les mécanismes de contre-régulation
Les mécanismes de contre-régulation
Cette région comporte en particulier le noyau amygdalien, le nucléus de la strie terminale et le noyau accumbens. Ces circuits qui utilisent le neurotransmetteur dopamine sont activés par toutes les substances addictives lors d’une prise aiguë, que ce soient d’opiacé (morphine, héroïne), de cocaïne, d’alcool ou de nicotine.
Jusque-là, rien de bien affolant, si ce n’est peut-être la clef du bonheur dans un monde idéal, à savoir l’activation de ces systèmes par des substances ou par des situations qui ont une valeur hédonique. Le problème vient de ce que des mécanismes de contre-régulation vont être mis en jeu simultanément lors de l’activation de ces systèmes de récompense. Ces mécanismes de contre-régulation comportent deux aspects notables.
D’une part, ils enclenchent un processus d’adaptation à la prise de drogue via un phénomène de plasticité cérébrale : l’activation des circuits de récompense induisant des modifications au niveau des neurones de l’amygdale étendue, la dopamine libérée lors de l’activation devient de moins en moins efficace pour produire un effet hédonique. Ce phénomène, s’ajoutant à la diminution de la libération basale de dopamine avec le temps, rend compte du phénomène de tolérance qui s’installe en cas de prise chronique de drogue.
C’est la raison pour laquelle les toxicomanes doivent augmenter régulièrement la quantité de substance absorbée pour arriver à un effet hédonique. Avec le temps, s’instaure donc une diminution de l’efficacité du système de récompense .
Et les mauvaises nouvelles ne s’arrêtent pas là, car ces mécanismes de contre-régulation entraînent également la mise en jeu, en même temps que le système de récompense est activé, de systèmes qui tendent à maintenir l’homéostasie en contrebalançant les effets du système de récompense. Ce sont ces systèmes que Koob et Le Moal ont définis comme les « systèmes d’antirécompense ».
Là aussi, les médiateurs impliqués ont été identifiés : il s’agit notamment de ceux libérés par l’activation des mécanismes de stress, c’est-à-dire le facteur de libération de la corticotropine (CRF) et de la noradrénaline.
Le CRF est, en effet, un médiateur contenu dans des neurones de l’hypothalamus qui active l’axe hypothalamo-hypophysaire du stress, tandis que les circuits neuronaux qui contiennent la noradrénaline dans le cerveau représentent une sorte de système de stress intracérébral .
Ainsi la prise de drogue active la libération de CRF qui, à son tour, stimule la libération de l’hormone corticotrope (ACTH) à partir de l’hypophyse antérieure, agissant au niveau de la corticosurrénale et aboutissant à la production de cor- tisol circulant, soit l’hormone du stress par excellence.
Au niveau intracérébral, les neurones qui contiennent la noradrénaline dans le locus coeruleus sont aussi activés et libèrent la noradrénaline dans tout le cerveau, à l’exception, de manière intéressante, des régions qui sont innervées par la dopamine . Et les mauvaises nouvelles continuent.
Alors qu’avec la prise chronique de drogue, le système de récompense dopaminergique diminue d’efficacité, le système d’antirécompense, médié par le CRF et la noradrénaline, augmente, lui, en efficacité et crée donc, avec un décalage temporel, un état de malaise très important après la prise de drogue. Cet état est caracter Représentation schématique de la boucle hypothalamo- hypophyso-surrénalienne aboutissant à la production de cortisol suite à un stress.
térisé par des manifestations somatiques extrêmement désagréables qui constituent une motivation importante à la reprise de drogue.
Au total, la prise chronique de drogue met le sujet dans un état de tolérance, parce que l’effet des systèmes de récompense s’amenuise avec le temps, et, en même temps, dans un état de dépendance, car les systèmes d’antirécompense sont activés et poussent à reprendre de la drogue pour tenter d’en retrouver les effets hédoniques .
Remplaçons maintenant les termes impulsion par pulsion, systèmes de récompense par plaisir et systèmes d’antirécompense par déplaisir . On pourra dire qu’une personne qui met en acte une pulsion reposant sur son scénario fantasmatique active un système de plaisir et, en même temps, un système de déplaisir.
Par ce processus, la pulsion, plutôt que d’amener au plaisir, conduirait au déplaisir. On passerait ainsi d’un système où la pulsion pousse au plaisir à un système où la compulsion pousse à la répétition d’un scénario fantasmatique en vue d’un plaisir qui devient de plus en plus évanescent. Du même coup, on retrouverait l’idée freudienne d’un système au-delà du principe de plaisir, comme s’il existait un « principe d’antiplaisir ».