Mieux gérer la santé par l'alimentation : Entretenir les fermentations coliques
Grâce à la complexité des produits végétaux, à leur richesse en fibres et en antioxydants, des fermentations actives peuvent se développer à des pH physiologiques tout au long du gros intestin. Cette digestion bactérienne des fibres aboutit à la production d’acides gras à chaîne courte (de type acétique, propionique ou butyrique) qui sont absorbés par la paroi du côlon. Ce mécanisme
de digestion fermentaire a un caractère universel, il est présent dans toutes les espèces animales et particulièrement actif chez les herbivores. Chez l’homme, cette production d’acides gras à chaîne courte est bénéfique pour le bon état de la paroi du côlon, pour la conservation de l’eau et des minéraux et indirectement pour l’élimination de nombreux déchets. Chez nos ancêtres chasseurs- cueilleurs, la récupération de l’énergie des fibres dans le gros intestin sous forme de métabolites bactériens assimilables a dû être fort précieuse. La problématique actuelle est bien différente.
Le déroulement de la digestion microbienne du côlon est loin d’être toujours idéal chez l’homme, tout simplement parce que l’alimentation courante est riche en produits de cuisson, en résidus divers, et trop pauvre en fibres végétales. Dans cette situation, la qualité de la flore hébergée peut se dégrader, et les conditions qui règnent dans le côlon ne deviennent pas particulièrement favorables pour le maintien de la paroi digestive. Le bon fonctionnement du gros intestin peut s’en ressentir, le transit intestinal est souvent irrégulier, le changement d’environnement alimentaire est très mal toléré. Cela ne représente que la face visible de l’iceberg puisque la paroi du côlon peut réagir à des conditions fermentaires médiocres par le développement de tumeurs malignes. On sait l’importance de la prévalence du cancer du côlon dans les pays occidentaux, et il a bien été montré que ce cancer était lié aux modes alimentaires puisque les populations asiatiques, migrantes aux États-Unis, présentent une incidence élevée pour ce cancer à la deuxième génération, lorsqu’elles ont adopté la façon de s’alimenter des Américains.
On a cherché à attribuer la prévention du cancer du côlon à la fraction « fibres » avec parfois des résultats épidémiologiques peu convaincants. C’est plutôt la qualité des fermentations symbiotiques qui règnent dans le côlon qui permet une protection efficace. Pour cela, il faut que l’alimentation comporte des fibres de fermentescibi lité différente bien accompagnées de micronutriments. La durée de séjour du bol alimentaire dans le côlon est très longue (souvent plus de vingt-quatre heures), or la flore bactérienne a besoin de disposer de glucides fermentescibles même dans les parties distales du côlon. Ainsi, une alimentation comprenant à la fois des produits céréaliers et des fruits et légumes apporte cette gamme de fibres alimentaires de vitesse de dégradai mu variable, favorable à la physiologie du côlon. Ces aliments in lies en fibres ont aussi l’intérêt d’apporter une diversité de minéraux et de micronutriments indispensables pour contrôler l’activité microbienne et protéger la paroi du côlon.
Après avoir pratiqué à grande échelle l’extraction de la frac- I i< ni énergétique et le rejet des fibres des aliments, les professionnels de l’alimentation, jamais à court d’imagination, ont donc essayé de réintroduire des fibres en particulier pour bénéficier de leur image santé. Cette démarche est peu logique, de plus elle est peu efficace sur le plan physiologique. L’addition de fibres ne reproduit pas une matrice naturelle. Lorsqu’il s’agit de composés purifiés comme les oligosaccharides, ils sont trop vite fermentés pour exercer un effet bénéfique au niveau du côlon, et, surtout, l’impact des fibres ne peut être isolé des nombreuses substances qui leur sont associées. Il est cocasse de noter aussi que les industriels ont cherché à blanchir les fibres pour les débarrasser de toute impureté.
Lorsque le côlon est bien alimenté en fibres fermentescibles (celles des parois primaires des cellules jeunes) naturellement préférées par l’homme, la prolifération bactérienne dans le contenu digestif est considérable. Dans ces conditions, la possibilité de bénéficier d’un apport supplémentaire de bactéries susceptibles de transiter vivantes dans le tube digestif et de contrer par exemple l’action des bactéries pathogènes est sans doute limitée à l’intestin grêle. Cela n’a pas empêché le développement d’une industrie florissante de ces probiotiques avec des arguments incantatoires de protection digestive. Si cette protection peut se manifester, il est à craindre que l’équilibre alimentaire d’ensemble du sujet et en particulier l’apport en fibres alimentaires soient bien peu satisfaisants.