L’enfant et la dépression
L’enfant paie souvent le prix fort de la dépression de sa mère. Je montrerai pourquoi et comment dans ce chapitre. Comme nous| lavons vu précédemment, à sa naissance le bébé n’est pas encore un être mature et autonome. Il a besoin des soins et des interactions avec l’adulte pour se développer et se constituer un sentiment d’identité. Dans les premiers temps de sa vie, c est le contacte duel, régulier et privilégié avec un «autre» qui est primordial dans son développement. Par souci de commodité, je parlerai de cet « autre » comme étant la mère, même si ce rôle est parfois joué par le père ou toute autre personne occupant cette position centrale privilégiée. Nous verrons que la place du père est très importante aussi mais elle intervient à un autre niveau.
La mère, à travers la répétition de gestes, de touchers, de sons, d’expressions faciales et corporelles, communique de nombreux signaux à son enfant. Ce dernier adapte ses comportements aux messages qu’il perçoit. Ainsi, par exemple, la voix chaleureux! et fière de sa mère qui répond à ses babillages ou à ses sourire» pourra l’encourager à en produire d’autres. Les recherches sur ici développement social précoce ont montré une remarquable sensibilité chez l’enfant à la qualité des relations interpersonnelles avec l’environnement dès les premiers jours de vie. Très tôt, il chercha à imiter les mouvements faciaux et les expressions; il répond de manière sélective aux stimuli humains plutôt qu’aux stimuli nom humains. Comme le montrent Brazelton, Stern ou Tronick.à 2 mois, le bébé interagit avec l’adulte de manière complexe avec un répertoire de gestes et d’expressions faciales bien organisés Les interactions sont donc d’emblée bidirectionnelles, mère et enfant étant chacun partenaires à part entière.
Que se passe-t-il en cas de dépression maternelle lors des premières semaines de vie de l’enfant? La mère, prise dans sa détresse, son anxiété et sa tristesse, n’a pas une disponibilité psychique suffisante pour se focaliser sur son bébé, se mettre à sa place, penser pour lui. Il lui manque l’empathie nécessaire pour ressentir l’état émotionnel du bébé. Les échanges avec son enfant sont soit «neutres» et sans émotion, soit teintés d’affects négatifs. Elle n a pas la force de lui donner plus et ne peut s’occuper de lui que de manière mécanique. L enfant tente alors, avec les moyens dont il dispose et en fonction de ses caractéristiques propres, de parer à ce manque ou à ce défaut de stimulation. Cependant, la dépression maternelle n affecte pas toujours la relation avec l’enfant ; les études montrent que les interactions d’un certain nombre de mères déprimées sont tout à fait semblables à celles des mères non déprimées, sans répercussion sur la qualité et la fréquence des échanges.
E. Tronick (1984) a créé une expérience (still face) permettant d’observer les réactions de bébés âgés d’environ 5 mois qui sont soumis à ce type d’interaction. Après un moment de jeu entre la mère et l’enfant, on demande à la mère de cesser de jouer et de rester impassible, sans réagir aux sollicitations de l’enfant (reproduction expérimentale de la mère déprimée). On observe alors que le bébé cherche à «réanimer» sa mère, à attirer son attention ; il initie la relation. Dans un second temps, il se fatigue, pleure, puis finit par se lasser et se retirer lui-même de la communication. Ce repli de l’enfant est illustratif de ce qui se passe lorsqu’une mère déprimée ne parvient pas à être en empathie avec son enfant et qu’aucune personne de l’entourage ne la remplace dans cette fonction. L’enfant peut, lui aussi, «se déprimer» en inhibant sa force vitale ; il devient alors très peu réactif à ce qui l’entoure, ne prenant pas de plaisir aux différentes stimulations. Dans les cas graves, il ne réclame plus à manger et peut même refuser de s’alimenter comme dans les cas d’anorexie grave du nourrisson. Certaines dépressions maternelles se manifestent plus par une agitation anxieuse que par une apathie. Dans ces cas, les interactions avec l’enfant sont hyperstimulantes ; comme elles ne sont pas en accord avec les besoins spontanés du bébé, elles sont tout aussi pathogènes que le manque de stimulation. Ces enfant’ doivent développer des moyens pour se protéger de l’excès de stimulation et du manque d empathie qui provoque une inadéquation entre ses besoins et ce qu’il reçoit. Des symptômes très divers peuvent traduire le malaise de ces enfants : agitation, irritabilité, troubles du sommeil, pleurs excessifs, enfants difficiles à console: A plus long terme, ils développent des troubles de l’humeur ou de la personnalité. Lorsque la dépression maternelle est détectée et soignée, les conséquences sur l’enfant sont moins sévères car le père ou les grands-parents peuvent prendre le relais auprès de l’enfant e: jouer ce rôle «d’autre» si important pour son développement. Pa: contre, lorsque la dépression passe inaperçue, ce qui est le cas de la majorité des dépressions peu sévères, aucun tiers ne prend le relais. Le bébé passe la plus grande partie de ses journées avec une maman qui ne peut pas lui donner ce dont il a besoin sur le plan relationnel. Lui-même n’a pas encore la capacité de réaliser ce qui lui manque et de pouvoir manifester son besoin. Il peut dont rester de longs mois, voire des années, confronté à ce «manque de mère». La maman est bien là, elle s’occupe des besoins élémentaires et physiologiques de son enfant, mais sans être réellement présente psychiquement. Lorsque la dépression survient après la première ou la deuxième année de vie de l’enfant, les conséquences sur celui-ci son; différentes. Maintenant, son sentiment d’exister est plus solide, ses angoisses sont moins terrifiantes lorsque «l’autre» ne répond pas à ses sollicitations. Il a réalisé que maman n’est pas seule, qu elle n’est pas là uniquement pour lui, qu’il y a d’autres personnes qu. comptent pour elle. A ce moment, la présence du père est réellement perçue comme celle d’un troisième personnage de son monde et non plus seulement comme un second « autre » dans une relation qui ne pouvait jusqu’alors être que duelle. A cet âge, la dépression maternelle ne remet plus en cause son sentiment d’exister, mai elle peut être vécue comme une réaction de rejet ou de désapprobation face à ce qu’il fait, ce qu’il est ou ce qu’il montre.
Vidéo: Les conséquences de la dépression du post-partum : Sur l’enfant
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur: Les conséquences de la dépression du post-partum : Sur l’enfant
https://www.youtube.com/embed/aFM5iiFjOqk