Les tendances actuelles du comportement alimentaire
Abondance des aliments
Toutes les sociétés qui nous ont précédé étaient caractérisées par l’absence d’un choix alimentaire réel. Les produits alimentaires n’étaient disponibles qu’en quantité limitée, leur production était saisonnière et une partie de l’année se passait à consommer des réserves qu’on faisait durer jusqu’à la prochaine récolte. L’apparition, à la fin du XIXe siècle, d’un important commerce de céréales n’a supprimé le danger de disette que pour un produit de base. Mais plus récemment, les progrès des moyens de transport, des moyens de conservation et l’augmentation du niveau de vie ont amené une situation unique dans l’histoire alimentaire de l’humanité : la possibilité d’un choix quotidien et pratiquement illimité des aliments. Cet état de chose continue actuellement à s’accentuer du fait des progrès technologiques : lyophilisation, conservation par les radiations, surgélation.
L’abondance alimentaire permanente, et les progrès dans le domaine de ’hygiène alimentaire (le danger chimique et le danger microbien ont presque entièrement disparu) contribuent à l’amélioration de l’état de santé et le l’espérance de vie. Arrivé à 65 ans, le Français a encore en moyenne 4 ans à vivre et la Française 19 ans. Pourtant, la grande peur de mourir n’a fait que grandir, et la méfiance envers les aliments a cru aussi vite que leur qualité.
Dorénavant le progrès technologique, quelle que soit son importance économique, et les modifications qu’il continue à apporter à notre alimentation quotidienne, ne sera plus un fait déterminant. Les facteurs actuellement essentiels sont, non pas une augmentation supplémentaire de l’abondance, ni l’apparition d’aliments nouveaux, mais bien l’adaptation tic notre comportement alimentaire à la situation d’abondance si nouvelle. Parmi les facteurs de cette adaptation, l’un des plus importants est l’acquisition de données précises en nutrition, susceptibles pour la première fois de fournir des bases rationnelles à notre comportement, et qui déterminera en partie l’avenir du médecin et de la cite.
La nutrition
Le fait surprenant est que le fossé traditionnel entre la nutrition (science ayant pour objet la nature et les effets des aliments) et la diététique (ensemble des prescriptions alimentaires empiriques) soit en train de sc combler. La diététique est aussi ancienne que l’espèce humaine : elle est née en même temps que les sentiments religieux, devant la prise de conscience de la propre faiblesse de l’homme dans un univers hostile. Le jeûne est une pratique de purification utilisée dans toutes les civilisations, dans toutes les religions à l’approche des événements importants : chasse, prières collectives, guerre, récolte, etc. L’interdiction de consommer certains aliments est tout aussi ancienne et répandue.
La diététique médicale est, elle aussi, de toutes les civilisations. Son développement est concurrent mais non indépendant de celui de la diététique socio-religieuse que nous venons d’évoquer. A l’origine, les deux types d’interdits (totémiques et thérapeutiques) ne peuvent être séparés. Et dans un même courant de pensée (qui d’ailleurs n’a pas encore totalement disparu), aux constatations empiriques sur les relations entre les aliments et les malades, se lie intimement le sentiment que la maladie est la punition de la transgression d’un tabou, le plus souvent alimentaire.
Les premières connaissances en physiologie de la nutrition mécanisme oxydatif chimique découvert par Lavoisier, fonction glycogénique du foie démontrée par Claude Bernard par exemple — étaient bien trop lointaines de la diététique pour l’influcnce
r. Il y avait donc deux domaines entièrement séparés : l’un, dans lequel les préjugés que les médecins partageaient avec les malades s’ajoutaient aux connaissances empiriques pour perpétuer les interdits à visée thérapeutique ; l’autre, dans lequel les
connaissances sur les fonctions physiologiques à l’échelle de l’organisme entier, sur les processus métaboliques à l’échelon cellulaire et sur la composition des aliments s’accumulaient et s’organisaient en des ensembles cohérents, sans conséquences pratiques sur l’alimentation des hommes.
Mais depuis une vingtaine d’années se préparent, dans les centres de Recherche nutritionnelle, des synthèses qui inexorablement vont être cause d’une révolution dans nos conceptions thérapeutiques et plus tard dans le comportement alimentaire de l’espèce. Les premières et timides synthèses ont été celles du diabète et de l’urémie. La notion que l’état de santé d’un diabétique, la survenue des complications dégénératives, voire l’émergence à la surface clinique de la maladie elle-même, sont fonction de la quantité d’hydrates de carbone consommée, et ceci indépendamment de la façon dont le nutriment « hydrate de carbone » est caché dans l’aliment complexe, a donné lieu à un corps de doctrine et à une éducation du malade, ou du malade en puissance.
La relation entre la diététique et l’insuffisance rénale est historiquement aussi ancienne que la diététique du diabète, mais n’a pas connu un développement de même ampleur. En effet, les insuffisances rénales graves ne concernent pas une population aussi nombreuse que celle des diabétiques ; elles sont d’une évolution généralement rapide et surtout leur diététique n’a pas la même efficacité. De plus, les progrès très rapides d’autres modalités thérapeutiques en néphrologie n’ont laissé à la diététique qu’une place réduite.
Ces deux points résument en fait toute la diététique médicale. En effet, le traitement de deux autres affections, anciennement connues comme liées au mode alimentaire du malade la goutte et l’obésité est encore, en règle générale, très proche du Moyen Age. Sans abuser d’une ironie trop facile, rappelons les prescriptions de vins de Bordeaux, supposés meilleurs pour la goutte que ceux de Bourgogne, et la prescription de biscottes ou de diurétiques chez des sujets consultant pour un excès de réserves en triglycérides. En effet, l’ensemble des travaux sur le métabolisme de l’acide urique et sur la régulation des réserves énergétiques n’a pas encore été intégré en thérapeutique. Et puis il y a aussi tous ces malades chez qui la dénutrition protéique aggrave le pronostic de la maladie et l’avenir du sujet, dénutrition dont la cause la plus générale est le concensus du malade et du médecin sur la suppression ou la diminution brutale des apports protéiques.
Pourtant, la nutrition en est à un stade conceptuel qui permet d’offrir des bases nouvelles à une diététique thérapeutique curative et préventive.
Après l’éradication presque complète de la mortalité par maladie infectieuse, la première cause de mort est devenue la pléthore.
En moyenne, notre alimentation nous réussit à merveille. Pourtant, nombreux quoique bien minoritaires sont ceux qui sont malades de la pléthore, soit de la pléthore globale soit de la pléthore en tel ou tel nutriment. La cause de cette inégalité ? Elle est génétique. De même environnement nutritionnel, certains ont des seuils nutritionnels en-dessous de ce qu’ils mangent. Les perturbations génétiques n’ont pu être éliminées par sélection naturelle parce qu’à l’échelle des populations, la pléthore est trop récente pour avoir eu le temps d’agir, et parce que l’effet négatif s’exprime chez l’individu après qu’il ait eu le temps d’assurer sa descendance. Un exemple : un sujet atteint d’une hypercholestérolémie familiale sous forme homozygote n’aurait que des enfants hypercholestérolémiques, le plus souvent hétérozygotes. Mais puisqu’il meurt le plus souvent très jeune ! Par contre, son frère hétérozygote, vivra au moins jusqu’à 40 ans et aura donc le temps d’assurer une descendance.
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