Un capital santé à acquérir précocement
L’impact de la nutrition sur la santé se décline à l’échelon de la vie entière, mais il est facile de comprendre l’importance de certaines étapes clés dans le devenir de l’homme. Sans que nos connaissances soient suffisamment précises, la fertilité humaine et le développement fœtal sont très dépendants d’un bon environnement nutritionnel. De nombreuses observations ont fait état d’une baisse sensible de la densité en spermatozoïdes chez l’homme ; est-ce lié au mode de vie, à la nutrition, à l’environnement ? Cette question est ouverte, l’abondance des calories vides est sans doute peu favorable à une bonne spermatogenèse. De plus la pollution environnementale exerce peut-être des effets néfastes à long terme sur la reproduction encore insoupçonnés.
Autant il est facile de montrer les effets négatifs de la malnutrition, de l’alcool, du tabagisme, de l’obésité sur le devenir du fœtus, autant il est difficile de mettre en évidence la totalité des effets bénéfiques exercés par une nutrition adaptée à l’état de gestation (dans tous les cas, l’organisme maternel se mobilise au maximum pour satisfaire les besoins du fœtus). Il est frappant que la malnutrition fœtale conduisant à des bébés de très faible poids à la naissance puisse induire une prédisposition chez l’adulte à la survenue de l’obésité et du diabète dans un nouvel environnement trop riche en énergie. Le déterminisme d’une telle influence n’est pas connu, une hypothèse probable serait l’implication de facteurs épigénétiques, aboutissant à la modulation durable de l’expression des gènes vers une plus forte sensibilité aux maladies dites de civilisation. Il est notable que l’essentiel des recherches en nutrition préventive ait porté sur l’influence de l’alimentation dans les processus de vieillissement durant l’âge adulte alors que l’avenir de nos cellules se construit plus précocement.
Les bienfaits de l’allaitement maternel pour la physiologie du bébé n’ont plus à être démontrés, cependant la qualité de cette nutrition infantile est fortement tributaire de la bonne alimentation de la mère. Sans un apport équilibré en acides gras essentiels dans son régime, l’organisme maternel a de la difficulté à fournir les acides gras indispensables au développement cérébral du bébé. C’est ainsi qu’on a pu noter l’influence des matières grasses consommées sur la qualité du lait maternel. Même si sa composition n’est pas toujours idéale du fait des déséquilibres éventuels de l’alimentation de la mère, le lait maternel demeure dans la majorité des cas mieux adapté à la physiologie du nourrisson que les laits 1er âge, pourtant élaborés en vue de reproduire le lait maternel. De plus l’allaitement au sein contribue à prévenir la prévalence des allergies alimentaires qui est très fréquente durant les quatre premières années de la vie.
Le capital santé des enfants et adolescents s’élabore à partir d’une multitude de facteurs génétiques, nutritionnels, affectifs, sociaux que l’on a coutume de considérer séparément alors qu’ils forment un tout fort complexe et intimement imbriqué. Parce que le goût des jeunes est loin d’être formé, parce qu’ils ont besoin de vaincre leur néophobie alimentaire, parce qu’ils sont attirés facilement par des aliments riches en calories vides, parce qu’ils ont des besoins très élevés, l’alimentation actuelle des jeunes générations pose de graves problèmes en termes d’élaboration de la santé sur le long terme. Certes, les conséquences de mauvais régimes alimentaires sont déjà visibles avec l’augmentation de la surcharge pondérale qui touche plus d’un enfant sur dix, mais, dans la majorité des cas, une certaine malnutrition n’est pas facile à détecter et ne se traduira que quelques dizaines d’années plus tard par une plus forte propension à diverses pathologies. Si l’adolescent s’expose au tabagisme et consomme fort peu de fruits et légumes, il est bien probable que cela ait des répercussions très négatives sur son état de santé ultérieur. Il est remarquable aussi que l’abondance alimentaire ait contribué à améliorer sensiblement la taille des nouvelles générations. En fait l’impact des facteurs environnementaux sur l’élaboration de la santé durant la jeunesse est encore bien peu étudié. Même s’ils veulent parfois se démarquer de leurs parents et s’ils ont des besoins différents, les enfants et les adolescents ont un comportement alimentaire fortement dépendant de l’environnement familial, lequel d’ailleurs les imprégnera longtemps. Encore une lourde responsabilité à assumer de la part des parents qui doivent aussi assurer la santé à venir de leur progéniture par des choix alimentaires éclairés.