Valeur de la psychanalyse
Les évaluations étaient assurées par des cliniciens indépendants et également « homogénéisés ». Cette étude a permis de conclure à une nette supériorité des deux groupes comprenant des doses efficaces d’imipra- mine. Il n’apparaissait, en revanche, pas de différences entre la psychothérapie brève d’inspiration analytique, et l’entretien psychiatrique classique, c’est-à-dire généralement chaleureux et empathique destiné à soutenir le patient déprimé.
Il est de fait que les études destinées à évaluer l’efficacité de la psychanalyse sur tel ou tel symptôme sont rares. Il semble cependant assez bien établi quelle n’influe guère sur le cours naturel de la maladie dans les phobies (assez faciles à quantifier), et que si elle est efficace dans la dépression, elle ne se différencie pas statistiquement de la bonne tape dans le dos, assortie de la poignée de main virile, du médecin paternaliste et rassurant (chacun son style !). Il n’existe pas d’étude rigoureuse dans les autres indications énumérées, notamment dans l’hystérie et l’on ne voit d’ailleurs pas bien comment quantifier une entité psychopathologique aussi protéiforme qu’insaisissable. Il est donc impossible et à la limite malhonnête, dans l’état actuel des connaissances, de conclure définitivement à l’efficacité comme à l’inefficacité de la psychanalyse.
Cependant, on peut imaginer que de telles études seront entreprises un jour, car l’évaluation des soins en santé mentale est à l’ordre du jour, dans le cadre de la maîtrise des dépenses de santé. Il est prévisible que le luxe des précautions méthodologiques utilisées, notamment l’homogénéisation des techniques de traitement psychanalytique qui transforment en procédé une approche par définition singulière et chaque fois réinventée, ne pourra qu’amener des résultats négatifs. Sur un plan épistémologique, il est indiscutable dans le cas présent que l’observation elle-même modifie l’objet de l’observation.
La majorité des études a donc été « naturaliste 1 » ou « corrélationnelle2 », comportant un large recueil de cas. D’autres approches de l’évaluation sont possibles. À défaut de groupes témoins, il est possible de comparer entre eux les effets de différentes approches psychothérapeutiques dans le but de les évaluer. Les différents paramètres pris en compte dans ce type d’évaluation peuvent être le patient, le soignant, l’entourage du malade, le mode de prise en charge, le cadre de celle-ci, éventuellement l’institution et les interactions soignant-soigné. Ce dernier élément s’est d’ailleurs révélé, dans la plupart des études évaluatives de psychothérapies, « être un des meilleurs facteurs prédictifs de succès ». Le Groupe lyonnais d’évaluation des psychothérapies a donc bâti une « échelle d’engagement du patient dans le soin » recueillant :
– les données objectives : âge du patient, conditions sociales, sexe, gravité d’un symptôme, durée de la prise en charge, nombre de séances,
– les données subjectives : degré de souffrance, investissement du patient ou du thérapeute sur le type de prise en charge étudié;
– les données symptomatiques et diagnostiques : DSM III – R, Échelle Santé-Maladie (ESM) de Luborsky, bilan d’évaluation clinique (BEC) établi par les auteurs.
À partir de toutes ces données et de leurs corrélations, les auteurs ont cherché à évaluer les changements intervenus au cours des psychothérapies, en précisant « pour tel type de patient, tel type d’approche a tendance à produire tels types de changements », se démarquant ainsi nettement du point de vue simpliste dont l’objectif serait d’affirmer : « telle approche donne de meilleurs résultats que telle autre ». Ce type d’approche a pour avantage de sortir la psychanalyse du carcan des méthodes comparatives et d’évaluer simplement si « elle fait du bien, à qui, et dans quelles conditions ». Dépassant le débat « technique placebo (non spécifique) ou non », de telles évaluations prennent acte du fait que la psychanalyse existe, a du succès et que certains sujets en sont satisfaits et d’autres non. Sans l’avouer, elles sortent la psychanalyse du domaine des « sciences dures », sans pour autant la ranger au nombre des « médecines douces ». Lui permettant d’échapper au champ de la médecine scientocratique, elles rendent son expérimentation contre placebo superflue et déplacée.
La psychanalyse aurait d’ailleurs tout à gagner à sortir du piège de la reconnaissance scientifique qu’elle n’obtiendra probablement jamais, n’étant ni reproductible ni réfutable. Si elle demeure un instrument de connaissance incomparable, amène du sens aux thérapeutes qui en ont bien besoin pour survivre face à l’irrationnel de leurs patients, et permet un merveilleux voyage à l’intérieur de soi-même, elle ne présente pratiquement aucun des critères scientifiques. Cela n’enlève rien à sa respectabilité, à partir du moment où elle accepte un statut plus humaniste et ne devrait pas poser de problème de fond, car rien n’interdit de (se) faire du bien sans être scientifique. Et c’est beaucoup. Restera cependant la question de la prise en charge par les assurances maladies. Comprendront-elles un tel discours ? C’est à souhaiter.
Vidéo : Valeur de la psychanalyse
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