Mieux gérer la santé par l'alimentation : Le naturel devient suspect
Jusque vers les années 1970, le rôle des fibres dans les fermentations intestinales chez l’homme était ignoré, bien que l’on connût leur importance pour les espèces herbivores. Dans ces années glorieuses du développement des transformations alimentaires et de l’extraction de l’énergie des aliments, les fibres devinrent même suspectes d’exercer de nombreux effets antinutritionnels, de gêner l’absorption des minéraux, voire de diminuer la digestibilité des protéines. Ainsi, l’homme avait trouvé la bonne parade en débarrassant les aliments d’une fraction sans intérêt énergétique.
Alors que les produits végétaux complexes, riches en fibres, ont une forte densité nutritionnelle en minéraux et micronutriments, diverses recherches semblaient montrer que la consommation des fibres avait un effet déminéralisant. Cela s’est avéré complètement inexact. Pourtant le discours diététique courant met encore l’accent sur ce point. Certes, l’élévation de l’absorption intestinale des minéraux n’est pas proportionnelle à l’augmentation des quantités ingérées, mais il s’agit d’une caractéristique physiologique bien classique pour ces éléments. Néanmoins, le bilan nutritionnel est en faveur des produits complets par rapport aux aliments raffinés. Des recherches récentes ont même montré que les glucides fermentescibles, en abaissant le pH intestinal, contribuaient à prolonger l’absorption des minéraux dans les parties distales de l’intestin. On est loin des effets antinutritionnels annoncés par les nutritionnistes il y a environ trente ans. Cependant, ce discours sur les effets déminéralisant des fibres alimentaires continue parfois à être enseigné, ce qui est une illustration des conséquences à long terme de résultats de recherches mal interprétés.
Bien d’autres arguments pourraient être versés pour illustrer l’intérêt nutritionnel des fibres alimentaires. Le fait quelles soient indispensables à l’élimination digestive du cholestérol et des sels biliaires montre également leur intérêt diététique majeur. En fait, il est important d’avoir une approche globale de la nutrition préventive. Il est remarquable que le niveau de consommation de fibres alimentaires, lorsqu’elles sont apportées par des végétaux complexes, permette de prédire la sûreté des modes alimentaires pratiqués. Le raffinage poussé des aliments a conduit à une réduction de plus de moitié de la consommation de fibres alimentaires. Cela a contribué à générer des problèmes digestifs nouveaux et surtout à développer dans certains cas une sorte d’intolérance aux fibres auxquelles l’homme était habitué depuis toujours. Voulons- nous devenir des sortes de mutants entièrement inadaptés à des aliments naturels ?