Préserver la complexité alimentaire
L’effet santé des glucides a été relié trop schématiquement à leur index glycémique alors que leur densité nutritionnelle est une de leurs qualités primordiales. La plupart des sources de glucides comprennent une très grande diversité d’autres composés qui jouent un rôle dans leur impact physiologique. La compréhension du rôle de ces autres constituants aurait dû mettre un frein à la production de glucides purifiés, ce qui n’a pas été le cas. Pour que l’absorption et le métabolisme du glucose ou du fructose soient optimisés, il faut que les glucides soient accompagnés d’éléments complémentaires ou synergiques tels que les protéines, les fibres alimentaires, les minéraux et les micronutriments. En fait, ces éléments sont tous apportés par les céréales complètes, les légumes secs et la plupart des fruits et légumes, et sont perdus dans les glucides purifiés ou retrouvés en quantité insuffisante dans les produits raffinés. Il existe en particulier une complémentarité essentielle entre glucides et protéines : les glucides ont un moindre effet hyperglycémiant lorsqu’ils sont accompagnés d’un taux normal de protéines, et réciproquement l’apport glucidique facilite la synthèse protéique à partir des acides aminés.
De même que les glucides doivent être environnés de protéines, il est important qu’ils soient inclus dans une matrice alimentaire constituée par les fibres non digérées dans l’intestin grêle. Cela permet d’étaler l’absorption des glucides notamment lorsque les fibres enchâssent les grains d’amidon ou ont une viscosité suffisante pour ralentir la vitesse d’absorption du glucose. La présence de fibres permet également d’entretenir des fermentations symbiotiques dans le côlon, de régulariser le transit digestif et de favoriser l’état de satiété.
L’apport de glucides doit être également accompagné d’une teneur suffisante en minéraux, en potassium, en magnésium dont l’alimentation de type occidental est bien mal pourvue. On sait à quel point la consommation excessive de glucides purifiés s’effectue sans la présence de potassium, or ce minéral accompagne toujours les sucres des fruits.
Les glucides ont tellement eu une place centrale dans l’alimentation humaine que les procédés alimentaires ou les usages individuels ont conduit à les déconnecter des autres composés nutritionnels auxquels ils doivent être obligatoirement associés, si bien, par exemple, que l’apport en fibres alimentaires est devenu en moyenne très insuffisant. De plus, des travaux récents ont bien mis en évidence le caractère pro-oxydant des glucides isolés de leur matrice naturelle (en particulier du saccharose et du fructose). On comprend tout l’intérêt de l’environnement antioxydant* potentiellement présent dans de nombreux produits végétaux. La vitamine C et les caroténoïdes, ainsi qu’une très grande diversité de polyphénols, participent à la protection de l’organisme face aux risques liés au métabolisme des glucides. De ce point de vue, il est difficile de mettre sur le même plan le sucre purifié ou les sucres présents dans les fruits et légumes ou le miel. Il est évident que, si le développement des transformations agroalimentaires, à l’origine de la « transition nutritionnelle » que nous avons connue, se mettait en place aujourd’hui, il y aurait une forte incitation à purifier le moins possible les sources de glucides.