Promouvoir de nouveaux modes alimentaires
Avec un ensemble de produits céréaliers et de féculents, une grande diversité de fruits et légumes, de viandes, de poissons, de produits laitiers ou d’autres produits animaux, un usage courant d’ail, d’oignon et d’échalote, de miel, de graines et de fruits secs, une grande disponibilité en épices, herbes ou aromates, mais aussi d’autres merveilles alimentaires, il existe des milliers de recettes possibles en accord avec une bonne nutrition préventive. Toutes ces denrées, directement ou après des transformations de base, permettent une excellente alimentation à condition toutefois de posséder le savoir-faire culinaire et de consacrer suffisamment de temps à la préparation du repas.
Dans l’immense patrimoine culinaire mondial, il est possible de puiser un nombre impressionnant de préparations culinaires valables à la fois sur le plan diététique et sur le plan d’une utilisation rationnelle des ressources alimentaires. Plusieurs milliers d’ouvrages relatent ce savoir-faire ancestral ou moderne, et paradoxalement cette mine empirique a été peu exploitée par les nutritionnistes pour en réaliser des analyses scientifiques d’ensemble, pour proposer des améliorations, des synthèses, des adaptations à la vie moderne, pour enrichir nos modes alimentaires dans une optique de bien-être et de santé publique.
L’amélioration de la qualité des matières premières et de l’offre en produits transformés est certes un préalable au développement d’une alimentation de qualité, mais le facteur limitant le plus important concerne le savoir-faire culinaire des populations. Aucune politique nationale d’envergure dans le domaine de l’alimentation et de la santé n’a été focalisée sur l’acquisition de modes alimentaires plus évolués, à la fois sur le plan culturel et diététique. À la place de cette orientation, la politique de développement alimentaire a presque entièrement été dirigée vers l’essor des produits transformés, rendant ainsi le consommateur passif et de plus en plus dépendant de l’offre industrielle.
Le bilan de l’activité agroalimentaire est très complexe, parfois positif lorsqu’il permet l’utilisation d’aliments que le consommateur aurait du mal à se procurer ou à traiter lui-même, parfois négatif lorsqu’il décourage les hommes et les femmes, avec des produits attrayants et compétitifs, de se prendre en charge et d’utiliser dans la cuisine des aliments complexes de bonne densité nutritionnelle. Par ailleurs, l’approche industrielle est peu adaptée au « bricolage » quotidien de l’art culinaire, à la nécessité de traiter en permanence des produits frais qui aient gardé leur complexité et leurs qualités nutritionnelles. Les contraintes de temps liées à la vie moderne semblent constituer un obstacle
insurmontable pour la gestion au quotidien de régimes alimentaires confectionnés avec des aliments peu transformés. Puisque cette difficulté existe, les solutions peuvent être trouvées en créant une autre organisation sociale de la distribution alimentaire. Au lieu de favoriser toujours plus de concentration des productions dans des grandes entreprises, il serait souhaitable de diversifier le nombre et la nature des acteurs pour assurer davantage d’offres de restauration, de préparations ou de produits prêts à cuisiner de bonne qualité, de services divers. Par le biais d’une industrialisation excessive, les consommateurs et de nombreux acteurs potentiels sont dépossédés de leur participation à la chaîne alimentaire, et il semblerait prudent d’équilibrer les deux voies possibles de préparation des aliments à l’échelon de proximité et à l’échelon industriel.
Finalement, un des problèmes essentiels de l’homme en matière d’équilibre alimentaire est de ne pas se tromper sur la qualité nutritionnelle et le goût des aliments qui conviennent à sa physiologie, à son bien-être et à sa santé. Or beaucoup de conditionnements, d’artifices de présentation ou de composition, d’influences publicitaires, parfois familiales ou culturelles, détournent le consommateur d’un choix judicieux sur tous les plans. Pis, le vrai goût des aliments finit progressivement par être perdu et détourné au profit d’aliments transformés. Cette dérive des goûts déjà observée sur l’animal guette ainsi nos enfants, et il y a lieu de réagir le plus rapidement possible par une prise en charge plus directe de notre alimentation.