Psychologie du vieillissement : L’approche différentielle et développementale
Si l’approche expérimentale postule que le vieillissement est un phénomène homogène, l’approche différentielle pose d’emblée que le phénomène est hétérogène. La question posée est alors de comprendre comment certaines personnes résistent au vieillissement alors que d’autres se dégradent voire développent des processus de sénilité. En conséquence, les facteurs tels que le sexe, le niveau d’études, la génération d’appartenance ou l’état de santé ne seront pas des facteurs à neutraliser mais ils seront considérés comme des facteurs à étudier. On les appellera alors des prédicateurs du vieillissement.
L’approche différentielle se justifie aussi par le fait que beaucoup de spécialistes affirment que l’ampleur des différences interindividuelles (hétérogénéité) augmente avec le vieillissement. Nelson et Dannefer (1992) affirment après une revue détaillée de cent quatre-vingt cinq travaux qu’il existe une augmentation de l’hétérogénéité chez les personnes âgées. Dans 65 % des travaux analysés, les chercheurs ont rapporté une augmentation de la variance (mesure statistique de l’hétérogénéité) des performances chez les âgés. Le raisonnement que fait alors le chercheur est le suivant : «Si l’hétérogénéité augmente chez les personnes âgées, c’est que certains facteurs qui n’avaient pas ou peu d’influence chez les sujets plus jeunes se révèlent influents chez les âgés.»
On constate qu’il existe globalement deux périodes dans la vie caractérisées par une forte augmentation de l’hétérogénéité : l’enfance-adolescence et la vieillesse. Une longue période, entre les deux, témoigne d’une hétérogénéité globalement stable. On peut donc parler de facteurs de développement comme de facteurs de vieillissement, causes des différences entre les individus. Le développement est ici considéré comme un processus allant de la naissance à la mort. Les Anglo-Saxons parlent d’une approche long life span.
Une telle approche nous incite à parler non plus du vieillissement mais des vieillissements ou des profils de vieillissement déterminés par un ensemble de facteurs. Yaldois et al. (1990) ont trouvé qu’au sein d’une population de personnes âgées normales il existait des sous-groupes caractérisés par des profils neurologiques différents. Une classification les a amenés à identifier six groupes différents tant au niveau qualitatif que quantitatif. A une extrémité se situe un groupe de sujets dont les performances apparaissent insensibles à l’âge, et à l’autre un groupe de sujets dont les déclins cognitifs sont particulièrement sévères. Il semble aussi exister un lien entre ces profils cognitifs et les profils de détériorations cognitives observés chez les sujets développant une maladie d’Alzheimer. Le profil de vieillissement chez la personne avant sa démence est amplifié lors de la phase d’entrée dans la maladie. Ainsi, si le profil de la personne était un déclin spécifique de son activité perceptive (mesuré par des tests visuels par exemple), alors dans la première phase de sa démence apparaîtra une accentuation grave de ce déficit perceptif. Cela expliquerait pourquoi les tableaux cliniques observés dans la première phase de la maladie d’Alzheimer sont aussi hétérogènes. Ils ne seraient en fait que l’accentuation d’une hétérogénéité prenant sa source avant que la personne ne tombe malade