont les seules en Europe à ne pas avoir le droit de les employer, alors que leur niveau d’études, qui peut atteindre le BTS, est le plus élevé d’Europe, argumente Michèle Lamoureux, coprésidente de la CNAIB . En pratique, ces dernières années, nombre d’instituts se sont équipés de ces appareils très demandés. Mais les procès, intentés selon les cas par des dermatologues ou des masseurs-kinésithérapeutes, commencent à se multiplier… Et des esthéticiennes se retrouvent condamnées pour exercice illégal de la médecine. »
Les appareils de « dépilation » définitive sont réservés pour l’instant aux médecins et à certains kinésithérapeutes. Armées seulement de cire et de pinces à épiler, les esthéticiennes risquent en effet de perdre 30 % de leur chiffre d’affaires. Certes, une mauvaise manipulation des lasers peut provoquer des brûlures mais il suffirait peut-être d’exiger des stages de formation sérieux et contrôlés pour désengorger les cabinets de dermato et sauver les petites entreprises d’esthétique qui risquent, sinon, de baisser le rideau.