Acides gras conjugués
Ceux-ci sont relativement rares, mais on clame qu’un acide en particulier, l’acide linoléïque conjugué (CLA) est diététique- ment bénéfique pour la santé et il y a quelque raison de croire qu’il pourrait même protéger contre le cancer du sein.
Si, le long d’une chaîne à 18 atomes de carbone, deux doubles liai¬sons sont situées sur deux paires de carbone adjacentes, par exemple entre les atomes 6 et 7 et entre les atomes 8 et 9, alors il existe entre ces deux doubles liaisons une interaction telle que la simple liaison qui les relie (dans ce cas, elle est située entre les atomes 7 et 8) prend aussi1 un caractère de double liaison. Les deux doubles liaisons sont dites
conjuguées. Ces acides gras conjugués sont présents dans les graisses de vache et de mouton et ils sont produits dans les estomacs de ces animaux par des bactéries anaérobies qui s’y trouvent et qui les aident à digérer leur nourriture.
L’acide linoléique normal a deux doubles liaisons, la liaison oméga-6 située entre les atomes 6 et 7 et la deuxième double liaison située entre les atomes 9 et 10 ; autrement dit, les deux doubles liaisons sont sépa¬rées par deux liaisons simples, elles ne sont donc pas conjuguées et sont toutes deux des doubles liaisons cis. Par contre, dans le CLA, la première double liaison est trans alors que la seconde est cis. Il existe une autre forme d’acide linoléique conjugué dans laquelle les deux doubles liaisons sont situées entre les carbones 6 et 7 et les carbones 8 et 9, la première étant une liaison cis et la seconde une liaison trans. Dans la plupart des produits naturels, cette dernière forme est très peu présente.
Les bactéries sont capables de transformer l’acide linoléique en acide stéarique par addition de quatre atomes d’hydrogène à la molécule. Le mode de transformation est plutôt compliqué et il implique la forma¬tion intermédiaire du CLA que l’on trouve finalement dans les produits dérivés de ces animaux, c’est-à-dire, la viande d’agneau, de bœuf, le lait, la crème, le beurre, le yaourt et le fromage. De plus, la teneur en CLA dépend de sa provenance. Des tests effectués en Ecosse ont montré que les vaches nourries d’herbe fraîche en produisent deux fois plus que celles nourries de fourrage. Le pourcentage de CLA n’est pas élevé mais il peut être plus important qu’on l’imagine : la graisse d’agneau peut contenir 1,2 % de CLA, la graisse de bœuf, 0,6 %, la graisse du lait entier, 1 %, la crème, 0,8 %, le beurre, 0,9 % et la matière grasse dans les fromages, jusqu’à 1,7%. L’apport journalier moyen en CLA est d’environ 0,4 g (400 mg) par personne.
L histoire du CLA a commencé avec les travaux de Michael Pariza du Food Research Institute (Institut de Recherche sur F Alimentation) de l’Université de Wisconsin-Madison. Il s’intéressait aux effets de la chaleur sur de la viande de bœuf hachée et découvrit en 1979 quelle contenait un composé qui empêchait la mutation des gènes. Au début des années 1980, Pariza et ses collaborateurs mettaient en évidence l’agent réactif : il s’agissait du CLA.
Le CLA est un des agents les plus puissants de prévention du cancer, du moins chez les rats.
On ne sait pas encore clairement comment il agit, ni à quelle étape du processus du cancer il agit, c’est-à-dire, durant le déclenchement, le développement, la progres¬sion ou l’extension de la maladie à d’autres organes du corps. Il peut protéger tout au long du processus. Des études ont montré qu’il agit contre le rétrécissement des artères des lapins et des hamsters et qu’il stimule le système immunitaire des souris, des rats et des poulets. C’est même un facteur de croissance chez les jeunes rats et il peut stimuler le corps qui libère de l’énergie à partir de ses graisses de réserve.
Il est bien connu que des doses importantes de CLA assurent une bonne protection car certaines enzymes choisissent plutôt le CLA que l’acide linoléique qui a été relié à une augmentation du risque de cancer chez les rongeurs. De plus, des études norvégiennes ont montré que des personnes obèses soumises à un régime riche en CLA (plus de 3 g par jour) perdaient réellement du poids.
Le CLA peut être fabriqué sous forme de complément nutritionnel par traitement, à l’aide d’une base, d’huiles riches en acide linoléique, comme l’huile de tournesol. Ce procédé conduit essentiellement à la formation de CLA mais aussi à celles d’autres acides conjugués dont les deux doubles liaisons se situent en diverses positions de la chaîne carbonée.
D’autres tests ont confirmé que toutes les formes de CLA pouvaient être digérées par des animaux cobaye, être utilisées comme source d’énergie et qu’elles ne présentent aucune différence notoire avec les types normaux d’huiles et graisses diététiques. Il est cependant prématuré de réagir à ces travaux et de se remettre à consommer beau¬coup de produits laitiers riches en matières grasses comme du beurre, de la crème, du fromage au lait entier, particulièrement s’ils remplacent dans le régime des aliments faiblement caloriques tels que les fruits et légumes.