Ostéoporose et maladies rhumatismales
La polyarthrite rhumatoïde
La polyarthrite rhumatoïde est un facteur de risque de l’ostéoporose. Cela est lié à plusieurs facteurs : le retentissement fonctionnel de la maladie sur la mobilité, faction générale des cytokines pro-inflammatoires, enfin l’action délétère des traitements.
On ne confondra pas l’ostéoporose généralisée de la polyarthrite avec l’ostéoporose juxta-articulaire qui correspond à la déminéralisation en bande des métacarpo-phalangiennes, et fait partie des critères diagnostiques de la maladie. Elle est reliée à l’importance du pannus synovial, suggérant une action locale des cytokines pro-inflammatoires IL1, IL6. Le traitement est celui du rhumatisme inflammatoire et du pannus synovial.
En pratique, l’ostéoporose généralisée associée à la polyarthrite rhumatoïde est multifactorielle. La diminution de la densité osseuse est essentiellement liée aux facteurs suivants :
- âge, sexe, statut hormonal ;
- sévérité de la maladie (et non pas sa durée) et handicap fonctionnel, l’action systémique des cytokines favorisant la résorption ostéoclastique et l’hyperremodclage (augmentation de l’ostéocalcine) dans les polyarthrites les plus actives ;
- traitements proposés : corticothérapie, methotrexate, cyclosporine, qui ont cependant un effet bénéfique sur l’état général et fonctionnel.
Au total, la densité osseuse est diminuée. Il y a une corrélation entre la masse osseuse d’une part, la sévérité de la maladie et le handicap fonctionnel d’autre part, mais non avec la durée.
L’augmentation du risque fractura ire, majoré par un risque de chute important, en est la conséquence : le risque relatif est multiplié par 1,5 au niveau du bassin, par 2,5 au niveau du col fémoral. Les complications de l’ostéoporose (tassements, fractures) aggravent le handicap fonctionnel articulaire.
Les traitements de la polyarthrite rhumatoïde interfèrent avec I évolution de l’ostéoporose :
- le methotrexate diminuerait la masse osseuse avec un effet- dose, mais par son efficacité sur la polyarthrite, permet une augmentation de la mobilité et une diminution de la corticothérapie ;
- la cyclosporine augmenterait le remodelage osseux ( effets encore très débattus). Elle est réservée aux polyarthrites les plus sévères, et son action propre au niveau osseux ne peut être individualisée ;
- la corticothérapie a des effets bien connus, avec une perte osseuse accélérée dans les deux premières années, responsable de l’apparition de tassements vertébraux ou de fractures périphériques parfois peu symptomatiques. Elle sera diminuée si possible en dessous de 7,5 mg par jour d’équivalent prednisone.
En pratique, on mettra rapidement en route un traitement efficace pour limiter le handicap articulaire et l’inflammation, en limitant ou, si possible, en évitant la corticothérapie. On agira sur les co-facteurs (tabac, alcool, carence calcique ou vitaminique D, hypogonadisme). On instituera, si la femme est ménopausée, un traitement hormonal substitutif. En cas de nécessité, la mise en place de prothèses a pour objectif d’augmenter l’activité physique et de diminuer le risque de chute.
Les autres rhumatismes inflammatoires présentent aussi un risque fracturaire accru, même si la densité osseuse n’est pas toujours (baissée. Dans la spondylarthrite, la mesure est plus ou moins parasitée par les syndesmophytes et enthésopathies. Dans l’arthrite chronique juvénile, l’inflammation due à la maladie et la corticothérapie sont responsables d’une diminution de la masse osseuse doublée d’un retard de croissance.
Ostéoporose et immobilisation
Toute immobilisation prolongée entraîne une perte osseuse rapide (dans les six premiers mois) et sévère, mais initialement réversible. Les circonstances d’immobilisation sont nombreuses :
- alitement pour maladie, sciatique, acte chirurgical ;
- immobilisation post-traumatique (accident…), immobilisation plâtrée ;
- impotence fonctionnelle de la personne âgée, de la polyarthrite rhumatoïde ;
- paraplégie d’installation plus ou moins aiguë ou chronique.
Cliniquement, le risque majeur est la fracture. La perte osseuse est très rapide sur les os porteurs chez le jeune et l’enfant. Chez la personne âgée, une semaine d’immobilisation est équivalente à un an de perte osseuse sans immobilisation.
Biologiquement, il y a diminution de l’ostéoformation (diminution de l’ostéocalcine), augmentation des paramètres de la résorption (élévation des crosslaps urinaires ou sanguins et surtout hypercalciurie) : les lithiases calciques compliquent 10 % des hypercalciuries d’immobilisation, en particulier chez le paraplégique et les jeunes sujets. On note parfois chez le jeune une hypercalcémie, due au remodelage très stimulé. La 25 OH D sérique, la parathormonémie sont normales.
La rapidité d’installation de la perte osseuse, les possibilités de réversibilité au cours des premiers mois, incitent à prendre autant que possible des mesures pour mobiliser les membres, inférieurs surtout, en cas d’alitement, pour encourager une remise rapide à la marche.
Et l’ostéoporose localisée ? L’immobilisation d’un segment de membre pour fracture est suivie d’une perte osseuse locale rapide, importante (30 %) et visible radiologiquement. Différente de l’algo- dystrophie par l’absence de troubles vasomoteurs, elle laisse souvent une séquelle radiologique et densitométrique (asymétrie D/G) qui ne durera que quelques mois chez le sujet jeune, avant la guérison totale, mais plusieurs années, voire à vie chez le sujet plus âgé ou la femme ménopausée.
Ostéoporose et scoliose
La scoliose lombaire rend ininterprétable la mesure densitométrique à ce niveau, du moins pour une mesure transversale ; un suivi longitudinal est encore possible, mais imprécis.
La scoliose ne serait pas accompagnée d’augmentation du risque ostéoporotique. Mais la densité du col fémoral se situant du côté de la convexité de la scoliose, serait plus basse.
Ostéoporose et algodystrophie
L’algodystrophie est un syndrome clinique caractérisé par des douleurs et des troubles vasomoteurs au niveau d’un membre. Elle complique certaines pathologies médicales comme les infarctus du myocarde ou les accidents vasculaires cérébraux, ou, plus souvent, des pathologies orthopédiques (60 % des algodystrophies) : fractures de Pouteau-Colles (25 % des cas), fissures ou fractures des pieds, gestes arthroscopiques parfois.
L’algodystrophie se différencie de la simple décalcification constatée après toute immobilisation pour fracture, par la présence de troubles vasomoteurs et, radiologiquement, par une atteinte plus intense, diffuse mais avec des contours toujours bien visibles. La cicatrice radiologique persiste plusieurs années, voire toute la vie. La fixation scintigraphique est intense, précoce et quasi-spécifique en phase aiguë. La densité du membre concerné est diminuée de façon diffuse.
Seul le terrain commun avec l’ostéoporose peut actuellement inciter à réaliser une densitométrie.
Ostéogénèse imparfaite de l’adulte
L’ostéogénèse imparfaite de l’adulte est une affection héréditaire en rapport avec des anomalies qualitative et quantitative du colla- gène de type 1. Cette maladie peut avoir des degrés de gravité très variable (classification de Sillence en quatre tableaux cliniques), y compris à l’intérieur d’une même famille.
De nombreuses mutations existent, expliquant les formes de novo et la grande hétérogénéité des présentations cliniques. L’expression majeure est ¡’ostéoporose et la fragilité osseuse.
Elle se révèle surtout dans l’enfance (voir chapitre 24), parfois chez l’adulte jeune (homme ou femme) ou à la ménopause, cette dernière jouant le rôle de facteur aggravant : fractures itératives, tassement vertébral, découverte densitométrique.
Chez l’adulte, quelques points cliniques peuvent mettre sur la voie du diagnostic :
- notion de nombreuses fractures dans l’enfance, même accidentelles, avec une consolidation qui se fait normalement ;
- présence de sclérotiques bleutées ;
- hyperlaxité ligamentaire au niveau des doigts, en flexion dorsale, au niveau des pouces, des chevilles (entorses faciles)… ;
- aspect lâche des cicatrices qui sont dystrophiques, plissées ;
- surdité ;
- trouble de la dentition.
Toutes ces anomalies sont en rapport avec l’anomalie du collagène.
Biologiquement, le tableau n’a rien de spécifique : la recherche des anomalies de structure du collagène par biopsie cutanée n’est pas réalisée en pratique. La densitométrie permet de quantifier la perte osseuse. Les radiographies apprécient l’épaisseur des corticales habituellement très fines, et authentifient les tassements vertébraux ou les séquelles de fractures.
Quel est l’intérêt de faire le diasnostic ?
Sur le plan individuel, il n’y a pas de traitement spécifique. Les traitements habituels de l’ostéoporose sont proposés, bien qu’aucun n’ait été validé dans cette indication du fait de l’hétérogénéité des patients atteints. Le fluor n’a pas apporté les résultats escomptés. Les bisphosphonates paraissent prometteurs (pamidro- nate, alendronate) mais des études contrôlées sont nécessaires. Il peut être utile d’orienter la vie professionnelle ou sportive en fonction du risque fracturaire.
Sur le plan familial, s’agissant d’une maladie héréditaire auto- somale dominante, plusieurs membres peuvent être atteints, avec une gravité variable de mineure à grave et létale. D’où l’intérêt du conseil génétique (1/3 mutation de novo) et du dépistage des autres membres.
L’évolution est très variable en fonction de la sévérité initiale : la période adulte est souvent plus calme, avec aggravation à la ménopause. Il faut prendre en compte les co-facteurs.
Maladie d’Ehler-Danlos, de Marfan, homocystinurie sont des causes exceptionnelles d’ostéoporose, mais une densitométrie mérite d’être réalisée au moins une fois en dépistage.