LES TUMEURS DU FOIE:LES TUMEURS MALIGNES
Primitives ou secondaires, les tumeurs hépatiques malignes sont toujours d’un sombre pronostic. A la différence tout fois des carcinomes hépato-cellulaires et des angiosarcomes dont l’évolution est rapidement fatale, les cholangiocarcinomes sont d’évolution plutôt lente, tandis que le pronostic des tumeurs métastatiques est directement lié à la nature du cancer primitif.
LES CANCERS PRIMITIFS DU FOIE
Trois types de cancers primitifs du foie peuvent être distingués, selon les éléments à partir desquels ils se constituent :
— le carcinome hépato-cellulaire, qui se développe aux dépens des hépatocytes ;
— le cholangiocarcinome, formé à partir de cellules des voies biliaires ;
— l’angiosarcome, développé à partir des cellules réticulo-endothéliales.
Le carcinome hépato-cellulaire
C’est le plus fréquent des cancers primitifs du foie, et son incidence subit des variations géographiques importantes, l’Afrique et l’Asie du Sud-Est étant à cet égard les contrées les plus touchées. L’association dans certaines régions d’une infection par le virus B de l’hépatite et de certains aliments réputés cancérigènes
joue certainement un rôle dans cette répartition.
Ce cancer survient presque toujours sur un foie préalablement lésé (cirrhose alcoolique ou post-hépatitique — B le plus souvent —, hémochromatose, traitement par les stéroïdes androgènes ou les contraceptifs oraux). Sa survenue est plus fréquente chez l’homme que chez la femme.
Les éléments diagnostiques
• Les signes cliniques
Les circonstances de découverte sont variables. La maladie peut être suspectée sur :
— une sensation de douleur ou de pesanteur au niveau de l’hypocondre droit, accompagnée ou non d’une altération importante de l’état général ;
— la décompensation brutale et rapide d’une cirrhose connue.
L’examen clinique retrouvera une hépatomégalie, dure, souvent sensible ou douloureuse. Parfois régulier, si la tumeur est à développement central, le foie présentera ailleurs une tuméfaction siégeant à la face antérieure ; enfin, si l’atteinte est multiple, un aspect de foie nodulaire pourra être réalisé. Parfois, à l’auscultation, on perçoit un frottement ou un souffle vasculaire continu ou systolique.
Des .signes associés seront recherchés, en particulier la présence d’une ascite qui sera alors ponctionnée, un aspect hémorragique étant en faveur de la nature maligne de l’hépatomégalie. On recherchera des localisations métastatiques de la maiadie cancéreuse
Les examens complémentaires
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La biologie
Les examens biologiques permettent de retrouver une élévation de la vitesse de sédimentation associée à un syndrome inflammatoire.
La constatation d’une polyglobulie doit faire rechercher l’existence d’un carcinome hépato-cellulaire (au même titre qu’un cancer du rein).
Le bilan hépatique révèle des signes de cholestase avec une rétention de la BSP et une augmentation des phosphatases alcalines, qui est parallèle à celle des 5′ nucléotida- ses, signant l’atteinte hépato-biliaire. Les gamma CT sont également élevées. Cependant, lorsque la tumeur est de petite taille, ces anomalies peuvent faire défaut. Le dosage de antigène carcino-embryonnaire montre que ce dernier est présent dans le sang à un taux é evé. Cet antigène n’est pas spécifique de la maladie, mais Tes variations de ses taux sont jn bon témoin de l’évolutivité du cancer, aussi cet examen sera-t-il répété pour surveil- er l’évolution.
Le dosage de l’alpha-fœto-protéine est, ui, plus spécifique puisque, chez 60 % au -‘loins des sujets atteints de carcinome népato-cellulaire, les taux en sont franchement augmentés. La présence de taux très élevés, supérieurs à 2 000 microgrammes par tre, est considérée comme l’apanage quasi exclusif du cancer du foie. Toutefois, d’autres :jmeurs malignes, en particulier embryonnai- *es ou du tube digestif, ainsi que des maladies « épatiques non tumorales (l’hépatite virale en oarticulier) peuvent provoquer une élévation, Habituellement plus modérée du taux de =* -fœto-protéine. Il en est de même au cours de la grossesse. Il est donc important de renouveler cet examen. Les taux obtenus sont un fidèle reflet de l’évolution de la maladie : ils s’élèvent
lorsque celle-ci progresse, reviennent à la normale lorsqu’un traitement (chirurgie) s’est révélé efficace, et augmentent de nouveau en cas de métastase ou de récidive locale.
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Les autres examens complémentaires
— La radiographie sans préparation de l’abdomen confirme l’hépatomégalie et visualise d’éventuelles déformations ou une surélévation de la coupole droite (lorsque la tumeur est à développement supérieur). Plus rarement, des calcifications intra-tumorales existent, qui réalisent une image en soleil.
— La scintigraphie hépatique classique révèle l’existence de lacunes uniques ou multiples, mais elle ne peut en préciser la nature. La scintigraphie au citrate de gallium, en revanche montre une hyperfixation.
— L’échographie précise la nature solide de la tumeur, et peut mettre en évidence une nécrose de ia masse.
— La tomodensitométrie apporte encore plus de finesse au diagnostic des lésions.
— La laparoscopie ne pourra retrouver la tumeur que si elle atteint la face antérieure du foie. Cette tumeur est de taille variable, de couleur jaunâtre ou polychrome.
— La biopsie hépatique, pratiquée avec prudence car ces tumeurs sont nypervas- cularisées, et de préférence sous contrôle laparoscopique, permet d’affirmer le diagnostic. On retrouve des hépatocytes plus ou moins différenciés ; cependant, la taille des cellules est plus petite que la normale et les noyaux sont gros et hyperchromes. Les mitoses sont nombreuses. Les cellules se disposent en travées irrégulières, en nappes ou en vésicules
— L’artériographie hépatique montre un étirement et un refoulement des artères hépatiques par la tumeur. Au temps parenchymateux, on constate une hypervascularisation, avec des vaisseaux irréguliers, fragmentés, tortueux. Cet examen, qui n’est pas indispensable au diagnostic, doit être réalisé lorsqu’on envisage un traitement chirurgical du cancer.
L’évolution
L’évolution est le plus souvent fatale en 6 à 12 mois après l’apparition des premiers signes cliniques. Cependant, il existe des formes d’évolution très rapide, où la mort survient en quelques semaines.
Des complications peuvent survenir : compression ou envahissement des organes de voisinage, ictère ou insuffisance hépato- cellulaire du fait de l’extension tumorale dans le parenchyme hépatique, hémorragie intra- tumorale avec syndrome douloureux brutal de l’hypocondre droit, hémopéritoine enfin par rupture de la tumeur hypervascularisée, cette dernière complication étant presque toujours mortelle.
Le traitement
Le traitement est le plus souvent décevant. L’hépatectomie partielle, réalisant l’exérèse de la tumeur donne les meilleurs résul tats. Il faut :
— que la tumeur soit localisée ;
— qu’il n’existe pas de métastases extra-hépatiques ou alors qu’il s’agisse de tumeurs extirpables ;
— que le reste du parenchyme hépatique soit normal ou peu altéré.
De plus, les récidives après exérèse sont fréquentes. La ligature de l’artère hépatique a pu être proposée, pour déterminer la nécrose des tumeurs malignes. Elle permet souvent un apaisement des douleurs et une diminution du volume de la tumeur, mais elle n’augmente pas la durée de la survie. Dans le même ordre d’idées, on a proposé l’embolisa- tion artérielle sélective, dans les hépatoméga- lies tumorales douloureuses. Cette méthode a l’avantage de pouvoir se pratiquer sous neurolepanalgésie ou même sous anesthésie locale.
La radiothérapie est habituellement peu efficace, mais elle peut avoir une certaine action antalgique. Quant à la chimiothérapie, ses résultats sont inconstants. Elle peut se faire par voie générale ou être sélective, les drogues étant injectées dans l’artère hépatique ou dans l’une de ses branches.
La transplantation hépatique a pu être proposée chez certains patients. Cependant, une récidive tumorale survient dans 60 % des cas.
L’angiosarcome
L’angiosarcome est une tumeur très rare oui se développe aux dépens du tissu réticulo-endothélial. Sa survenue peut être favorisée par l’action de certaines substances : thorotrast, chlorure de vinyl, stéroïdes anabolisants ou arsenic organique. Il semble que les contraceptifs oraux puissent également être mis en cause, car, cnez les femmes utilisant ces produits, on observe des modifications vasculaires .et parenchymateuses hépatiques ressemblant aux lésions initiales de l’angiosarcome hépatique, avec hyperplasie hépato-cellulaire et hyperplasie des
cellules sinusoïdales.
Les éléments diagnostiques
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Les signes cliniques
Le foie augmente de volume en formant des nodules caverneux. Il existe souvent une ascite sanglante. A l’auscultation, on peut retrouver un souffle vasculaire au niveau du foie.
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Les examens complémentaires
Le diagnostic sera porté sur les données de l’examen de la biopsie hépatique qui montrera des modifications caractéristiques des cellules endothéliales, qui sont plus ou moins dédifférenciées, de forme variable avec de nombreuses atypies nucléaires.
L’évolution
Elle est très rapidement fatale. La tumeur, très évolutive, envahit rapidement tout le foie puis les organes de voisinage, une extension à la peau étant possible. On observe parfois une rupture hémorragique de ces tumeurs.
Le traitement
Les méthodes thérapeutiques proposées sont les mêmes que dans le carcinome hépato-cellulaire. Les résultats sont habituellement très décevants.
Le cholangiocarcinome
C’est une tumeur rare, qui se développe aux dépens des cellules des voies biliaires intra-hépatiques. Elle atteint plus souvent les sujets âgés.
Les éléments diagnostiques
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Les signes cliniques
Ce sont les mêmes que ceux du carcinome hépato-cellulaire mais, le plus souvent, il existe un ictère de type cholestatique. L’évolution de la maladie étant habituellement lente, des signes cliniques de cholestase prolongée peuvent apparaître, en particulier des xanthélasmas.
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Les examens complémentaires
L’échographie montrera une vésicule et une voie biliaire principale normales, mais elle pourra mettre en évidence des foyers de dilatation des voies biliaires intra-hépatiaues, fonction du siège et de l’extension de l’obstacle néoplasique.
La biopsie hépatique montre des cellules néoplasiques disposées en tubules, ressemblant à des canaux biliaires, qui sont entourées de tissu fibreux dense. Il faut distinguer ces carcinomes cholangio-cellulaires des cancers des voies biliaires extra-hépatiques étendus au foie, qui sont d’observation beaucoup plus fréquente.
L’évolution et le traitement
Les méthodes thérapeutiques proposées sont les mêmes que pour les deux autres formes de tumeurs primitives du foie. Cependant, ici, l’exérèse chirurgicale est rarement réalisable. Lorsque l’intervention est impossible, on pourra tenter de passer, par voie transcutanée trans-hépatique, une sonde à travers la tumeur, réalisant ainsi un drainage convenable qui obtiendra une diminution de l’ictère, sans intervention chirurgicale.
L’évolution de ce cancer est plutôt lente, et la propagation de l’infiltration tumorale tout au long des voies biliaires pourra favoriser l’apparition d’une cirrhose biliaire secondaire.