Asthme : Les messagers lipidiques
Les lipides sont des graisses, comme le cholestérol, qui sont partout dans notre corps. Nos cellules sont faites de lipides, car leur paroi est un sandwich de lipides. Ces lipides de membrane forment une double couche. Ils sont appelés phospholipides, car ils contiennent du phos-
phore. . .
Le rôle de ces phospholipides est très important, car ils prennent par à l’activité de nos cellules. Les deux exemples suivants illustrent l’importance de la qualité de cette membrane. Les récepteurs des cellules sont situés dans la membrane des cellules. Ils sont dans cette double couche lipidique. La mobilité de la membrane intervient dans la fonction de ce récepteur. Donc, les phospholipides interviennent dans l’entrée des signaux dans la cellule.
Il existe une variété de souris dont les chromosomes font qu’elles vont développer une maladie mortelle des reins. Cette maladie ne survient pas lorsque l’on traite ces animaux par une variété particulière d’acides gras, dont on sait qu’ils vont s’incorporer aux phospholipides des membranes des cellules pour en changer les propriétés. Une intervention au niveau des membranes va modifier l’expression des chromosomes. Ces phospholipides ont une structure complexe au sein de laquelle il existe très souvent un certain acide gras, l’acide arachidonique.
L’acide arachidonique
Au sein des phospholipides, l’acide arachidonique peut représenter jusqu’à 20% des lipides des membranes des monocytes humains. Cet acide gras joue un grand rôle dans l’allergie pour des raisons quantitatives et qualitatives.
Il est situé dans les phospholipides membranaires, situé au milieu de la molécule. Il peut être libéré par une enzyme, la phospholipase A2.
Une fois libéré, l’acide arachidonique donne naissance aux eico- sanoïdes, dont les relations avec l’allergie sont très étroites. Ces eicosa- noïdes comprennent notamment les leucotriènes et les prostaglandines.
La phospholipase A2 porte ce nom car elle agit au milieu des phospho-lipides, en position deux, là où est l’acide arachidonique. Il semble que l’acide arachidonique soit incorporé dans les phospholipides qui sont situés dans la cellule plutôt que dans ceux situés à l’extérieur de celle-ci. La phospholipase A2 est le siège d’une régulation très subtile. De nombreux médicaments interviennent à son niveau, au premier rang desquels la cortisone et ses équivalents. Comme cette enzyme est ubiqui- taire, sa modulation spécifique est difficile. Il est intéressant de développer des médicaments destinés au seul organe qui nous intéresse, ici les poumons, ce qui privilégie la voie d’administration des sprays. Nous avons là une justification théorique de ce que nous observons avec nos patients.
Les leucotriènes
L’acide arachidonique libéré va donner naissance à des substances qui »ont impliquées dans les réactions allergiques. Les leucotriènes en font partie.
leur nom explique leur structure : ce sont des produits isolés à partir ilr leucocytes (leuco-) et qui portent trois doubles liaisons (-triènes). Les enzymes responsables de cette synthèse sont les lipoxygénases. Il faut distinguer la 5-lipoxygénase parmi les autres lipoxygénases, puisque c’est elle qui donne naissance à la famille des leucotriènes.
Il existe deux types de leucotriènes. Le leucotriène B4, ou LTB4, et les « Slow Reactive Substance of Anaphylaxis », ou SRS-A. Plus précisément, les SRS-A sont un ensemble de leucotriènes dont les noms sont LTC4,
I ID4 et LTE4.
Les SRS-A sont directement impliquées dans l’asthme, puisque si l’on picnd un cobaye et qu’on lui administre ces SRS-A, le cobaye va faire une contraction des bronches. Le cobaye ne fera pas que ça, mais cette ic.iction est prédominante. Ces SRS-A n’expliquent pas à elles seules la i ontraction des bronches, car si l’on bloque la production de ces SRS-A < hez un cobaye, il est possible de déclencher ce spasme bronchique par d’autres moyens. Cette action paraît suffisamment importante pour que plusieurs firmes pharmaceutiques soient en train d’étudier, sur animal et modèle cellulaire humain, l’intérêt d’inhibiteurs de la 5-lipoxygénase dans l’asthme.
Toute différente est l’action du LTB4, dont le rôle d’appel de cellules est fondamental. On sait que les macrophages alvéolaires sont capables de produire du LTB4 en grande quantité, après contact avec l’allergène. Ces macrophages alvéolaires vont pouvoir appeler de nombreuses cellules pour les aider à se défendre contre l’allergène, grâce à ce LTB4. Ce composé sera un agent important de l’amplification de la réponse allergique. Pour compliquer la situation, on a montré que le blocage de sa production ne s’accompagne pas d’un arrêt de la réaction allergique, mais simplement d’une diminution de celle-ci.
Les prostaglandines
Cette famille de composés est vaste. Chaque organe est capable de abriquer des prostaglandines, mais la nature de la prostaglandine fabri-quée est variable selon l’organe. Elle est adaptée à la fonction de l’organe Nous pouvons facilement moduler notre fabrication de prostaglandine en prenant de I aspirine, car ce produit bloque la cyclooxygénase, enzyme clé de la synthèse des prostaglandines.
Les prostaglandines sont importantes dans l’asthme.
L épithélium bronchique, l’ensemble des cellules qui recouvre l’intérieur des bronches, est capable de produire une prostaglandine, la PGE2. Cette PGE2 est responsable d’une bronchodilatation permanente. La suppression de sa production entraîne une contraction permanente et modérée des bronches. Ce mécanisme est vrai chez le cobaye. Mais, si l’on donne de l’aspirine à ces cobayes, ils ne feront pas une crise d asthme. Nous avons vu plus haut que la PGD2 est un puissant agent qui provoque une contraction des bronches. Donc, seule une partie de la motricité des bronches est sous la dépendance des prostaglandines. De manière plus fine, il a été montré que les enzymes capables de transformer I acide arachidonique en prostaglandine sont au nombre de deux. L’une est constitutionnelle, l’autre induite par l’inflammation. Cette découverte apparaît être une voie de recherche féconde car ces deux enzymes sont régulées par des molécules, donc des traitements, différents.
Nous ne faisons pas de crise d’asthme à chaque fois que nous prenons un comprimé d’aspirine. Ce n’est pas le cas d’un petit groupe de patients qui sont asthmatiques et sensibles à l’aspirine, c’est-à-dire qu’ils font une crise d’asthme à chaque fois qu’ils prennent un comprimé d’aspirine. Il a été montré par l’école lilloise que le métabolisme plaquettaire de l’acide arachidonique est particulier. Ces sujets ne sont pas allergiques à l’aspirine, mais simplement intolérants à l’aspirine. En pratique, cela ne change pas grand-chose, car l’aspirine leur est interdit de la même manière.
Le PAF
Le PAF, ou Platelet-Activating-Factor, est une molécule qui active les plaquettes, d’où son nom. Cette molécule est en fait ubiquitaire, produite par de nombreuses cellules, dont les mastocytes et les monocytes.
La découverte de cette molécule a été relativement discrète en 1979. l’.ir contre, depuis quelques années, cette molécule a entraîné de grands (>spoirs.
Quand on administre du PAF à un animal, il déclenche une réaction pulmonaire très voisine de celle de l’asthme. Cet effet est obtenu aussi bien par administration par voie veineuse que par voie inhalée. Chez l’animal, le PAF induit un état d’hyperréactivité bronchique.
Ces deux raisons ont entraîné un ensemble de recherches dans ce domaine. Celles-ci ne se sont pas encore concrétisées. En effet, le PAF a entraîné la construction de médicaments voulant s’opposer à ses effets, mais aucun de ces médicaments possibles ne semble avoir fait la preuve de son efficacité dans l’asthme.
En plus de son effet sur les bronches, le PAF est un puissant agent agré¬geant des plaquettes. Cette agrégation des plaquettes est suivie d’une libération des produits qu’elles contiennent.
L’EPA et le DHA
Ces initiales sont celles de l’Acide Eicosa-Pentaènoïque et de l’Acide Docosa-Hexaènoique, en anglais EPA et DHA. Ces composés ne sont pas . proprement parler des médiateurs impliqués dans l’asthme, mais ce sont des acides gras qui peuvent remplacer l’acide arachidonique. Dans ce cas, ils sont à l’origine de composés qui sont biologiquement pas ou peu actifs, qui prennent la place de ceux formés à partir de l’acide arachidonique.
L’utilisation de DHA et d’EPA repose sur ce principe : diminuer la fabri-cation de substances qui participeraient à l’inflammation. C’est ainsi que ces produits ont été utilisés avec succès dans le traitement de maladies articulaires, où l’inflammation est importante. Ce ne sont pas des médi-caments miracles, mais des produits qui ont un effet certain.
Dans l’asthme, l’utilisation de ces produits vise à traiter l’inflammation bronchique. Une étude d’un an a montré que ces produits ont en fait une efficacité discrète, à condition que l’on traite longtemps et à petite dose. Cette étude a fait rebondir l’intérêt de ces produits dans l’asthme, bien qu’elle n’ait concerné que douze patients.
Enfin, ces produits sont tout à fait intéressants pour la prévention des maladies du cœur et des vaisseaux, et pour lutter contre certaines mala-dies du cholestérol.