Aspects dynamiques de la digestion
L’étude analytique du rôle des divers organes dans la digestion telle qu’elle vient d’être présentée, ne rend pas bien compte de l’enchaînement des différentes étapes et sous-estime le rôle du tube digestif.
En effet, celui-ci va fournir un travail considérable puisqu’il aura à absorber non seulement les dérivés nutritifs de l’alimentation, mais encore les constituants des sécrétions qu’il produit lui-même. Le rôle du tube digestif ne se résume donc pas à transformer les 2 500 ml d’une alimentation quotidienne en 150 ml de résidus fécaux, la différence faisant l’objet de l’absorption.
1. Périple d’une ration d’un jour :
- Les aliments sont formés d’éléments nutritifs (protides, lipides, glucides) et d’une phase liquide (eau et électrolytes).
- La plupart des aliments a une forte teneur en eau (eau de constitution) :
- 60 p. 100 pour la viande de bœuf,
- 74 p. 100 pour un œuf,
- 87 p. 100 pour les fruits frais, le lait,
- 90 à 92 p. 100 pour la plupart des légumes verts.
- S’y ajoutent les boissons, variables selon la température extérieure et le degré d’activité physique. Elles comprennent les boissons qui accompagnent les repas (eau, vin, cidre, bière, etc.), celles prises entre les repas (jus de fruits, thé, café, …) et on y adjoint les quantités de liquide du petit déjeuner et d’un éventuel potage.
Supposons que le volume de la portion soit de 2 1/24 h.
Traversée buccale :
Elle va provoquer l’imbibition de salive. Le volume de celle-ci s’ajoute au bol alimentaire : environ 800 ml/24 h. Ce sont donc 2 800 ml qui arrivent dans l’estomac.
Traversée de l’estomac :
On a vu que la sécrétion chlorhydropep- tique gastrique avait du mal à abaisser le pH de l’estomac avant la deuxième heure (effet tampon des aliments, neutralisation des bicarbonates). Ceci explique que les enzymes salivaires aient le temps de poursuivre leur action à l’intérieur même de l’estomac, notamment sur l’amidon. Le brassage du contenu gastrique fait que le manchon central reste longtemps à l’abri de l’acidité, de telle sorte que si l’amylase est vite inhibée dans les couches périphériques, proches de la paroi, elle poursuit son action dans les couches centrales du bol alimentaire qui conservent plus longtemps un pH élevé.
La sécrétion gastrique est variable d’un sujet à l’autre et selon la nature du repas. En moyenne elle représente environ 2 1/24 h. Ce sont donc 4 800 ml qui vont sortir du pylore.
Traversée du carrefour duodénal :
A partir de là, le volume du bol alimentaire est la résultante des apports des diverses sécrétions et de la vitesse d’absorption des liquides et des nutriments qui commence dès le duodénum.
Aux 4 800 ml qui sortent de l’estomac vont s’ajouter 800 ml de bile et prés de 2 1 de suc pancréatique.
Traversée du grêle :
On voit donc que pour un apport alimentaire de 2 1, le travail du grêle devra porter sur 7 600 I. Indépendamment des volumes d’eau et d’électrolytes à résorber, ce supplément endogène apporte aussi des constituants organiques qui vont entrer dans la digestion.
Ajoutons qu’à côté des sécrétions glandulaires, la muqueuse laisse exsuder une petite quantité de plasma qui se mêle au bol alimentaire et subira elle aussi la résorption du grêle, ainsi que des immunoglobulines, notamment les IgA qui jouent un rôle important dans la défense immunitaire de l’organisme.
Toutes les structures enzymatiques sont protidiques, de telle sorte que la résorption des protides dans le grêle porte facilement sur 50 % de plus que l’apport alimentaire.
Traversée du côlon :
Ceci explique aussi que si les sécrétions des étages supérieurs peuvent aisément être résorbées en totalité par le grêle sous-jacent, celles des parties basses du tube digestif ne trouvent plus au-dessous d’elles de muqueuse capable de les digérer : c’est pourquoi une partie des protides endogènes tombe obligatoirement dans le côlon et y subira les transformations dues aux bactéries de putréfaction.
2. Variations du périple suivant le régime
Le schéma que nous venons de donner n’est qu’un exemple et il existe de très nombreuses variations individuelles.
Ce que l’on peut dire c’est que le grêle normal a pratiquement toujours des possibilités au-dessus de ce qui lui est demandé. Il est par exemple impossible de provoquer une stéatorrhée, en majorant la ration lipidique.
3. Moyens de défense de l’organisme contre la surcharge alimentaire :
Lorsqu’un repas a apporté :
- des aliments trop concentrés,
- une proportion trop importante de graisses,
- d’une manière générale une valeur calorique excessive,
les mécanismes de régulation du pylore sont bloqués et le pylore reste fermé jusqu’à ce qu’un mécanisme de vomissement se déclenche : c’est le classique tableau de « l’indigestion ».
4. La teneur du repas en fibres alimentaires :
Elle peut modifier les conditions d’absorption. La richesse en fibres gêne l’absorption au niveau du grêle :
- en accélérant le transit (facteur de peu d’importance),
- en gênant le contact des nutriments avec la muqueuse,
- en adsorbant sur elles certains constituants.
Ainsi peuvent-elles avoir une interaction avec :
- les vitamines,
- les minéraux (calcium et magnésium notamment),
- les sels biliaires, en réduisant leur action sur les graisses.
Par contre au niveau du côlon, elles luttent contre la constipation et réduiraient le temps de contact des carcinogènes alimentaires avec la muqueuse.