Une comptabilité calorique bien peu efficace
À la suite des découvertes scientifiques et du changement de mode de vie, le concept des calories est devenu omniprésent dans l.i réflexion diététique, marginalisant les effets spécifiques des aliments. L’origine de cette déviation provient d’une analyse scientifique réductrice centrée sur la composition énergétique des aliments et bien trop éloignée de la complexité des problèmes nutritionnels. En découvrant les principales classes de substrats énergétiques et leur accompagnement en minéraux et vitamines, les scientifiques ont paradoxalement induit des biais alimentaires et nutritionnels de plusieurs ordres. Cette analyse a contribué, en particulier aux États-Unis, à marginaliser les fruits et légumes dont on ne voyait pas le réel intérêt énergétique. Surtout l’extraction de la fraction énergétique des aliments, par la production de sucres, d’huiles, de farines, est devenue le fil directeur des industries de première transformation alimentaire générant une activité économique florissante. La voie était ouverte non seulement au Coca-Cola, aux fast-foods, aux gadgets alimentaires mais aussi à une large industrie de fractionnement et de recomposition alimentaire.
L’analyse des calories ingérées est aussi devenue une approche Irop prégnante en diététique. Combien de promotions de diététiciens ont équilibré les régimes en calories en utilisant les aliments qui simplifiaient leur comptabilité. Beaucoup d’approches diététiques sont trop centrées sur le calcul des divers apports de nutriments ou micronutriments et ne mettent pas suffisamment en relief l’équilibre nutritionnel résultant de l’assemblage et de la diversification alimentaires.
Même s’il est averti de leur valeur énergétique, il est bien difficile pour le sédentaire de contrôler sa prise calorique lorsqu’il dispose d’aliments de densité énergétique plutôt élevée qui ne facilitent pas la perception de la satiété. C’est l’offre d’une grande diversité de produits énergétiques assimilables (aliments ou boissons de petit déjeuner et de goûter, pizzas industrielles, jus de fruits, sandwichs divers, desserts lactés, glaces, etc. ) qui entraîne progressivement les consommateurs les plus passifs et surtout les plus jeunes dans une spirale d’inflation calorique susceptible de générer à la longue des problèmes métaboliques.
Le développement actuel du diabète, de l’obésité et des maladies métaboliques est une preuve évidente de l’inadaptation de l’offre alimentaire. Cela provient en particulier du fait que l’on a largement dissocié dans l’élaboration des aliments la fraction énergétique de son environnement naturel. Il est évidemment possible de rectifier le tir en maîtrisant l’ensemble des étapes de l’élaboration de la qualité des aliments. Finalement, cette évolution vers une pléthore d’aliments énergétiques, sans doute mal adaptés à la physiologie humaine, a été provoquée par une logique économique pesante à laquelle ont été contraints les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire et elle a également été favorisée, soutenue par une peur viscérale de l’homme de ne pas avoir assez à manger. Cela a favorisé un productivisme agricole, l’essor des industries de transformations et le gigantisme de la grande distribution. Sans politique nationale ou internationale pour concevoir et coordonner une chaîne alimentaire adaptée à l’homme, sans discours nutritionnel suffisamment clair, sans la prégnance de repères culturels trop évolutifs, il n’est pas étonnant que le système de production-distribution alimentaire ait dérivé vers des voies surprenantes et souvent peu sûres.