Pourquoi faut-il marier produits animaux et végétaux ?
La consommation de viandes dans leur diversité, qu’il s’agisse de viandes de ruminants, de volailles, de poissons, de lapins, de gibiers mais aussi d’œufs et de charcuteries, ne doit pas être dissociée d’un apport complémentaire de produits végétaux pour équilibrer la prise alimentaire en glucides mais aussi en fibres, minéraux et micronutriments. Il en va de la maîtrise de l’effet acidifiant des viandes mais aussi de leurs effets métaboliques, de la protection cardio-vasculaire, et sans doute de la prévention d’autres pathologies. Une des recommandations les plus fortes en nutrition pourrait être : « Jamais de viandes sans légumes. » En pratique, il est même utile de cuisiner le plus possible les légumes et les viandes simultanément plutôt que de les préparer séparément. Il en va de la saveur des légumes mais aussi de la protection contre les oxydations des viandes par les micronutriments d’origine végétale. Épices, herbes et aromates peuvent également contribuer à parfaire le goût et à préserver les composés alimentaires. Les fruits peuvent indifféremment être utilisés à la place des légumes en association avec les viandes. La culture culinaire française associe fréquemment un seul légume à une viande ; associer une plus grande diversité de légumes aux viandes peut être justifié pour accroître la diversité des micronutriments.
Dans une optique de nutrition préventive et de lutte contre l’hypertension, il faut limiter les apports de sel, mais aussi augmenter sensiblement les apports de potassium. C’est pourquoi les charcuteries, les fromages ou les autres produits animaux salés devraient être consommés avec des produits végétaux riches en potassium (pommes de terre, légumes secs, légumes, fruits) plutôt que seulement avec du pain déjà riche en sel et pauvre en potassium. Jamais de jambon sans pommes de terre ou melon, de boudin sans pommes, de fromages sans légumes ou fruits.
La consommation de produits laitiers est mandations très fortes, notamment pour l’apport en calcium est particulièrement étonnant que ces conseils diététiques soient le plus souvent déconnectés de l’environnement alimentaire, si bien que le consommateur est encouragé à consommer un pro duit laitier par repas quelle que soit la nature de celui-ci. Cet objectif d’une couverture maximale des ANC en calcium par le recours systématique à une même classe d’aliments est critiquable du point de vue nutritionnel. Le lait est un aliment relativement équilibré au niveau de ses effets acido-basiques, ce qui est indispensable à la fixation du calcium. Par contre, les fromages salés sont des aliments acidogènes, peu favorables à la fixation du calcium. Ainsi, ces fromages mais aussi les autres produits laitiers gagnent à être associés aux fruits et légumes qui ont des propriétés alcalinisantes favorables à la réduction des pertes de calcium urinaire.
La base de nombreux petits déjeuners est composée de produits céréaliers et de produits laitiers. L’index glycémique de ce type d’association est plutôt amélioré par la présence de lactose. L’équilibre protéines-glucides de cet ensemble est satisfaisant pour induire une protéosynthèse postprandiale. Les carences respectives du lait et des céréales en minéraux et micronutriments sont corrigées par leur association. Le lait compense la pauvreté en calcium des céréales, et celles-ci la carence en fer du lait. Il est clair que ce sont les céréales peu raffinées qui complètent le mieux la composition du lait. La consommation de céréales raffinées, de biscuits ou de viennoiseries ne suffit pas à équilibrer les apports nutritionnels du lait et des yaourts ; cette association est trop pauvre en oligo-éléments, l’apport de fibres dans cet ensemble est trop faible, la teneur en acides gras saturés trop élevée. Même l’association produits laitiers et céréales complètes relativement satisfaisante sur de nombreux plans (qualité des protéines, teneur en fibres, en calcium, magnésium, vitamines) gagne à être enrichie par des sources d’antioxydants ou par des éléments alcalinisant. C’est pourquoi l’association plus large céréales-fruits-lait-yaourt constitue une complémentarité très satisfaisante, largement utilisée dans les populations végétariennes. Elle constitue une bonne formule de petit déjeuner. Il est évident par contre que la consommation de yaourts ou de desserts lactés au cours d’un repas chargé en viandes et pauvre en crudités ou en fruits est relativement peu justifiée, en particulier pour l’excès final de protéines et de lipides que la réunion de ces aliments entraîne. Dans ce sens, la recommandation diététique classique visant à consommer un produit laitier à chaque repas devrait être revue. Il faut noter que la tradition juive interdit les associations viandes-produits laitiers ; une recommandation laïque pourrait être : pas deux sources d’acides gras saturés au même repas. Notons que, dans de nombreux restaurants, on atteint très facilement plus de trois sources.
Il est particulièrement important de maîtriser l’environnement alimentaire des fromages pour atteindre un bon équilibre acido-basique et fournir les minéraux et micronutriments complémentaires de ceux du fromage. Dans la pratique, une préparation de pâtes alimentaires ou de pizza avec du fromage et un faible accompagnement en légumes n’est pas satisfaisante sur le plan nutritionnel. D’ailleurs, dans les régions telles que l’Auvergne, où le fromage est consommé en quantité très importante, sans un environnement alimentaire suffisamment riche en produits végétaux, la prévalence des maladies cardio-vasculaires semble plutôt élevée. À l’inverse, les Crétois, grands consommateurs de feta, utilisent ce produit avec une alimentation végétale suffisamment diversifiée et complémentaire, ce qui se traduit par une faible incidence des pathologies cardiaques.
Les produits laitiers sont donc par essence des aliments peu équilibrés pour l’adulte qui nécessitent d’être associés avec des produits complémentaires. Dans les populations occidentales, fortes consommatrices de produits laitiers, c’est certainement l’excès de consommation des autres produits animaux souvent salés et l’insuffisance d’apport de fruits et légumes qui expliquent l’inefficacité de ces régimes dans la prévention de l’ostéoporose. De ce point de vue, la population lacto-végétarienne, lorsqu’elle consomme également des céréales complètes et des fruits et légumes en abondance, utilise les produits laitiers dans les meilleures conditions nutritionnelles possibles. Les produits laitiers doivent retrouver une juste place dans l’alimentation et ne pas être survalorisés et utilisés systématiquement.
L’impact des boissons est également dépendant de l’accompagnement alimentaire. Il est trivial d’observer que le vin à table modifie peu le métabolisme, alors que, pris en apéritif, il a des effets hypoglycémiants très marqués. De nombreuses eaux sont riches en minéraux et en particulier en sulfates. La biodisponibilité du calcium et du magnésium de ces boissons, riches en sulfate, peut être faible avec des régimes acidogènes, riches en protéines, ou excellente lorsque leur consommation est associée à des aliments alcalinisants.
En conclusion, la nature des complémentarités et des synergies entre aliments et composés alimentaires est loin d’avoir été bien explorée. Trop souvent des aliments présentant les mêmes ingrédients et des compositions voisines sont associés dans le même repas ; c’est en particulier le cas de nombreux produits issus de l’industrie agroalimentaire. Ainsi, malgré un contexte d’abondance, l’offre alimentaire actuelle ne favorise pas l’utilisation d’une gamme suffisante d’aliments peu transformés, en particulier dans le domaine des produits végétaux. Pourtant il y a un réel intérêt à diversifier la consommation de fruits, de légumes, de céréales, de fruits secs, de fruits et de graines oléagineuses plutôt que de multiplier à l’extrême l’offre en produits transformés de composition voisine. L’adoption d’un comportement nutritionnel de prévention repose sur une diversification alimentaire réelle et sur des règles simples d’associations d’aliments complémentaires. De plus, cette diversité, avec toutes les associations possibles ou souhaitables, gagne à être déclinée principalement à l’échelon de la semaine.